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Journal des beaux-arts et de la littérature — 22.1880

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https://doi.org/10.11588/diglit.18917#0164
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N° 19.

15 Octobre 1880.

Vingt-deuxième Année.

JOURNAL DES BEAUX-ARTS

ET DE LA LITTÉRATURE.

DIRECTEUR : M. Ad. SIRET.

membre de l'académie roy. de belgique, etc.

SOMMAIRE. Belgique : Le salon de Gand. ■— Les
Francken. — L'art à Paris. — Les grandes pu-
blications modernes : Le costume, 9me livraison.
Chronique générale. — Annonces.

Belgique.

LE SALON DE GAND.

(Suite).

Les peintres gantois sont en progrès. Un de
ceux qui m'ont le plus frappé est Lybaert.Quel
éclat, quel dessin, quelle intention dans'son
Jour d'audience! Tout ce monde exprime bien
le sentiment qui le domine et puis, tout cela
est si naturellement, si aisément campé que
l'on croirait se trouver devant quelque vieux
praticien rompu aux exigences du métier.
Quant à Madame sainte Elisabeth de Hongrie,
c'est une merveille d'exécution sans la séche-
resse que le parti-pris du gothique amène
presque toujours. Ce panneau si finement tra-
vaillé, si harmonieusement conçu et traité,
n'est pas une des choses les moins remar-
quables de l'exposition et il faut vraiment
désespérer delà justice des jurys quand on voit
passer un de ceux-ci indifférent (c'est la plus
anodine de nos suppositions)devant les oeuvres
de M. Lybaert sans y accrocher une médaille.
Il est vrai que ce jury a su discerner dans la
Jeanne d'Arc de M. Bastien-Lepage assez de
mérite pour lui accorder la récompense offi-
cielle. On assure que M. Manet réclame.

Que M. Lybaert se console; ses deux ta-
bleaux si frais, si corrects, si sympathiques
vivront plus longtemps que les décisions des
jurys lesquels finiront par se dégoûter eux-
même de la besogne irrationnelle que les
exigences et les circonstances leur imposent.
Du jour où les artistes arrivés refuseront de
faire partie d'un jury quelconque, ils auront
donné la plus belle preuve d'indépendance
qu'il leur soit possible d'administrer, mais...

Le grand tableau de M. Coghen, les Nau-
fragés,e&t une audacieuse entreprise qui a bien
tourné. La composition est logique, le sujet
est entendu de façon naturelle, les atliludes
sont vraies et j'estime que c'est là une œuvre
qui fait beaucoup d'honneur a l'artiste, mais
j'aurais voulu une tonalité un peu plus accen-
tuée. L'émotion générale s'en fut certainement
accrue et l'allure imposante de l'œuvre n'y eut
pas perdu. M. Cogen est un des vaillants de
cette école gantoise qui a pris singulièrement
du corps dans ces derniers temps et qui
compte en ce moment une phalange donnant
à réfléchir. Chose curieuse! c'est justement
vers le côté idéal qui manque ailleurs que
l'école gantoise penche le plus. C'est très bien
la modernité, c'est très bien de peindre des
sujets en rapport avec la vie de l'époque, mais
franchement, ne croit-on pas que la fatigue

paraissant deux fois par mois.

PRIX PAR AN : BELGIQUE : g FRANCS.

étranger : 12 fr.

viendrait elle-même jeter ses bâillements et
ses lassitudes dans ce monde d'habits noirs,
de vareuses rouges, de traînes et de cuirasses,
si on ne faisait que cela. L'art aime bien à
placer ses émotions dans un décor et quel
plus beau décor que le passé! Tenez, pas plus
tard qu'hier, je voyais toute l'œuvre, ou à peu
près, de Degroux à l'exposition historique.
Et en voilà un qui peut se vanter d'avoir senti
et rendu la modernité douloureuse ! Eh bien,
cette peinture si vraie, si poignante,cette pein-
ture qui selon quelques uns doit nous rendre
meilleurs, nous a rendus moi et mes com-
pagnons d'une tristesse affreuse et, à franche-
ment parler, rien en nous ne nous a parlé
d'amélioration. Même, pour parler vrai, nous
nous sentions plus mauvais devant une civili-
sation qui permet et autorise les chagrins
domestiques et autres dépeints par l'auteur du
Départ, du conscrit. Nous ne nous sommes pas
sentis meilleurs devant les petites daines mo-
dernes de Stevens, bien au contraire. Est-ce
l'Engueulade ou YAttrapade de Rops qui nous
rendra meilleurs? Ça, oui ! — Voyons, est-ce
l'intérieur d'une usine quelconque, est-ce une
Aube, n'importe laquelle, un bal, n'importe
lequel, Mabille ou Opéra, est-ce un monsieur
fumant, en queue de morue, regardant de
sa hauteur et humant le moka, une dame
assise, au corsage presque absent; est-ce chez
le père Lathuïlle, est-ce tout cela qui va nous
rendre meilleurs? Il nous semble à nous,
humble et mûr, qu'une bonne page d'histoire,
une anecdote bien rendue, une leçon de mo-
rale spirituellement dite, un fait quelconque
qui renferme en soi matière à sentir, rêver,
penser, discourir, que sais-je, il me semble
que puisqu'on veut absolument que l'art nous
rende meilleurs, il me semble, dis-je, que
nous y arriverons plus vite par la tête que par
le ventre. J'ajouterai pour finir cette tirade
(que je pourrais trouver intempestive mais que
je n'ai pas le courage d'effacer, et puis mon
imprimeur me demande de la copie) j'ajouterai
que s'il y a des gens qui ne sont pas de mon
avis c'est qu'il y a sans doute pour cela des
raisons particulières.

