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France.

(Correspondance particulière).

L’EXPOSITION UNIVERSELLE.

Nous vous disions dans notre lettre précé-
dente ce que nous pensons du caractère
dominant de l’Exposition qui va s’ouvrir.
Profitons des derniers jours pour nous ren-
dre compte des travaux gigantesques qu’il a
fallu faire afin offrir au monde civilisé un
champ clos dans lequel tous les peuples sont
conviés à la lutte de l’intelligence et du
travail.

On ne parle généralement que du champ
de Mars et du Trocadéro lorsqu’il est ques-
tion de l’Exposition Universelle. Ce serait
une erreur de penser que l’espace résérve
aux exposants de tous pays est limité par
ces deux points. Si vaste que fût déjà le
périmètre devant renfermer les palais élevés
sur l’une et l’autre rive de la Seine, il a fallu
l’augmenter en couvrant les berges, puis le
quai de Billy, puis le quai d’Orsay, puis les
deux tiers de l’Esplanade des Invalides.

Les deux édifices principaux, ceux qu’on
pourrait appeler le Louvre et les Tuileries
de la cité féérique qui s’élève, ce sont le
palais du champ de Mars et le palais du
Trocadéro. Mais autour de ces constructions
maîtresses, que d’annexes, que de galeries,
que de bâtiments tributaires ! Il faut juger
du coup d’œil en se plaçant sur l’Acropole
du Trocadéro. Rien ne peut donner une idée
juste de l’admirable panorama qui de là se
déroule sous le regard. Au loin ce sont les
collines de Sceaux, de Cbatillon, de Clamart,
de Meudon, de Saint-Cloud ; à vos pieds vous
avez cette fourmillière humaine, encore dans
le désordre des préparatifs, mais active,
joyeuse, imposante par le bruit de ses mar-
teaux, le nombre de ses chars, le sifflement
des locomotives, ou les éclats de la mine.
Et l’Acropole couvre une surface de 16,000
mètres ! Construit en pierre, il devra survivre
aux palais qui l’entourent. Ses charpentes
sont en fer forgé. Des ornements de plâtre
moulé ont pris place dans les vides du fer.
Je ne sais quoi de pittoresque et de massif
donne un étrange aspect aux détails de
l’architecture. Me demandez-vous dans quel
style est concu l’édifice ? Mon embarras est
grand ponr vous répondre. MM. Davioud et
Bourdais, les architectes du monument, se-
raient sans doute plus heureux que moi, et je
suppose qu’ils ne négligeront pas de chercher
une expression nouvelle, technique sans être
savante, qui rende saisissable pour l’esprit
l’idée qui les a séduits. Nous qui ne sommes
pas chargés d’inventer des mots, nous nous
bornerons à dire que le palais du Trocadéro
est un ensemble de style néo-grec, de style
Renaissance et de style Oriental. Les jour-
nalistes s’en tirent lestement par une phrase

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pompeuse dont ils prétendent faire un éloge,
tandis que d’autres veulent y voir une
critique : ilsdéfinissentcesempruntsbizarres
le style de 1878 !

Nous ne voudrions pas cependant juger
avec sévérité l’œuvre de MM. Davioud et
Bourdais avant qu’elle soit achevée. Vu du
côté du Trocadéro le palais ne laisse pas que
d’être imposant. Vu du champ de Mars il est
presque grandiose. Attendons que l’ornemen-
tation soit complète; il se pourrait faire que
Paris possédât un véritable monument alors
qu’on n’avait guère compté que sur un
bâtiment provisoire. Déjà l’uniformité des
parements extérieurs est habilement rompue
par des rubans de marbre rouge qui tranchent
sur le ton laiteux de la pierre, et vers le
sommet court une frise colossale en mosaï-
ques vénitiennes où l’or éclatant vient se
fondre dans les couleurs du prisme.

Le palais se divise en trois parties princi-
pales. Une immense rotonde est au centre.
De chaque côté des salles rectangulaires
relient la partie centrale à deux ailes curvili-
gnes dont la concavité ouvre sur le Champ
de Mars et présente un arc de cercle de 800
mètres. Deux tours flanquent le pignon du
côté de la place et sont surmontées de
belvédères plus élevés de 14 mètres que les
tours de Notre-Dame. Du coté du Champ de
Mars, un portique demi-circulaire règne
d’un pavillon terminal à l’autre. La partie
médiane faisant saillie sur le parc porte
elle-même un second portique formant une
terrasse dont la balustrade doit être ornée
de statues allégoriques. Les portiques sont
à jour et le mur du fond est destiné à rece-
voir des tableaux de mosaïque.

