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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 34.1905

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Nr. 3
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Hymans, Henri: L' exposition Jordaens à Anvers: correspondance de Belgique
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https://doi.org/10.11588/diglit.24816#0287

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CORRESPONDANCE DE BELGIQUE

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naghi, à Londres, et dont le dessin appartient au Louvre, fut disputé à un très
haut prix à la vente Huybrechts, il y a peu d’années. Jordaens, cependant, à
en croire Houbraken, avait pour le portrait une sympathie médiocre. Du moins
plaignait-il très fort Nicolas Maes de s’y consacrer.

Les portraits réunis à Anvers, ceux bien connus du musée de Cologne,
d’autres appartenant à lord Chesham et à M. Fleischmann, de Londres, déroutent
un peu les artistes. Jordaens, sous cette forme apaisée, ne ressemble que secon-
dairement à lui-même, c’est certain.

Lajeune femme en noir tenant un petit chien dans le bras droit, toile appar-
tenant à lord Chesham, serait, au gré de quelques-uns, une œuvre faussement
attribuée. Le faire en est superficiel, peut-être. Mais, ici encore, une autre pein-
ture, La Sérénade, exposée par M. Léon Le Blon, d’Anvers, sert en quelque sorte
de témoignage d’authenticité. Sans différence aucune, nous retrouvons, de part et
d’autre, le même petit chien tenu par sa maîtresse.

Pour le portrait de jeune femme en robe de salin rouge relevée d’or, exposé
par M. Fleischmann, la main de Jordaens y apparaît d’une manière moins pro-
noncée, mais point méconnaissable, quoi qu’on en dise.

Face à face avec le modèle, il est rare d’ailleurs que le portraitiste, même le
plus ample, ne s’astreigne à une précision tout au moins relative. C’est assuré-
ment le cas de Jordaens.

Le portrait du vieillard pensif, assis dans un fauteuil à haut dossier rouge
servant de repoussoir à la tête chenue, contribution du musée de Budapest, nous
a semblé, comme précédemment, représenter le peintre lui-même. La gravité
du faire et quelque peu aussi l’expression de tristesse répandue sur l’ensemble,
enfin la simplicité de l’attitude, semblent plaider en faveur de l’hypothèse.
D’ordinaire, pour d’autres, un peintre se met en frais d’arrangement absolument
dédaignés où il s’agit de lui-même.

Jordaens, à soixante-six ans, est veuf de la dévouée compagne qui, dans son
œuvre, occupe une place à peine moins importante que celle assignée à Hélène
Fourment par Rubens. Autour du peintre, de plus en plus se fait le silence. Lui,
qui fut le témoin des triomphes de Rubens; lui, dont van Dyck a transmis à la
postérité la mâle et sympathique image, ne devait plus vivre que dans le passé.
Le nécrologe des artistes peintres anversois comprend presque tous ceux qui
furent les compagnons de sa jeunesse, les amis de son âge mûr. Son fils Jacques,
dont l’unique peinture connue, Le Christ apparaissant à la Madeleine, appartient
au musée d’Amiens, n’était sûrement pas de force à réjouir sa vieillesse, si l’on
en juge par l’œuvre que nous avons sous les yeux.

« Du traité de Munster à la Révolution brabançonne, écrit un auteur, rhistoire
de la ville d’Anvers se résume en deux mots : décadence, sommeil. » Durant plus
de trente années Jordaens survécut au premier de ces événements, si funeste à la
prospérité de sa ville natale. En lui se clôt la phase héroïque dé l’école d’Anvers,
et, de quelque manière qu’on l’apprécie, on ne lui contestera point la gloire d’en
avoir prolongé le rayonnement bien au delà de la période que lui assignait la
déchéance de la Belgique considérée à d’autres points de vue.

HENRI HYMANS
 
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