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— 44 —

le commerce n’aura pas expulsé les muses

L’utile occupe une grande place dans le
monde, mais le beau tient le premier rang.

Or, c’est le soin que la France a su mettre
en 1855 et en 1867 à grouper le beau près
de l’utile qui lui a valu les succès que vous
savez. Il en sera de môme en 1878.

Tout a été prévu. La méthode adoptée sera
suivie. Une part plus grandiose que jamais
sera faite dans les palais féériques du Champ-
de-Mars et du Trocadero à tous les arts sans
en excepter la musique. Le livre aura une
place de choix sous les voûtes des nouvel-
les galeries. Les toiles, les marbres, les
gemmes, les intailles, les desseins, seront
accumulés sans profusion dans des salles
distinctes, tout inondées de lumière. Les
organisateurs de l’exposition se sont sou-
venus du précepte de l’un de nos poètes
quand il a dit dans une strophe pleine de
justesse :

Grouper les toiles et les marbres
En un sublime entassement ;

L’art, bien mieux que l’ombre des arbres
Torte avec lui l’enseignement.

Il en sera fait ainsi et le touriste flamand
qui parcourra le nouveau palais se sentira
tout heureux de revivre pour un jour au
milieu des maîtres qui sont la gloire des
musées de Bruges, d’Ànvers, de Bruxelles.
Le Hollandais pourra se croire encore dans
les riches galeries d’Amsterdam et de La
Haye; le Russe se souviendra de VHermi-
tage du palais de Tauride et du Kremlin;
l’Anglais, du Britisch Muséum, à’Hampton-
Court et de Westminster, l’Italien pour qui la
nature et l’art se sont montrés prodigues,
trouvera peut-être cependant quelques œu-
vres de choix qui reporteront sa pensée vers
Milan, Bologne, Florence, Rome, Naples,
Venise, autant de galeries magnifiques dont
l’ensemble constitue le grand musée de
l’univers. L’Espagne apporte déjà son tribut
et ses nationaux retrouveront à Paris de bril-
lants vestiges du musée de Madrid et de
l’Alhambra.

Et voici que l’Allemagne va solliciter de
son Parlement un crédit de 75,000 marcs
pour couvrir les frais que nécessite la parti-
cipation de ses artistes à l’exposition. N’est-il
pas curieux que l’adhésion tardive de ce pays
n’ouvre les portes de la France qu’aux seuls
artistes allemands? Jadis les peuples d’Outre-
Rhin eussent voulu que leur industrie do-
minât à l’exposition, mais il est d’une telle
évidence pour tous que le génie français
incline vers les arts du dessin, qu’il a paru
logique d’entrer en lutte avec la France dans
cet ordre de pensées non moins élevé que
pacifique.

L’empereur d’Allemagne a donné ses or-
dres. La commission chargée d’organiser les
sections allemandes au Champ-de-Mars de
Paris est dès maintenant libre de choisir à
son gré dans les musées publics et dans les

galeries. Tous les tableaux de maîtres sont
à sa discrétion. Il n’est fait exception que
pour les batailles, les portraits de chefs d’ar-
mée ou de généraux dont le spectacle pour-
rait raviver chez nous plus d’une blessure
mal fermée. On dit même qu’un appel cha-
leureux est fait à tous les amateurs d’œuvres
d’art pour les convier à exposer les tableaux
de mérite que renferment leurs collections.

Nous le pensons sincèrement, l’exposition
de 1878 sera supérieure à celles qui l’ont
précédée si l’on se place au point de vue de
l’art. C’est l’art qui préoccupe avant tout les
hommes de pensée à la veille de ce rendez-
vous universel de toutes les forces vives des
grands peuples. François de Neufchateau eut
pour but en créant les expositions de venir
en aide à l’industrie. Pendant trois quarts de
siècle la pensée-mère du ministre français
a reçu son application, mais déjà l’intérêt
se déplace et avant vingt ans, les esprits
orientés vers le beau, réclameront des expo-
sitions universelles des beaux-arts d’où l’in-
dustrie sera bannie.

Henry Jouin.

VENISE.

