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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 34.1905

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Nr. 3
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Godet, Philippe: Un portrait inédit de La Tour
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https://doi.org/10.11588/diglit.24816#0247

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UN PORTRAIT INÉDIT DE LA TOUR

219

adorateurs peuvent dire le mot, et les indifférents le refuser. »

Mais Sainte-Beuve ne connaissait pas le pastel de La Tour, qui
eût fixé son opinion. La vérité est que Mmode Gharrière n’était pré-
cisément ni jolie ni belle : elle était charmante. Elle appartenait à
cette catégorie de personnes dont la figure séduit par la vivacité du
regard, la mobilité de l’expression, par cette animation piquante
qu’un esprit original répand sur tous les traits. Encore un coup, ce
qui enchantait La Tour et le désespérait presque, c’était cette extra-
ordinaire intensité de vie. Avec son grand front bombé, ses cheveux
blonds un peu rebelles, coupés assez court et librement rejetés en
arrière, son nez aux narines frémissantes, fortement arqué, mais
d’un dessin très pur, ses lèvres au sourire incertain, à la fois accueil-
lant et désabusé, où brillaient les dents les plus blanches du monde,
avec ses yeux surtout, couleur d’eau de mer, au clair et franc regard
et dont l’un (ce fait caractéristique est signalé par une de ses amies)
« semblait plein de malice, tandis qu’elle caressait de l’autre »,
Belle de Zuylen était une apparition si imprévue, qui annonçait un
esprit siprime-sautier, tant de franchise, de verve et de grâce réunies,
que nul ne pouvait ni la voir avec indifférence, ni en perdre le sou-
venir.

Combien de très jolies femmes, combien de classiques beautés,
dont on n’en peut dire autant, et qui eussent donné à La Tour
moins de peine... avec moins de plaisir!

PHILIPPE GODET
 
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