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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
le petit autel de droite, et la Vierge, indiquée comme une œuvre
de Leysner, n’est qu’un stuc moderne.
Dans l’église de Forges, près de Doué-la-Fontaine, la décoration
du chœur, exécutée en 1775, étonne par son mauvais goût. Tout
est effroyablement peint, et surtout repeint, autel, guirlandes et
statues. Ici, de plus, nous tombons dans le ridicule. La statue de
droite, dénommée sur son piédestal Saint Narcisse, était primi-
tivement un Saint François de Sales. Elle fut débaptisée, en 1850,
en l'honneur d’un paroissien de l’endroit, qui portait le prénom de
Narcisse et avait soldé de ses deniers les restaurations de l’église.
Rien à dire de cette statue; elle est quelconque. Nous lui préférons
son vis-à-vis, Saint Laurent, aux yeux mi-clos et baissés, tenant
de sa main gauche une palme, et dans une attitude vraiment
recueillie. Mais, s’il n’y a pas eu de motif pour l’affubler d’un autre
nom, en revanche les restaurateurs ont cru bon de compléter son
accoutrement. Un saint Laurent sans son gril, cela ne pouvait être !
On lui a donc placé, sous le bras droit, un gril, bon tout au plus à
cuire des côtelettes. Qu’en eût dit le pauvre Leysner?
A Martigné-Briant, comme au Louroux-Béconnais, les églises
ont été reconstruites et les vieilles statues mises de côté. Dans la
dernière localité, on nous affirme que les « saints » ont été enterrés
non loin de l’église, lors de sa reconstruction en 1863.
Du peu qui nous reste de Leysner, nous pouvons dégager un
certain nombre de qualités et relever quelques défauts.
L’attitude de ses personnages est parfois maniérée; mais elle
apparaît souvent naturelle et sincère. Il adopte généralement la
station du corps reposant sur un pied en arrière. Les têtes sont,
d’habitude, levées vers le ciel et s’inclinent sur l’épaule. Le visage
est un ovale assez gracieux, appointi au menton; le front, un peu
saillant; l’arcade sourcilière accusée; les yeux sont empreints d’une
tendre sensibilités Les traits se font remarquer par leur finesse.
L’expression de souffrance est celle qu’il rend le plus volontiers,
mais la douceur des Vierges ne lui est pas étrangère. L’anatomie
des membres est belle, sans exagération. Il aime le jeu des draperies
Bottantes. Dans des sujets semblables, ses éléments de mise en
scène manquent peut-être de variété. Mais il a su donner à ses
créations un cachet d’originalité et de délicatesse qui fait de lui,
sans contredit, le meilleur des sculpteurs angevins du xvme siècle,
•ou, tout au moins, le plus sympathique.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
le petit autel de droite, et la Vierge, indiquée comme une œuvre
de Leysner, n’est qu’un stuc moderne.
Dans l’église de Forges, près de Doué-la-Fontaine, la décoration
du chœur, exécutée en 1775, étonne par son mauvais goût. Tout
est effroyablement peint, et surtout repeint, autel, guirlandes et
statues. Ici, de plus, nous tombons dans le ridicule. La statue de
droite, dénommée sur son piédestal Saint Narcisse, était primi-
tivement un Saint François de Sales. Elle fut débaptisée, en 1850,
en l'honneur d’un paroissien de l’endroit, qui portait le prénom de
Narcisse et avait soldé de ses deniers les restaurations de l’église.
Rien à dire de cette statue; elle est quelconque. Nous lui préférons
son vis-à-vis, Saint Laurent, aux yeux mi-clos et baissés, tenant
de sa main gauche une palme, et dans une attitude vraiment
recueillie. Mais, s’il n’y a pas eu de motif pour l’affubler d’un autre
nom, en revanche les restaurateurs ont cru bon de compléter son
accoutrement. Un saint Laurent sans son gril, cela ne pouvait être !
On lui a donc placé, sous le bras droit, un gril, bon tout au plus à
cuire des côtelettes. Qu’en eût dit le pauvre Leysner?
A Martigné-Briant, comme au Louroux-Béconnais, les églises
ont été reconstruites et les vieilles statues mises de côté. Dans la
dernière localité, on nous affirme que les « saints » ont été enterrés
non loin de l’église, lors de sa reconstruction en 1863.
Du peu qui nous reste de Leysner, nous pouvons dégager un
certain nombre de qualités et relever quelques défauts.
L’attitude de ses personnages est parfois maniérée; mais elle
apparaît souvent naturelle et sincère. Il adopte généralement la
station du corps reposant sur un pied en arrière. Les têtes sont,
d’habitude, levées vers le ciel et s’inclinent sur l’épaule. Le visage
est un ovale assez gracieux, appointi au menton; le front, un peu
saillant; l’arcade sourcilière accusée; les yeux sont empreints d’une
tendre sensibilités Les traits se font remarquer par leur finesse.
L’expression de souffrance est celle qu’il rend le plus volontiers,
mais la douceur des Vierges ne lui est pas étrangère. L’anatomie
des membres est belle, sans exagération. Il aime le jeu des draperies
Bottantes. Dans des sujets semblables, ses éléments de mise en
scène manquent peut-être de variété. Mais il a su donner à ses
créations un cachet d’originalité et de délicatesse qui fait de lui,
sans contredit, le meilleur des sculpteurs angevins du xvme siècle,
•ou, tout au moins, le plus sympathique.