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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 10.1913

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Nr. 1
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Koechlin, Charles: Chronique musicale
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https://doi.org/10.11588/diglit.24887#0091

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CHRONIQUE MUSICALE

THÉÂTRE DES GHAMPS-ÉLYSÉES : Pénélope, drame lyrique en trois actes,
d’après l'Ochjssce, poème de M. René Fauchois, musique de M. Gabriel Fauré.

On aime à demander aux symphonistes ; « Quand donc ferez-vous un
opéra? » Et c’est avec l'air de dire : « Quand écrirez-vous donc une
œuvre qui compte?» 0 prestige du théâtre! Mélodies, amusement
facile; sonates, laborieux ennui: voilà l’opinion courante. Hiérarchie
absurde, car une seule ligne du Parfum impérissable vaut toute la niasse pesante
des opéras véristes. Jugement de béotien, que de juger d’après les dimensions
absolues; pour que M. Fauré soit un grand artiste, il suffit de Clair de lune ou
à'Arpège.

Un jour, on sut qu’il composait un drame lyrique; les gens manifestèrent
des craintes touchantes. On concédait que le Schumann français1 eût réussi
quelques mélodies agréables, mais on doutait qu’il eût la force et la grandeur
réclamées par l’optique théâtrale (erreur : l’optique théâtrale n’exige pas la force,
mais la simplicité, et surtout la vérité des sentiments ; voyez comme portent les
plus intimes et les plus douces pages de Faust, du Rêve, de Pelléas...). On oubliait,
on ignorait cet extraordinaire Prométhêe, l’œuvre peut-être la plus puissante de
toute l’école française moderne. Et l’on ajoutait enfin : « D’ailleurs, ce n’est pas
un musicien de théâtre. » Quel bonheur, au contraire, qu’il ait commencé par
être un symphoniste ! Ne regrettons jamais ce métier acquis dans la forme pure
de la sonate, par une longue, silencieuse, patiente et admirable ascension vers
toujours davantage de beauté. Comment ne pas se réjouir que sa muse n’ait pas
été livrée, encore mineure, à la promiscuité malsaine du théâtre? Ce mauvais
lieu de la musique (ainsi l’appelait Berlioz), il n’y faut pénétrer que triplement
protégé par l’inspiration, la maîtrise, et la volonté la plus tenace. Faute de quoi
l’on succombe trop souvent à l’exemple de la veulerie, ne sachant plus mépriser
l’écriture lâchée, respectant le gros effet, et se tolérant tout, sous prétexte de
compréhension plus facile du public. Au reste, que signifient ces mots : « un
musicien de théâtre » ? Est-ce que les œuvres théâtrales de MM. Saint-Saèns,

1. Je n’ai pas besoin de dire ce que je pense de cette épithète ; il n’y a proprement
aucun rapport, aucune ressemblance véritable entre Schumann et M. Fauré.
 
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