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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 5. Pér. 8.1923

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Nr. 1
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Venturi, Lionello: La critique d'art en Italie à l'époque de la Renaissance, [2]: Léonard et Michel-Ange
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https://doi.org/10.11588/diglit.24940#0064

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52

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

davantage du relief, et que, plus le relief cherche à imiter la peinture,
plus il me paraît mauvais. C’est donc la sculpture qui doit servir de guide
à la peinture, et enlre l’une et l’autre il y a la même différence qu’entre
le soleil et la lune. »

Léonard avait écrit quantité de notes pour démontrer que la peinture est
bien supérieure à la sculpture et que le bas-relief en bronze, contenant de la
perspective, a plus de valeur que la ronde-bosse en marbre. Michel-Ange
ajoute, après avoir affirmé si rudement, comme nous l’avons vu tout à l’heure,
la supériorité de la sculpture : « Par sculpture j’entends celle que l’on fait
directement avec le ciseau dans le bloc de marbre, tandis que celle que l’on
fait en modelant de la terre glaise pour la couler ensuite en bronze, se
rapproche de la peinture. Quelqu’un a écrit [voici l’allusion directe à Léonard]
que la peinture est plus noble que la sculpture. S il avait aussi bien compris
les autres sujets qu’il a traités dans ses écrits, ma servante aurait mieux fait
que lui. »

En outre, nous avons déjà indiqué la passion de Léonard pour le paysage,
son désir de traduire en art les brouillards et les nuages, les eaux transpa-
rentes et les montagnes lointaines. Et maintenant écoutez le jugement sur le
paysage, donné par Michel-Ange à Francisco de Hollanda, qui nous l’a rap-
porté : « On peint en Flandre pour tromper l’œil... Voilà une peinture qui est
composée seulement de « rubans », de vieilles maisons, de champs verdoyants
d’arbres, de ponts, de ruisseaux, que les Flamands appellent paysages et où
ils mettent quelques figures par-ci, quelques figures par-là. Tout cela peut
plaire à certains yeux, mais cela est fait réellement sans raison ni art, sans
symétrie ni proportion, sans discernement ni choix ni sûreté, en somme sans
fond et sans nerfs. » Voilà bien l’opposition des deux principes : le principe
plastique et le principe pictural, opposition qui ne peut pas être plus nette,
ni plus violente, et qui sépare à jamais Léonard de Michel-Ange.

Michel-Ange jouit de l’avantage d’une cohérence parfaite : il est maître de
ses idées comme s’il était dans une forteresse imprenable, et il renferme dans
sa forme plastique restreinte et précise toute la passion d’un cœur saignant.

Au contraire, Léonard qui planait à travers l’infinité des mondes, toujours
désireux de découvrir de nouveaux horizons, ne peut pas atteindre autant
de précision dans ses idées; mais il possède, en revanche, d’innombrables
développements, d innombrables nuances, qui manquent à son adversaire;
— et c’est à Léonard qu’appartient l’avenir.

LIONELLO VENTURI
 
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