Nous distribuons avec le présent Numéro
le prospectus d’une œuvre éminemment artis-
tique qu’aucune autre n’a encore surpassée
et qui marquera dans les annales de l’époque
non-seulement comme oeuvre charmante de
style et d’esthétique, mais encore comme
monument typographique et iconographique.
Nous ne parlerons pas de l’œuvre écrite par
M. Ch. Yriarte, un des magiciens de plume
de notre temps, nous ne voulons qu’insister
pendant quelques instants sur l’étonnante
variété et le choix des gravures qui font con-
naître cette prestigieuse Venise sous toutes ses
faces et surtout en ce qui concerne les arts.
C’est sous ce dernier aspect que nous invi-
tons tous nos lecteurs à estimer ce livre au-
tant qu’il le mérite.

Nous voudrions pouvoir donner ici la
table générale des 525 gravures qui accom-
pagnent le texte de ce superbe in-folio, mais
nous devons y renoncer et nous pensons que
nos lecteurs nous croirons sur parole quand
nous dirons que toutes les splendeurs de la
ville féérique par excellence sont réunies dans
le livre de M. Ch. Yriarte avec un tact et un
goût parfaits. Les 75 grandes planches sont
pour la plupart inédites et ont une allure
majestueuse qui cadre admirablement avec la
superbe envergure de ce livre plantureux.
Ceux qui ont vu Venise la retrouveront avec
bonheur; ceux qui ne la connaissent pas
pourront s’en consoler en présence de ces
pages brillantes et révélatrices Rien n’a été
omis dans cette description approfondie et à
chaque ligne ou à peu près,la preuve figurée
accompagne l’assertion ou la narration. C’est
une éblouissante galerie où l’on peut puiser
une série de jouissances intellectuelles sans

fin. Ce livre est'un de ceux qui ne vieilliront
jamais et qui feront toujours, sans préoccu-
pation de mode, de caprice ou d’engouement,
l’ornement obligé des tables de salon, des
étagères de campagne et des bibliothèques
à la formation desquelles préside un esprit
solide et curieux ; nous ne sommes pas éton-
nés d’apprendre qu’il a un débit énorme en
France et il nous étonnerait beaucoup que
la Belgique et les paysMu nord n’imitassent
pas cet intelligent exemple.

PENSÉES ET MAXIMES.

Les larmes versées en silence sont les plus précieuses;
celles qui tombent des yeux dans l’accès d’une
bruyante douleur se tarissent bientôt.

Nous nous habituons difficilement aux contrariétés
de l’existence, et, quand nous la considérons sérieuse-
ment, nous découvrons toute notre faiblesse. Dans nos
plus nobles aspirations, l’essor de notre pensée est
retenu par une main invisible, et les plus heureux ont
éprouvé de ces heures d’inquiétude où l’esprit s’inter-
roge et frémit de se connaître.

Malheureux seront toujours ceux qui se dévoueront
pour l’humanité avec le désir d’en être récompensés.
On doit marcher ferme et droit dans la vie, encouragé
par sa seule conscience et ne cherchant de récompense
qu’en soi-même. Les appuis extérieurs sont, pour la
plupart, des fantômes.

Beaucoup se croient vertueux parce qu’ils sont
impitoyables.

Chacun de nos pas exprime la vie, et il n’en est pas
un qui ne nous rapproche de la mort !

Par la brusquerie, on croit se mettre à l’abri du
soupçon d’hypocrisie.

Il est des inadvertances qui font ressortir la distinc-
tion du naturel.

Quelque infime que tu sois, nete crois jamais indigne
d’exprimer ta pensée : l’infini te parle, comme à tous
les êtres créés. Les myriades d’étoiles qui font scin-
tiller le firmament ne dédaignent pas de venir se mirer
dans la plus obscure flaque d’eau.

Ceux qui vivent dans la solitude oublient qu’ils
vieillissent. L’observation d’autrui ne les avertit point.

La contemplation de la nature oblige à la sincérité.
Quelques-uns s’en détournent, embarrassés de se
sentir sous le regard de Dieu.

Un amour toujours contenu rend l’homme, à son
insu, artiste et poète.

Nous savons que nous sommes formés d’ossements
et de chair, mais nous aimons à voiler cette vérité
pour nous complaire en notre forme extérieure. Nous
verrions avec dégoût celui qui compterait nos vertèbres
pour nous montrer sa science.

On ne doit vendre son indépendance qu’avec
l’assentiment de son cœur. Celui qui sert ses maîtres
avec amour n’a pas à rougir de la domesticité : il peut
y avoir de la grandeur à être valet de chambre et de la
bassesse à être haut dignitaire.
 
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