N° 22.
30 Novembre 1880.
Vingt-deuxième Année.
JOURNAL DES BEAUX-ARTS
ET DE LA LITTÉRATURE.
directeur : m. Ad. siret.
MEMBRE DE l'aCADEMIE ROY. DE BELGIQUE, ETC.
SOMMAIRE. Belgique : Musique. —■ L'album
des aquafortistes anversois. — Un nouveau jour-
nal. — Les grandes publications modernes :
histoire générale de la tapisserie. — Tapisseries
décoratives du garde meuble.—Société de Vienne
pour la'propagation des arts.— France : Corres-
pondance particulière : Nancy. Le monogramme
W.S.—Hollande : Correspondance particulière :
Collection Viruly van Vuren. — Chronique gé-
nérale. — Cabinet de la curiosité. — Annonces.
Belgique.
MUSIQUE.
Deux très intéressantes petites publica-
tions musicales ont vu le jour récemment en
Belgique. Nous voulons leur consacrer quel-
ques lignes. Nous estimons qu'en fait de
compositions il est bien plus difficile d'écrire
une œuvre facile pour piano que des mor-
ceaux à grand bruil, à grands effets de vir-
tuosité. La simplicité, la bonne simplicité
est, disaient les Romains, res sàncta, chose
sainte. Il ne lui faut que le jet mélodique,
du contraste, de la gradation et elle fait
produire de petits chefs-d'œuvre. Nous
l'avouons, ces trois choses réunies sont rares
à trouver et c'est pourquoi les pièces re-
commandables ne se présentent pas tous
les jours.
M. A. Czibulka, chef de musique du 36mo
régiment d'infanterie d'Autriche, lauréat du
grand Concours d'Harmonie militaire aux
fêtes jubilaires de 1880 à Bruxelles, a obtenu
de notre gracieuse princesse Stéphanie l'au-
torisation de lui dédier une Gavotte pour
orchestre, transcrite et publiée pour piano à
deux mains. Le morceau a paru. C'est frais,
c'est coquet, c'est tout-à-fait printanier, avec
un rhythme des plus distingués dans le motif
initial. Malheureusement cela ne se soutient
pas jusqu'au bout et dans le passage en la
naturel faisant suite à celui en ré, il y a de
la vulgarité.
Quoi qu'il en soit, cette publication est
recommandable. Elle est claire, nette, facile
d'exécution et elle se termine comme elle
avait commencé, d'une manière pimpante,
primesautière. Elle aura du succès en Au-
triche comme en Belgique.
La deuxième œuvre que nous tenons à si-
gnaler est bien plus remarquable. C'est une
Valse, mais une valse délicieuse comme il
paraissant deux fois par mois.
prix par an : belgique : q francs.
étranger : 12 fr.
en sort rarement de la plume d'un belge.
Elle a pour auteur un maître-musicien,
M. Stoumon, l'un des deux impressarii ac-
tuels du Théâtre de la Monnaie, à Bruxelles.
Nous croyons avoir conservé le meilleur
souvenir d'un opéra, Phoebé, de cet auteur et
du Ballet d'Endymion représentés le premier
en 1859, le deuxième en 1860, sur la même
scène royale. Nous ne nous doutions guère
alors, en annonçant l'exécution prochaine
de ces œuvres, qu'un jour M. Stoumon pren-
drait en mains et avec le plus grand succès,
les rênes du vaste ensemble instrumental,
vocal et chorégraphique qui fait aujourd'hui
de Bruxelles l'une des premières capitales
artistisques du monde.
L'année dernière, nous avons encore en-
tendu de M. Stoumon un fragment de ballet
donné comme un intermède dans l'opéra du
Cheval de Bronze. Cette composition, bien
instrumentée, assez neuve d'inspiration, mais
pas originale cependant d'une manière ab-
solue, ne vaut pas le Ballet actuel de la Nuit
de Noël dont la valse principale est un vrai
bijou.
C'est de cette magnifique valse que nous
tenons à faire l'éloge. Elle a paru en réduc-
tion pour piano et elle est aussi, comme la
Gavotte de Czibulka, mise à la portée de tous
les talents. Certes, le piano ne peut pas ren-
dre l'effet qu'y produisent les premiers vio-
lons dans les premières mesures, ni surtout
celui des altos dans les mesures suivantes,
effet qui est extraordinairement bien trouvé.
Il est neuf, d'un rhythme où la vigueur le
dispute à la grâce et il est, dans le bon sens
du mot, écrit à l'emporte pièce. Mais, même
pour le piano, le motif dominant en ré con-
serve son cachet rêveur, magique, et toute
la valse si bien entreprise dès le principe,
continue en mélodies simples, pleines de
de charme et de'distinction.
Comme toutes les productions marquan-
tes, l'œuvre n'a nullement besoin de l'aide
d'un corps de ballet pour être comprise dans
son maximum de valeur. Ses mérites mélo-
diques et symphoniques lui suffisent Elle
aura, plus tard, les honneurs des concerts
Pasdeloup et Colonne à Paris, comme ceux
du Concert national de Bruxelles.Nous l'es-
pérons du moins. Ce ne serait que justice.
