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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 39.1908

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Nr. 5
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Beaunier, André: Les salons de 1908, 1
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https://doi.org/10.11588/diglit.24866#0409

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LES SALONS DE 1908

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à une œuvre décorative. M. Courtois s’est appliqué à peindre rond;
il a cherché le relief et il l’a terriblement obtenu. Les muscles
du bel et énergique Adam ont de fortes saillies qui sortent de la
toile ; quant au lac, il a des lointains très reculés qui s’en vont, à
perte de vue. C’est pitoyable! Imaginez ce qu’une telle peinture fait
d’un mur où on l’a collée. Les personnages sont peints en trompe-
l’œil : leurs muscles cabossent le mur, que trouent les lointains du
lac. C’est un mur, ah ! par trop calamiteux : il va s’écrouler.

Le peintre qui décore un ensemble architectural doit respecter
l’économie de la construction, ses lignes et ses surfaces. Il ne doit
pas dissimuler l’ossature de l’édifice, cacher les éléments de son
équilibre et faire d’un mur une machine de chaos. Qu’il y ait sur le
mur une image, c’est bien ; mais qu’on sente que c’est une image!
Ainsi le mur continue d’être un mur. Le peintre qui décore un
monument doit se méfier de la troisième dimension : c’est l’en-
nemie !...

Il pourrait emprunter aux Japonais et aux Chinois leur strata-
gème. Ceux-ci ont une manière à eux de traiter la perspective : ils
la faussent résolument. Les lignes qui, dans la nature, descen-
draient, ils les élèvent : au lieu de fuir, elles s’approchent. Les
lointains viennent au premier plan; il n’y a plus d’autre plan que
le premier. Ainsi, le panneau de peinture est une image qui,
posée sur le mur, l’orne joliment et n’a pas l’air de le démolir.

M. Maurice Denis, sans recourir à ces artifices, a eu le grand
soin de peindre plat, comme faisait Puvis de Chavannes. Du reste,
la savante pâleur de ses panneaux n’est pas obtenue au détriment du
coloris. La lumière, pour ne point s’irradier avec frénésie, n’en est
pas moins délicieuse. Douce, elle éclaire mieux la diversité des
objets : elle permet à tous de se montrer, elle laisse à chacun d’eux
la fine vérité de son aspect.

Enfin, louons M. Maurice Denis d’avoir choisi, pour décorer une
demeure privée, d’aimables et plaisants motifs. Il a évité les sujets
turbulents; les scènes qu’il a peintes peuvent durer sans devenir
absurdes : elles ont un caractère de jeune éternité.

Les panneaux décoratifs qui ornent les chambres où nous demeu-
rons longuement sont ridicules s’ils représentent un acte brusque
et momentané. Un militaire qui en tue un autre, un cheval qui se
cabre, un arc-en-ciel qui luit, voilà des incidents à ne point pro-
longer. Moi, leur paisible spectateur, je m’impatiente si le militaire
n’en finit pas de tuer son détestable ennemi, si le cheval n’en finit
 
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