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GAZETTE DES BEA EX-ARTS
cataracte. Pendant trois ans, il sentit s’épaissir le voile et dut attendre qu’il
devint presque impénétrable au jour avant de pouvoir faire appel à la chirurgie
qui jadis n’avait pu ressusciter le génie d’un Piero délia Francesca. Ceux
de nous qui ont visité l’historien pendant ces mois tragiques ont trouvé, sous
le regard déjà éteint, le sourire toujours le même. Il continuait de parler et de
dicter sur ce monde des formes et des couleurs qui chaque jour semblait lui
échapper un peu plus. Pour l’assister, il avait ses collaborateurs de la revue
L’Arte, ses disciples de l’Université romaine, et surtout sa mémoire visuelle qui
survivait à sa vue.
C’est dans un crépuscule plus long et plus obscur que la nuit polaire qu’a été
composé le volume qui vient de paraître et qui suit l’action de Mantegna, unie
àl’influence de Piero délia Francesca, jusqu’aux origines de Gentile et de Gio-
vanni Bellini. Ces 1175 pages, accompagnées de 892 illustrations, sont un long
miracle d’énergie, qu’il convient de saluer comme celui qu’a réalisé l’aveugle
Pierre Villey en écrivant à la machine un admirable livre sur les sources de
Montaigne. M. Venturi a fait place dans son dernier volume aux musées français
de province et aux collections américaines, aux recherches les plus récentes
et aux dernières révélations. C’est ainsi qu’il a pu étudier et reproduire, d’après
les notes d’une visite déjà ancienne, complétées par des photographies qu’il
pouvait à peine distinguer, les collections du nouveau Musée Jacquemart-
André, en proposant des attributions qui diffèrent plus d’une fois de celles qui
ont été admises au catalogue G
M. Venturi aurait-il trouvé encore dans les réserves de sa science toute
la matière du dixième volume de l'Histoire de l’art italien qui doit terminer
l’histoire de la peinture italienne du xve siècle ? La question, heureusement,
n’est plus à poser. A peine le neuvième volume était-il parvenu en France que
la nouvelle nous était donnée d’une première opération, qui sauvaitl’œiI gauche
de l’écrivain; l’œil droit est maintenant délivré à son tour. M. Venturi s’est
remis à écrire de sa propre main. C’est un événement heureux pour tous les
amis de l’art italien, et la Gazette le célèbre avec joie.
E. BER T AUX
1. Je signalerai, en particulier, un essai aussi intéressant qu’audacieux tenté par
M. Venturi pour reconstituer l’œuvre de Francesco Mantegna, le fds du grand Andrea
et auquel il associe le Christ du Musée Jacquemart-And ré (n° 1045), si proche du Saint
Sébastien d’Aigueperse. Quant au Mantegna qui porte le n° 1028, je suis convaincu que,
si M. Venturi avait pu le revoir, il se serait gardé de le présenter comme un simple
travail d’école : ce panneau cache sous des repeints irrémédiables une œuvre authentique
et importante de la jeunesse du maître.
Le Gérant : P. GiRMU'or.
PARIS.
T, Y P. PHILIPPE RENOUA RD.
GAZETTE DES BEA EX-ARTS
cataracte. Pendant trois ans, il sentit s’épaissir le voile et dut attendre qu’il
devint presque impénétrable au jour avant de pouvoir faire appel à la chirurgie
qui jadis n’avait pu ressusciter le génie d’un Piero délia Francesca. Ceux
de nous qui ont visité l’historien pendant ces mois tragiques ont trouvé, sous
le regard déjà éteint, le sourire toujours le même. Il continuait de parler et de
dicter sur ce monde des formes et des couleurs qui chaque jour semblait lui
échapper un peu plus. Pour l’assister, il avait ses collaborateurs de la revue
L’Arte, ses disciples de l’Université romaine, et surtout sa mémoire visuelle qui
survivait à sa vue.
C’est dans un crépuscule plus long et plus obscur que la nuit polaire qu’a été
composé le volume qui vient de paraître et qui suit l’action de Mantegna, unie
àl’influence de Piero délia Francesca, jusqu’aux origines de Gentile et de Gio-
vanni Bellini. Ces 1175 pages, accompagnées de 892 illustrations, sont un long
miracle d’énergie, qu’il convient de saluer comme celui qu’a réalisé l’aveugle
Pierre Villey en écrivant à la machine un admirable livre sur les sources de
Montaigne. M. Venturi a fait place dans son dernier volume aux musées français
de province et aux collections américaines, aux recherches les plus récentes
et aux dernières révélations. C’est ainsi qu’il a pu étudier et reproduire, d’après
les notes d’une visite déjà ancienne, complétées par des photographies qu’il
pouvait à peine distinguer, les collections du nouveau Musée Jacquemart-
André, en proposant des attributions qui diffèrent plus d’une fois de celles qui
ont été admises au catalogue G
M. Venturi aurait-il trouvé encore dans les réserves de sa science toute
la matière du dixième volume de l'Histoire de l’art italien qui doit terminer
l’histoire de la peinture italienne du xve siècle ? La question, heureusement,
n’est plus à poser. A peine le neuvième volume était-il parvenu en France que
la nouvelle nous était donnée d’une première opération, qui sauvaitl’œiI gauche
de l’écrivain; l’œil droit est maintenant délivré à son tour. M. Venturi s’est
remis à écrire de sa propre main. C’est un événement heureux pour tous les
amis de l’art italien, et la Gazette le célèbre avec joie.
E. BER T AUX
1. Je signalerai, en particulier, un essai aussi intéressant qu’audacieux tenté par
M. Venturi pour reconstituer l’œuvre de Francesco Mantegna, le fds du grand Andrea
et auquel il associe le Christ du Musée Jacquemart-And ré (n° 1045), si proche du Saint
Sébastien d’Aigueperse. Quant au Mantegna qui porte le n° 1028, je suis convaincu que,
si M. Venturi avait pu le revoir, il se serait gardé de le présenter comme un simple
travail d’école : ce panneau cache sous des repeints irrémédiables une œuvre authentique
et importante de la jeunesse du maître.
Le Gérant : P. GiRMU'or.
PARIS.
T, Y P. PHILIPPE RENOUA RD.