M. Stoumon joint l'expérience de l'art
d'écrire à celle d'orchestrer. Il a trouvé des
administration et correspondance
a s'-nicolas (belgi0_ue).
perles. Il les a maniées avec la main du
maître et l'on peut dire de sa Valse, ce que
Boileau a dit du sonnet.
Chev. van Elewvck.
P. S. Au moment où nous terminons ces
lignes vient de paraître une deuxième œuvre
de M. Czibulka. C'est la Pavane Rodolphe
dédiée à l'héritier présomptif de la couronne
d'Autriche-Hongrie. Cette production est
pour le moins aussi remarquable que la
Gavotte Stéphanie. Nous nous empressons de
la signaler à nos lecteurs.
Chev. v. E.
LIVRES NOUVEAUX. — GRAVURES
NOUVELLES.
L'époque desétrennes approche et les beaux
livres sont annoncés. Déjà nous en avons
devant nous un certain nombre dont il nous
faut parler soit à cause de leurs mérites, soit
à cause de leur magnificence, soit enfin à
cause du cachet artistique dont tous sont si
libéralement pourvus. Il doit donc nous être
permis de faire trêve à nos comptes-rendus
d'exposition pour donner place à une satis-
faction légitimement réclamée par les éditeurs
qui ont bien voulu s'adresser à nous.
LE LIVRE DE CHAMISSO.
Chants et Images de la vie, illustrés
par P. Thumann.
Voici un beau livre composé de grâce idéale
comme l'esprit germanique sait en créer.
C'est une sorte de paraphrase illustrée de
quelques poésies de Chamisso, cet esprit in-
quiet et tourmenté, plus français qu'allemand
qui a écrit sur la marche de la vie des pen-
sées d'une pénétration toute philosophique.
A dire vrai, il ne faut point hésiter à recon-
naître que,comme peinture d'expression, Cha-
misso a trouvé son maître dans Paul Thu-
mann.
Le livre que nous avons sous les yeux pos-
sède neuf planches-photogravures exécutées
d'après des lavis composés sur les poésies de
Chamisso. Rien de plus suave, rien de plus
grand dans leur simplicité, que ces produits
du génie de Thumann. La première scène
reproduit une bataille de jeunes garçons qui
s'est terminée par le bris de la glace de la
chambre. Cette petite aventure de jeunesse
est rendue avec toute la conscience et tout le
désordre que l'événement comporte. La se-
conde planche représente une scène intime ;
30 Novembre 1880.
Vingt-deuxième Année.
JOURNAL DES BEAUX-ARTS
ET DE LA LITTÉRATURE.
directeur : m. Ad. siret.
MEMBRE DE l'aCADEMIE ROY. DE BELGIQUE, ETC.
SOMMAIRE. Belgique : Musique. —■ L'album
des aquafortistes anversois. — Un nouveau jour-
nal. — Les grandes publications modernes :
histoire générale de la tapisserie. — Tapisseries
décoratives du garde meuble.—Société de Vienne
pour la'propagation des arts.— France : Corres-
pondance particulière : Nancy. Le monogramme
W.S.—Hollande : Correspondance particulière :
Collection Viruly van Vuren. — Chronique gé-
nérale. — Cabinet de la curiosité. — Annonces.
Belgique.
MUSIQUE.
Deux très intéressantes petites publica-
tions musicales ont vu le jour récemment en
Belgique. Nous voulons leur consacrer quel-
ques lignes. Nous estimons qu'en fait de
compositions il est bien plus difficile d'écrire
une œuvre facile pour piano que des mor-
ceaux à grand bruil, à grands effets de vir-
tuosité. La simplicité, la bonne simplicité
est, disaient les Romains, res sàncta, chose
sainte. Il ne lui faut que le jet mélodique,
du contraste, de la gradation et elle fait
produire de petits chefs-d'œuvre. Nous
l'avouons, ces trois choses réunies sont rares
à trouver et c'est pourquoi les pièces re-
commandables ne se présentent pas tous
les jours.
M. A. Czibulka, chef de musique du 36mo
régiment d'infanterie d'Autriche, lauréat du
grand Concours d'Harmonie militaire aux
fêtes jubilaires de 1880 à Bruxelles, a obtenu
de notre gracieuse princesse Stéphanie l'au-
torisation de lui dédier une Gavotte pour
orchestre, transcrite et publiée pour piano à
deux mains. Le morceau a paru. C'est frais,
c'est coquet, c'est tout-à-fait printanier, avec
un rhythme des plus distingués dans le motif
initial. Malheureusement cela ne se soutient
pas jusqu'au bout et dans le passage en la
naturel faisant suite à celui en ré, il y a de
la vulgarité.
Quoi qu'il en soit, cette publication est
recommandable. Elle est claire, nette, facile
d'exécution et elle se termine comme elle
avait commencé, d'une manière pimpante,
primesautière. Elle aura du succès en Au-
triche comme en Belgique.
