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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 10.1913

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Nr. 5
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Reymond, Marcel: Le "Concert champêtre" de Giorgione
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https://doi.org/10.11588/diglit.24887#0466

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

pas nécessaire de montrer, au moins dans quelques-unes de ses œuvres, une
de ces recherches de beauté, de sensualisme féminin, comme nous les voyons
chez Giorgione, et n’est-ce pas un argument capital que de pouvoir dire que
Sébastien del Piombo s’est désintéressé des figures de femmes nues comme il
s’est désintéressé du paysage?

Peut-être qu’en présence de ces considérations fondamentales les argu-
ments tirés de quelques analogies de détail entre le Concert et diverses œuvres
de Sébastien de! Piombo perdent de leur importance : celle, par exemple, qui
existerait entre les draperies de la femme à la fontaine du Concert et celle
d’une femme dans le Jugement de Salomon. D’autant plus que, si la draperie de
cette dernière présente, en effet, quelque analogie avec celle de Giorgione,
elle en est néanmoins d’une qualité artistique infiniment plus faible. Les
analogies signalées par M. L. Venturi peuvent bien, à la rigueur, montrer que
Sébastien s’est inspiré du Concert, mais elles prouveraient encore plus sûre-
ment qu’il n’a pas été capable de le faire.

Enfin, s’il est vrai que le Concert a des qualités de modelé souple, de cha-
leur de coloris que l’on ne trouve pas au même degré dans les autres œuvres
de Giorgione, on peut dire qu’on les trouve encore moins dans les œuvres de
Sébastien, surtout à l’époque de sa jeunesse, au moment où l’on suppose qu’il
a pu faire le Concert. A mon sens, le Concert est l’aboutissant suprême d’une
grande vie d’artiste et non le début d’un jeune homme.

Certains traits que M. L. Venturi relève pour combattre l’attribution à
Giorgione pourraient, au contraire, être invoqués dans un sens différent. Il parle
de la superficielle expression psychologique du Concert; mais c’est bien là un
des traits de Giorgione, de cet artiste qui ne voit que la beauté des êtres, la
forme des corps, les jeux de la lumière, et non l’expression des âmes. Et ces
(c trascuratezze di segno », si je comprends bien ces mots, c’est précisément la
suite de ces recherches de modelé, de ce « sfumato » qui esta Venise la création
propre de Giorgione et qui fait de lui sur ce point un véritable frère de Léonard.
Les figures du Concert, tout enveloppées de lumière et d’ombre, sans la
moindre sécheresse, sont absolument irréprochables.

Je m’excuse de mon insistance. Le sujet est trop grave pour qu’on le passe
sous silence. M. L. Venturi lui-meme, j’en suis sûr, m’excusera de lui faire
connaître quelques-unes des raisons qui peuvent s’opposer à sa thèse, et, si
je le fais, c’est pour que lui, si compétent, étudie de nouveau la question,
réfute nos erreurs et assure définitivement la vérité. Qu’il veuille bien consi-
dérer cette discussion comme un témoignage de la haute valeur que j’attribue
à son livre sur Giorgione.

MARCEL REYMOND

Le Gérant : P. Girardot.

PARIS.

TYP. PHILIPPE HENOUARP,
 
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