Vous ne souhaitez pas que je vous dise
qu’elle sera l’appropriation de la rotonde,
des salles rectangulaires, des portiques ou
des terrasses. Ici, la musique, plus loin la
parole des conférenciers et des orateurs, là
l’exposition de l’histoire de l’art et celle
d’anthropologie, mais qu’importent ces divi-
sions? Elles n’ont rien de durable. Ce qui
me frappe dans le nouvel édifice, ce sont ses
proportions vastes, les larges baies dont
l’architecte l’a doté comme s’il eût songé à
en faire le palais du soleil; c’est sa situation
sans pareille sur l’un des points dominants
de la capitale, et je me persuade qu’un jour
viendra où cet Acropole servira de temple,
non pas à la Minerve de Phidias, mais à cette
foule de demi-dieux taillés dans le marbre,
que le Louvre trop plein ne peut recueillir
et qui se morfondent sous la mousse, le
froid, la pluie, la gelée, à Versailles, à Saint-
Denis, et à Fontainebleau.

Henry Jouin.

Autriche.

SOCIÉTÉ DE VIENNE
POUR l’encouragement des arts.

Seul dépôt à Bruxelles, chez Goupil,
Montagne de la Cour.

La société de Vienne a publié récemment
une partie de ses albums de 1877. Ils se
composent 1° de l’album des maîtres an-
ciens; 2° de celui des maîtres reposant dans
les grandes galeries; 3° de celui des maîtres
modernes.

Dans l’album des maîtres anciens il n’y a
qu’une planche, mais c’est une merveille
sortie du burin de J. Burger. C’est la superbe
Violante de Palma, le vieux, de la galerie du
Belvedère. Cette noble et idéale figure est
celle de la fille du maître et rappelle bien
dans son ensemble l’influence des Bellini,
dont le Palma fut l’élève. Il faut recom-
mander spécialement aux amateurs cette
ravissante tête de jeune fille aux cheveux
follement épars sur les épaules, à la poitrine
éclatante et suave, au galbe gracieux et au
sourire charmant. Une émotion profonde
vous saisit en présence de cette créature
aux allures de sirène dont le regard vous
suit et s’attache à vous d’une façon imprévue
et persistante. Le burin de Burger est pur,
coloré, moelleux et animé. On croirait voir
palpiter la vie sous les chairs veloutées de
la jeune femme. Les cheveux abondants et
blonds sont ondulés et d’une légèreté mer-
veilleuse. Les étoffes vigoureusement taillées
et un fond où se devinent des tremblotte-
ments de lumière, complètent cet ensemble
qui permet de saluer en Burger un maître !

Le second album nous donne trois eaux-
fortes très vigoureuses, trop peut-être, de
Rajon, Le portrait de Murillo, un portrait
d'homme, d’après Hais et La laitière de Goya,
la meilleure des trois. La quatrième planche
est la Déclaration, de Metzu, gravée à l’eau-
forte par Rauscher. C’est une planche toute
remplie de bonnes qualités mais d’un travail
un peu serré pour le genre qui réclame des
allures plus libres. Les têtes sont particu-
lièrement à signaler pour leur modelé non
moins que pour le sentiment qu’y a infusé
l’artiste.

Le dernier album renferme : le Roméo et
Juliette, d’après Kaulbach, par R. Leemann.
Cette eau-forte dramatique produit beaucoup
d’émotion. La gravure est traitée dans un ton
un peu plus haut que le gris et produit un ex-
cellent effet. Le Guillaume-Tell qui suit est
aussi de Kaulbach. C’est une eau-forte un
peu métallique d’effet, due à E. Martin. Le
graveur Jacoby a déployé beaucoup de talent
dans un portrait affreux (j’entends parler du
visage) de l’empereur Léopold ; il faut y ad-
mirer le travail des accessoires. Le paysage
d’E. Ducker nous plaît peu. Le ciel est sans
action, le fond est lourd. Les petits person-
nages sont bien et les gerbes de blé très
 
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