M. Delvin cherche le style. C'est encore un
tempérament qui est en train de faire sa
trouée. L'exorcisme au moyen-âge est une
chose bien trouvée et d'une coloration sage,
mais il faut tout dire surtout à des gens aux-
quels on reconnaît une étoile, le côté des
moines manque de sérieux. Il ne faut pas
exagérer la majesté de certaines cérémonies
religieuses mais quand on y est il faut savoir
se conformer au sujet adopté ou bien en
prendre un aulre. Or, l'exorcisme était au
moyen-âge un acte sérieux et important; il
s'accomplissait avec une gravité lugubre que
je ne rencontre pas dans la toile de M. Delvin ;
il ne faudrait même pas grand chose pour que
la scène ne dégénérât en charge. Ceci dit, je

ADMINISTRATION et CORRESPONDANCE
a s'-nicolas (Belgique).

louerai sans la moindre réserve le corps de
l'exorcisé qui est un superbe morceau.M.Tydt-
gat a un malheureux voisin dans le Caïn de
M. Cormon qui attire et absorbe tout d'abord
l'attention. Après quoi on tomhe d'une sorte
de grisaille dans une palette brillante que la
comparaison fait trouver exagérée et cela ir-
rite. Pour juger ce tableau qui est bien peint,
il faudrait lui donner une place moins com-
promettante. En attendant, il me semble que
le cadre est un peu petit pour tant de monde.
Je trouve aussi que ce blanc-bec de Charles VI
ajoute par sa pose à l'insolence que l'histoire
lui prête en face du cadavre de Philippe Van
Artevelde. J'espère retrouver un jour dans des
conditions plus favorables ce tableau d'un
homme de talent

M. Van Aize m'est cette année très peu sym •
pathiqne. Son grand diable de tablean repré-
sente une mère qui tient son enfant sur ses
genoux et qui est censée dire : « Dieu, pro-
tège mon fils ! » En vérité le fils, qui se porte
très bien, ferait beaucoup mieux d'invoquer
la divinité pour sa mère qui me paraît malade,
très malade. Du même, un très beau Christ
dont j'ai vu le semblable à Baie, peint par
Holbein; sous ce cadavre se meut une femme
qui est Madeleine. Cela ne fait pas bien du
tout, ces deux lignes humaines horizontales
et malgré tout c'est plein de qualités. C'est
égal, M. Van Aize arrivera ; pour le moment
il n'est qu'en route.

M. Struys a fait un progrès énorme : son
Oubliée est une des plus belles choses du salon
gantois autant par la distinction des formes,
l'expression de la figure, que la technique
dans laquelle il déploie une grande aisance et
une véritable noblesse de pinceau. C'est peut-
être un peu sombre; je n'ai pas le courage de
lui en vouloir.

M. Van Beers fait maintenant de la déli-
cieuse miniature combinée avec de petits em-
pâtements très adroits ; le tout finit dans des
hachures, des bavures et des émiettements de
poudre de couleurs à ne s'y point reconnaître.
Ceux qui voudraient retrouver ici la poigne
qui coucha Van Artevelde sur les berges de
l'Escaut jetteraient leur langue aux chiens.
J'ai vu des gens se demander si c'était bien
du Van Beers. Je crois que oui, mais c'est de
Van Beers, le petit. Un début assez fort est
celui de M. Van den Eeden ; nous aurons l'œil
sur ce brosseur là. Verhas (Frans) a repré-
senté une mère qui vient d'allaiter son bébé.
C'est ravissant de grâce et de peinture mais à
la place de M. Verhas je me garderais bien de
profaner comme il l'a tait le doux acte de
l'allaitement. M. Van Hove ressuscite les Met-
sys et la splendide pléiade de ce temps là. Il
est allé très loin dans cette imitation archaïque
mais il faut dire que ce que l'on admire chez
ceux-là, on l'admire moins chez celui-ci mal-
gré les beautés serrées de l'exécution. J'ai
 
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