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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 12.1914-1916

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Nr. 3
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Michel, André: Ce qu' "ils" ont détruit
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https://doi.org/10.11588/diglit.24914#0211

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CE QU’ « ILS » ONT DETRUIT

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vives, elle ait d’irréparables blessures; et l’on n’aperçoit guère sur
les faces latérales que quelques légères écornillures d’épiderme :
colonnettes ébréchées, morceaux de galeries renversées. Dans la
sublime théorie des anges qui font cortège à Notre-Dame, on ne
signale encore aucune victime, et les sculptures des deux transepts
— portes du Nord, de saint Nicaise et du Jugement, roses du Nord
et du Midi avec leurs rois, Adam et Eve, l’Eglise et la Synagogue,
et les extraordinaires statuettes d’Apôtres et de Prophètes, les têtes
en cul-de-lampe, où tout l’art moderne est déjà contenu — paraissent
être restées en dehors de la ligne de tir. C’est sur la tour du Nord
de la façade occidentale que le bombardement s’est surtout acharné,
en même temps qu’il déterminait dans les combles l’incendie qui en
quelques heures réduisait en cendres l’admirable charpente, refaite
après la catastrophe du 24 juillet 1481 qu’avait provoquée, comme
à Chartres, le fourneau d’imprudents plombiers. Pour la réparation
de cette charpente, Charles d’Orléans avait donné les bois de ses
forêts d’Epernay; l’abbaye de Saint-Denis avait prêté ses attelages
pour les charrois et le mal avait été rapidement et admirablement
réparé. C’était un chef-d’œuvre de charpenterie que ce travail du
xve siècle!... L’incendie, alors comme aujourd’hui, s’était arrêté aux
voûtes, et, aujourd’hui comme alors, ces voûtes robustes et altières
ont résisté à la rage du feu. Même les obus qui les ont transpercées
n’y ont fait que des blessures faciles à panser et à guérir. Mais la
rage du feu, les explosions des projectiles, les vibrations de l’air
embrasé et affolé ont provoqué d’affreux dégâts.

On sait comment la nef, transformée en infirmerie où étaient
soignés des blessés allemands (peut-être avait-on naïvement pensé
que l’on mettait ainsi la cathédrale à l’abri d’une double et invio-
lable protection 1) devint, grâce à la paille entassée pour servir de
litière, un foyer formidable. Le dévouement des infirmiers assura,
au péril de leur propre vie, le salut de presque tous les blessés —
mais il n’y avait rien à faire pour la sauvegarde des trésors de l’église.
Les charmants tambours Louis XV qui, aux portes de la façade occi-
dentale, faisaient si bon voisinage avec les statues du xine siècle,
devinrent en quelques moments la proie des flammes — et, sous
l’action du feu, les pierres où ils étaient scellés, les parties avoisinantes
du revêtement intérieur, orné d’un si admirable décor végétal et de
hauts-reliefs où l’on compte plus d’un chef-d’œuvre, se délitèrent et
continuent de s’effriter lamentablement jour par jour. Enfin, les
vitraux, l’incomparable série de vitraux où, depuis le chœur jusqu’à
 
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