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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
d’innombrables collections d’accès souvent difficile. 900 tableaux et
pastels, sans compter 200 portraits d’écrivains et d’artistes qui for-
ment une section spéciale, 250 aquarelles et dessins, 200 miniatures,
125 (c silhouettes », quelques objets choisis de sculpture et d’orfè-
vrerie, ont été rassemblés en quelques mois par les soins de M. Bier-
mann et méthodiquement classés dans de grandes salles claires qui
occupent deux étages du château grand-ducal. C’est un effort consi-
dérable auquel on ne saurait trop rendre hommage.
Mais, malgré la richesse de cette documentation, l’Exposition
présente des lacunes. Quelques-unes étaient, il est vrai, inévitables.
11 est évident, par exemple, qu’on ne pouvait songer à transporter au
Château de Darmstadt les grandes peintures décoratives qui ornent
les palais et les églises du xvme siècle et qui font corps avec ces édi-
fices. Les quelques esquisses qu’il a été possible d’exposer ne sauraient
donner une idée de l’ampleur et de la magnificence des décorations
plastiques et picturales des palais de Wurzbourg, de Brühl et de
Bruchsal ou d’une des grandes abbayes bénédictines de l’Allemagne
du Sud, telle qu’Ottobeuren. Il y a donc tout un domaine de la pein-
ture allemande du xvme siècle — et non le moins intéressant — qui
ne figure à l’Exposition de Darmstadt que pour mémoire fi
La peinture de chevalet est-elle au moins intégralement repré-
sentée? Il faut bien convenir que non, et c’est là, à mon sens, le prin-
cipal grief qu’on peut adresser aux organisateurs de l’Exposition.
Leur programme manquait essentiellement de netteté. S’agissait-il
de la 'peinture allemande ou de la peinture en Allemagne? Telle est
l’équivoque qu’il fallait écarter avant de se mettre à l’œuvre. Si l’on
voulait consacrer l’Exposition aux peintres allemands du xvne et du
xviii6 siècle, il ne fallait pas exclure les Allemands qui ont travaillé
à l’étranger, et notamment en Russie. Nous voyons figurer au cata-
logue de l’Exposition les deux Lampi, qui ont peint à la cour de
Catherine II, bien que ces Autrichiens du Trentin soient de race ita-
lienne : et il n’est fait mention ni de Gottfried Danhauer, le peintre
de Pierre le Grand, ni de Johann-Paul Lüdden et des deux frères
Grooth, qui furent en faveur à Pétersbourg sous l’impératrice Elisa-
beth, ni de Jacob Mettenleiter, que Paul Ie1' chargea de décorer le
château Saint-Michel. Que si, au contraire, il s’agissait de la peinture
en Allemagne, il n’y avait nulle raison d’exclure un peintre italien 1
1. La sculpture, et surtout la porcelaine et l’orfèvrerie, qui ont pris un déve-
loppement si caractéristique à l’époque baroque et rococo, ne sont représentées
que par quelques pièces de choix.
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d’innombrables collections d’accès souvent difficile. 900 tableaux et
pastels, sans compter 200 portraits d’écrivains et d’artistes qui for-
ment une section spéciale, 250 aquarelles et dessins, 200 miniatures,
125 (c silhouettes », quelques objets choisis de sculpture et d’orfè-
vrerie, ont été rassemblés en quelques mois par les soins de M. Bier-
mann et méthodiquement classés dans de grandes salles claires qui
occupent deux étages du château grand-ducal. C’est un effort consi-
dérable auquel on ne saurait trop rendre hommage.
Mais, malgré la richesse de cette documentation, l’Exposition
présente des lacunes. Quelques-unes étaient, il est vrai, inévitables.
11 est évident, par exemple, qu’on ne pouvait songer à transporter au
Château de Darmstadt les grandes peintures décoratives qui ornent
les palais et les églises du xvme siècle et qui font corps avec ces édi-
fices. Les quelques esquisses qu’il a été possible d’exposer ne sauraient
donner une idée de l’ampleur et de la magnificence des décorations
plastiques et picturales des palais de Wurzbourg, de Brühl et de
Bruchsal ou d’une des grandes abbayes bénédictines de l’Allemagne
du Sud, telle qu’Ottobeuren. Il y a donc tout un domaine de la pein-
ture allemande du xvme siècle — et non le moins intéressant — qui
ne figure à l’Exposition de Darmstadt que pour mémoire fi
La peinture de chevalet est-elle au moins intégralement repré-
sentée? Il faut bien convenir que non, et c’est là, à mon sens, le prin-
cipal grief qu’on peut adresser aux organisateurs de l’Exposition.
Leur programme manquait essentiellement de netteté. S’agissait-il
de la 'peinture allemande ou de la peinture en Allemagne? Telle est
l’équivoque qu’il fallait écarter avant de se mettre à l’œuvre. Si l’on
voulait consacrer l’Exposition aux peintres allemands du xvne et du
xviii6 siècle, il ne fallait pas exclure les Allemands qui ont travaillé
à l’étranger, et notamment en Russie. Nous voyons figurer au cata-
logue de l’Exposition les deux Lampi, qui ont peint à la cour de
Catherine II, bien que ces Autrichiens du Trentin soient de race ita-
lienne : et il n’est fait mention ni de Gottfried Danhauer, le peintre
de Pierre le Grand, ni de Johann-Paul Lüdden et des deux frères
Grooth, qui furent en faveur à Pétersbourg sous l’impératrice Elisa-
beth, ni de Jacob Mettenleiter, que Paul Ie1' chargea de décorer le
château Saint-Michel. Que si, au contraire, il s’agissait de la peinture
en Allemagne, il n’y avait nulle raison d’exclure un peintre italien 1
1. La sculpture, et surtout la porcelaine et l’orfèvrerie, qui ont pris un déve-
loppement si caractéristique à l’époque baroque et rococo, ne sont représentées
que par quelques pièces de choix.