Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (3. Pér. 34.1905)

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

que les gens de Touran lui avaient arrachées, il leur fut impossible
de substituer à l’élément turc qui s’était imposé dans le royaume
un élément iranien qui en pût tenir la place.

Les Persans avaient compris de bonne heure qu’ils auraient trop
de peine à lutter contre les Turcs qui traitaient l’Iran en pays con-
quis; ils préférèrent se renfermer chez eux, écrire des chroniques ou
des romans, et abandonner aux nouveaux venus les hauts grades de
l’armée et les grandes charges civiles. Malgré tout leur désir d’inau-
gurer une politique nationaliste, les Séfévis ne pouvaient se passer
du concours des Turcs, qui seuls étaient au courant des affaires de
la Perse, de telle sorte que, malgré leurs efforts, l’influence de l’élément
étranger ne diminua que fort peu. Il en fut de même dans les arts, et
les mosquées élevées à Isfahan et à Ardéhil par les Séfévis, ne dif-
fèrent pas sensiblement de celles qui furent bâties dans la Trans-
oxiane par Timour et ses successeurs; quant aux peintres, on sait
par l’auteur de la chronique, ou plutôt du panégyrique, de Shah-
Abbas Ier, le Tarikh-i Alem Arai Abbasi, que la plupart d’entre eux
venaient du Turkestan, très probablement de ces écoles de Samar-
kand et de Boukhara qui avaient été si florissantes sous le règne des
Timourides. Le témoignage de cet historien est très curieux, mais il
ne fait guère que confirmer un fait d’expérience, et jusqu’au jour
où l’art de la miniature fut profondément modifié par les procédés
européens les artistes persans ont conservé fidèlement la manière
des écoles de la Transoxiane et les types classiques de la peinture
du Turkestan.

E. B LO CH ET