LA PEINTURE ALLEMANDE A L’EXPOSITION DE DARMSTADT 127
déjà pressentir Watteau et les peintres de fêtes galantes. An
xviii6 siècle, un autre peintre hambourgeois, Balthazar Denner,
acquit ou plutôt usurpa une réputation européenne en renchérissant
encore sur la minutie do Gérard Dou. Ses portraits de vieillards, où
il s’évertue puérilement à détailler les pores, les rides, les poils, les
verrues, sont peints exactement comme des natures mortes, sans
aucun souci de psychologie. La jolie aquarelle, d'une fraîcheur im-
prévue, prêtée par le musée de Hambourg, montre que ce portraitiste
dévoyé était plus apte à peindre des pommes que des visages.
La vieille ville hanséatiquc de Dantzig, très prospère au xviic siècle,
fut un des principaux centres de rayonnement de la civilisation
hollandaise dans les pays de la Baltique. Andréas Stech (1635-1697) et
surtout Daniel Schultz (1620-1686) sont les deux meilleurs portraitistes
de cette école. Il est regrettable que la Gentennale n’ait réussi à se
procurer qu’un seul portraitde Schultz, prêté par le musée de Dantzig1.
L’Exposition a révélé un autre peintre de cette région, Michael-
Leopold Wilmann (1629-1706), qui est né à Konigsberg, mais qui a
surtout travaillé à Breslau. Son grand tableau à plusieurs scènes de
la Création, qui rappelle les Paradis de Brueghel de Velours, son
Allégorie à la gloire du Grand Electeur, attestent la prodigieuse
expansion de l’art des Pays-Bas jusqu’en Prusse et jusqu’en Silésie.
*
* &
La substitution de l’influence française à l’influence hollandaise
à partir du xvme siècle est le grand fait qui domine l’évolution de
l’art dans toute l'Europe centrale et orientale. L’exode de nombreux
artistes protestants chassés par la Révocation de l’édit de Nantes, la
création d’Académies de peinture et de sculpture sur le modèle de
l’Académie de Paris, l’exemple des peintres de cour que les princes
et principicules allemands attachaient à leur service, tout contribuait
à renforcer ce mouvement en faveur de l’art français.
Rien n’illustre mieux ce changement de goût que les collections
qui se forment en Allemagne à cette époque. Nous avons vu qu’au
xvne siècle les princes allemands recherchaient de préférence les
tableaux de l’école hollandaise; au xviii0 siècle ils ne prisent plus que
les tableaux français. La margrave Caroline-Louise de Bade demande
à l’architecte Louis-Philippe de la Guêpière de lui procurer les
I. Le château de Gripsholm, en Suède; et le palais de Tsarskoié-Sélo, près de
Pétersbourg, possèdent des œuvres de cet artiste remarquable.
déjà pressentir Watteau et les peintres de fêtes galantes. An
xviii6 siècle, un autre peintre hambourgeois, Balthazar Denner,
acquit ou plutôt usurpa une réputation européenne en renchérissant
encore sur la minutie do Gérard Dou. Ses portraits de vieillards, où
il s’évertue puérilement à détailler les pores, les rides, les poils, les
verrues, sont peints exactement comme des natures mortes, sans
aucun souci de psychologie. La jolie aquarelle, d'une fraîcheur im-
prévue, prêtée par le musée de Hambourg, montre que ce portraitiste
dévoyé était plus apte à peindre des pommes que des visages.
La vieille ville hanséatiquc de Dantzig, très prospère au xviic siècle,
fut un des principaux centres de rayonnement de la civilisation
hollandaise dans les pays de la Baltique. Andréas Stech (1635-1697) et
surtout Daniel Schultz (1620-1686) sont les deux meilleurs portraitistes
de cette école. Il est regrettable que la Gentennale n’ait réussi à se
procurer qu’un seul portraitde Schultz, prêté par le musée de Dantzig1.
L’Exposition a révélé un autre peintre de cette région, Michael-
Leopold Wilmann (1629-1706), qui est né à Konigsberg, mais qui a
surtout travaillé à Breslau. Son grand tableau à plusieurs scènes de
la Création, qui rappelle les Paradis de Brueghel de Velours, son
Allégorie à la gloire du Grand Electeur, attestent la prodigieuse
expansion de l’art des Pays-Bas jusqu’en Prusse et jusqu’en Silésie.
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* &
La substitution de l’influence française à l’influence hollandaise
à partir du xvme siècle est le grand fait qui domine l’évolution de
l’art dans toute l'Europe centrale et orientale. L’exode de nombreux
artistes protestants chassés par la Révocation de l’édit de Nantes, la
création d’Académies de peinture et de sculpture sur le modèle de
l’Académie de Paris, l’exemple des peintres de cour que les princes
et principicules allemands attachaient à leur service, tout contribuait
à renforcer ce mouvement en faveur de l’art français.
Rien n’illustre mieux ce changement de goût que les collections
qui se forment en Allemagne à cette époque. Nous avons vu qu’au
xvne siècle les princes allemands recherchaient de préférence les
tableaux de l’école hollandaise; au xviii0 siècle ils ne prisent plus que
les tableaux français. La margrave Caroline-Louise de Bade demande
à l’architecte Louis-Philippe de la Guêpière de lui procurer les
I. Le château de Gripsholm, en Suède; et le palais de Tsarskoié-Sélo, près de
Pétersbourg, possèdent des œuvres de cet artiste remarquable.