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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 10.1913

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Nr. 3
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Rosenthal, Léon: La genèse du réalisme avant 1848, 1
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https://doi.org/10.11588/diglit.24887#0193

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LA GENÈSE DU RÉALISME AYANT 1848

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peintres, d’un pas plus ou moins incertain, s’aventurèrent en des
voies encore mal tracées; les champions d’une formule nouvelle
firent leurs premières armes.

La doctrine de l’art pour l’art avait rencontré les conditions les
plus favorables sous la Restauration. En un temps où les souvenirs
d’un passé tout récent étaient proscrits, où la réalité immédiate était
médiocre, les artistes, comme les écrivains, se renfermaient facile-
ment dans leur tour d’ivoire. Sans doute, cette abstention ne fut
jamais complète : Géricault s’en était dégagé pour peindre le Radeau
de la Méduse, Delacroix et Ary Scheffer pour célébrer les malheurs
héroïques de la Grèce. Mais, le plus souvent, les bruits du dehors ne
venaient pas troubler la méditation des ateliers silencieux.

Le régime nouveau s’ouvre par une révolution populaire. Les
artistes sont atteints par la commotion générale. Eugène Lami suit,
le crayon à la main, les phases de la lutte, Decamps raille le roi
déchu, Delacroix magnifie la victoire de la liberté. Pendant quelques
années des émeutes fréquentes mettent en danger le trône de Louis-
Philippe. Puis, quand le régime semble définitivement établi, sous
l’apaisement apparent, des mouvements intenses se propagent. Les
croyances religieuses, amorties ou éteintes, se réveillent ; elles con-
quièrent une fraction de la bourgeoisie : un parti catholique se
constitue, véhément, combatif. En même temps les conditions de
la vie économique se transforment; des problèmes angoissants se
posent et des doctrines surgissent; saluées d’abord par des railleries,
elles se manifestent bientôt redoutables. Par un travail mystérieux,
des instincts généreux et naïfs envahissent les âmes : un besoin
vague de communion et de fraternité universelle prépare l’humani-
tarisme de 1848.

Dans cette atmosphère, la crise morbide qui, sous la Restauration,
frappait les jeunes gens de neurasthénie se dissipe; le mal du siècle
disparait. La vie extérieure sollicite l’esprit de toutes parts, elle crée
un besoin d’agir, une ambiance fébrile. Elle entraine vers les tri-
bunes politiques Lamartine et Victor Hugo. Pour méditer et réfléchir
en paix, il faut qu’Hébert échappe à Paris « où l’on brûle la vie » et
se réfugie à Rome1.

Comment s’étonner que les artistes, naguère indifférents ou
impassibles, soient peu à peu ébranlés? La religion pure de la beauté

1. Lettres de Hébert à Paul Delaroche, du 18 juillet 1841 et du 27 mai 1842,
(Revue de Paris, Ie1' décembre 191Ü, p. 499 et 501).
 
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