La deuxième œuvre que nous tenons à si-
gnaler est bien plus remarquable. C'est une
Valse, mais une valse délicieuse comme il
paraissant deux fois par mois.
prix par an : belgique : q francs.
étranger : 12 fr.
en sort rarement de la plume d'un belge.
Elle a pour auteur un maître-musicien,
M. Stoumon, l'un des deux impressarii ac-
tuels du Théâtre de la Monnaie, à Bruxelles.
Nous croyons avoir conservé le meilleur
souvenir d'un opéra, Phoebé, de cet auteur et
du Ballet d'Endymion représentés le premier
en 1859, le deuxième en 1860, sur la même
scène royale. Nous ne nous doutions guère
alors, en annonçant l'exécution prochaine
de ces œuvres, qu'un jour M. Stoumon pren-
drait en mains et avec le plus grand succès,
les rênes du vaste ensemble instrumental,
vocal et chorégraphique qui fait aujourd'hui
de Bruxelles l'une des premières capitales
artistisques du monde.
L'année dernière, nous avons encore en-
tendu de M. Stoumon un fragment de ballet
donné comme un intermède dans l'opéra du
Cheval de Bronze. Cette composition, bien
instrumentée, assez neuve d'inspiration, mais
pas originale cependant d'une manière ab-
solue, ne vaut pas le Ballet actuel de la Nuit
de Noël dont la valse principale est un vrai
bijou.
C'est de cette magnifique valse que nous
tenons à faire l'éloge. Elle a paru en réduc-
tion pour piano et elle est aussi, comme la
Gavotte de Czibulka, mise à la portée de tous
les talents. Certes, le piano ne peut pas ren-
dre l'effet qu'y produisent les premiers vio-
lons dans les premières mesures, ni surtout
celui des altos dans les mesures suivantes,
effet qui est extraordinairement bien trouvé.
Il est neuf, d'un rhythme où la vigueur le
dispute à la grâce et il est, dans le bon sens
du mot, écrit à l'emporte pièce. Mais, même
pour le piano, le motif dominant en ré con-
serve son cachet rêveur, magique, et toute
la valse si bien entreprise dès le principe,
continue en mélodies simples, pleines de
de charme et de'distinction.
Comme toutes les productions marquan-
tes, l'œuvre n'a nullement besoin de l'aide
d'un corps de ballet pour être comprise dans
son maximum de valeur. Ses mérites mélo-
diques et symphoniques lui suffisent Elle
aura, plus tard, les honneurs des concerts
Pasdeloup et Colonne à Paris, comme ceux
du Concert national de Bruxelles.Nous l'es-
pérons du moins. Ce ne serait que justice.
M. Stoumon joint l'expérience de l'art
d'écrire à celle d'orchestrer. Il a trouvé des
administration et correspondance
a s'-nicolas (belgi0_ue).
perles. Il les a maniées avec la main du
maître et l'on peut dire de sa Valse, ce que
Boileau a dit du sonnet.
Chev. van Elewvck.
P. S. Au moment où nous terminons ces
lignes vient de paraître une deuxième œuvre
de M. Czibulka. C'est la Pavane Rodolphe
dédiée à l'héritier présomptif de la couronne
d'Autriche-Hongrie. Cette production est
pour le moins aussi remarquable que la
Gavotte Stéphanie. Nous nous empressons de
la signaler à nos lecteurs.
Chev. v. E.
LIVRES NOUVEAUX. — GRAVURES
NOUVELLES.
L'époque desétrennes approche et les beaux
livres sont annoncés. Déjà nous en avons
devant nous un certain nombre dont il nous
faut parler soit à cause de leurs mérites, soit
à cause de leur magnificence, soit enfin à
cause du cachet artistique dont tous sont si
libéralement pourvus. Il doit donc nous être
permis de faire trêve à nos comptes-rendus
d'exposition pour donner place à une satis-
faction légitimement réclamée par les éditeurs
qui ont bien voulu s'adresser à nous.
LE LIVRE DE CHAMISSO.
Chants et Images de la vie, illustrés
par P. Thumann.
Voici un beau livre composé de grâce idéale
comme l'esprit germanique sait en créer.
C'est une sorte de paraphrase illustrée de
quelques poésies de Chamisso, cet esprit in-
quiet et tourmenté, plus français qu'allemand
qui a écrit sur la marche de la vie des pen-
sées d'une pénétration toute philosophique.
A dire vrai, il ne faut point hésiter à recon-
naître que,comme peinture d'expression, Cha-
misso a trouvé son maître dans Paul Thu-
mann.
Le livre que nous avons sous les yeux pos-
sède neuf planches-photogravures exécutées
d'après des lavis composés sur les poésies de
Chamisso. Rien de plus suave, rien de plus
grand dans leur simplicité, que ces produits
du génie de Thumann. La première scène
reproduit une bataille de jeunes garçons qui
s'est terminée par le bris de la glace de la
chambre. Cette petite aventure de jeunesse
est rendue avec toute la conscience et tout le
désordre que l'événement comporte. La se-
conde planche représente une scène intime ;