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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 12.1914-1916

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Nr. 4
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Koechlin, Charles: La vie musicale pendant la guerre, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.24914#0449

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LA VIE MUSICALE PENDANT LA GUERRE

411

les quelques pages écrites dans cette Gazette à propos de Bérénice L Toutefois,
pour l’hommage de notre sympathique admiration comme pour rectifier aussi
certaine erreur à son sujet, me sera-t-il permis d’insister quelques moments?
On a semblé croire que cet auteur était une sorte de nationaliste, s’efforçant
avec préméditation de réagir contre l’influence wagnérienne et de libérer notre
art gaulois. Mais la trace du maître de Bayreuth est chez lui bien visible; et
rappelez-vous sa belle préface de Bérénice 1 2. Si Magnard fut « de chez nous »,
c’est sans avoir décidé ni proclamé qu’il le serait, mais — ce qui vaut infiniment
mieux — par sa nature intime et par son amour du sol natal. Il se gardait de
tout protectionnisme étroit; ses modèles furent Wagner et Beethoven. Soit dit
en passant, ceci nous montre que subir une influence n’est pas contraire au
développement de la personnalité. A Magnard appartiennent en propre ces
rythmes vigoureux et sains, aux accents nets, incisifs; ces sursauts et ces
révoltes; cette mâle vertu; et cette joie paysanne dont exultent ses admirables
scherzos; et ce sentiment de la campagne, tendre, profond, qui pénètre ses
andantes graves et doux 3; et, enfin, la noble pureté, aussi aimante que candide,
chaste et sensuelle, qui rayonne de ses hymnes d’amour. Ce fier musicien qui
prisait si haut l’antique vertu romaine, cet artiste héroïque dont Caton ou
Plutarque eussent admiré la mort, son attachement sublime à la Terre et sa
résistance quand même, en apparence inutile (mais un bel acte n’a-t-il pas des
conséquences incalculables?), on s’étonne qu’aucune grande Société de concerts
n’ait eu, jusqu’à présent, 1’ « estomac » de consacrer tout un programme à sa
mémoire. Mais il faut le dire en face au public, puisqu’il parait que le public se
méfie : son devoir le plus élémentaire serait de s’efforcer à mieux connaître cet
œuvre. Or, on m’assure que certaines gens (de « bons musiciens », parait-il),
voyant affichée une symphonie de Magnard, s’en écartent avec crainte et pré-
fèrent s’en aller entendre pour la nième fois le Septuor de Beethoven... Miso-
néisme, veulerie, routine obstinée de l’oreille : non, public paresseux, tu ne
fais pas ton devoir !

•X*

Mais en attendant que surgisse un jour le nouveau génie qui nous donnera
le triomphal « Hymne aux morts » qu’eût écrit Magnard, en laissant de côté
les symphonies ignorées qu’élaborent dans le silence les musiciens de l’avenir,
passons en revue rapidement les « œuvres de circonstance » que ces deux der-
nières années nous ont offertes. Ainsi que l’a constaté dans le Temps mon très
distingué confrère V.., « il faut que les mélomanes romanesques en prennent
leur parti : nous n’aurons pas de musique de guerre ». On avait espéré « qu’un
compositeur de génie allait se lever, hagard et sublime, pour entonner un
hymne guerrier que toute la France reprendrait en chœur ». Force nous est
d’avouer que toutes ces musiques d’actualité n’ajoutent rien à la gloire des
illustres qui les ont produites. La Française de M. Saint-Saëns ne me semble point
valoir la Marche héroïque à la mémoire d’Henri Régnault, ni surtout la Chanson

1. V. Gazette clés Beaux-Arts, février 1912.

2. « Ma partition est écrite dans le style wagnérien », etc.

3. Notamment celui de la fort belle Seconde Symphonie, si rarement jouée!
 
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