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28 Février 1882. Vingt-quatrième Année.

BEAUX-ARTS

ET DE LA LITTÉRATURE,

DIRECTEUR: M. Ad. SIRET. paraissant deux fois par mois. ADMINISTRATION et CORRESPONDANCE

MEMBRE DE l'aCADÉMIE ROY. DE belgique, etc. PRIX PAR AN : BELGIQUE : 0. FRANCS. a s'-NICOLAS (belgique).

étranger : 12 FR.__

SOMMAIRE : Beaux-Arts : Antoine Van Dyclc,
par J. Guiffrey. -• Le quarantenaire de MM.Geefs
et Dujardin. — Ecole professionnelle de jeunes
filles à Bruxelles. — Exposition de l'Union des
Arts. — De Biefve. ■— Une bibliothèque de l'en-
seignement du dessin. — Littérature : Sully
Prudhomme. — Chronique générale. — Cabinet
de la curiosité. — Annonces.

Beaux-Arts.

ANTOINE VAN DYCK, par Jules Guiffrey,
publié par Quantin.
La personnalité de Van Dyck a toujours séduit
le public et les écrivains d'art, A dire vrai,
l'homme au fond est peu de chose : sa vie n'offre
guère d'épisodes mouvementés, grâce à ses por-
traits faits par lui-même il passe pour avoir été
ce qu'on peut appeler un très joli homme, comme
tel il a eu certains succès dont on s'est plu à
augmenter le chiffre pour expliquer sa mort
prématurée; comme intelligence il n'a pas laissé
grand'chose et le peu de lettres que l'on a de lui
semble prouver que son instruction littéraire
pourrait bien avoir été plus ou moins négligée ;
quant à sa gentilhommerie, on en aurait une
faible idée s'il fallait s'en tenir à ses procédés
tout simplement grossiers pour ne pas dire plus
vis à vis de lady Stanhope qui ayant réfusé de
payer au peintre le prix qu'il avait demandé de
son portrait fut avertie par Van Dyck qu'il
fournirait ce portrait à quelqu'un qui le paierait
tout ce qu'on lui en demandera, désignant par là
sir Raleigh, l'amant de cette dame. Voilà quant
à l'homme qui parait avoir eu de rudes démêlés
avec dame Fortune. Quant à l'artiste, tout justi-
fie l'engouement continu qu'il provoque et cha-
que jour ajoute à sa gloire. Jules Guiffrey vient
de lui élever un monument qui sera le plus du-
rable de tous. Arrêtons-nous y avec toute l'at-
tention que mérite une oeuvre pareille, œuvre
élaborée avec une sollicitude et un amour qui
exultent à chaque ligne.

Rien de bien nouveau ne nous est appris sur
cette existence qui se partagea entre la Flandre
et l'Angleterre, car il faut compter pour peu de
chose les cinq années d'études en Italie et les
deux voyages écourtés et pleins d'amertume
faits à Paris. M. Guiffrey a dû se borner à
réunir les documents rassemblés sur l'artiste,
notamment ceux du manuscrit Goddé du Lou-
vre; il a consulté Van den Branden, Rooses,
sans doute le verbeux Kramm et sans doute
aussi le beau mémoire couronné par l'Académie
royale de Belgique ainsi que la notice de \&Bio-
fjraphie nationale (1877). En somme, je ne pense
pas que notre auteur ait oublié qui que ce soit
même parmi les plus humbles. C'est de cette façon
qu'il est arrivé à former une oeuvre d'autant plus
forte et plus homogène que l'histoire de la vie de
Van Dyck se déroule avec celle de ses œuvres, ce
qui était le meilleur moyen de donner à cette
physionomie son véritable cachet. Tous les grands
artistes né sauraient être envisagés de même ;

c'est ainsi que Rubens demande à être considéré
sous plusieurs aspects comme Michel-Ange,
Raphaël, Poussin, Lebrun, etc. Van Dyck vit
entièrement et seulement dans son œuvre. Cette
vérité s'impose dès le début ; peut-être si la mère
du grand Anversois avait pu le mener jusqu'à
parfaire son éducation, les choses eussent-elles
pris une autre tournure. En attendant, prenons-
le comme il est et soyons fiers de voir toutes les
nations artistiques apporter tour à tour leur
quote-part à la glorieuse popularité de notre
Van Dyck.

Ce qui a surtout guidé M. Guiffrey dans la
marche de son travail c'est l'idée de chercher
son héros dans ses œuvres encore inédites ou
peu connues et de les reproduire. Ses efforts ont
été couronnés de succès et, grâce à l'opulente
libéralité avec laquelle l'éditeur Quantin a fait
les choses, nous sommes en possession d'une mo-
nographie illustrée comme jamais on n'en a vu.
On en aura une idée quand on saura que le vo-
lume contient 119 gravures dont 19 eaux-fortes
hors texte, 8 héliogravures, 1 lithographie hors
texte également et 91 gravures dans le texte !
Plusieurs de ces précieuses reproductions sont
complètement inédites et constituent pour les
historiens comme pour les amateurs de vérita-
bles révélations. Nous allons, du reste, les exa-
miner en détail, elles en valent la peine.

La série des eaux-fortes s'ouvre par les por-
traits d'Endymion Porter et de Van Dyck réunis
gravés par Milius avec plus de bonheur dans les
clairs que dans les noirs ; la figure de Van Dyck
est notamment d'une dureté exagérée. Je n'ose
croire que dans les originaux du Musée de Ma-
drid la transition des tons soit si brusquée. Le
Saint-Martin de Saventhem, eau-forte de Bour-
lard, supérieurement traitée comme pointe, mais
d'un tirage exagéré pour la séparation et la pro-
fondeur des plans. Portraits de Jean de Wael et
de sa femme par Hecht, planche lumineuse,
forte de ton et d'une vie intense. Portrait du
marquis de Brignole Sale par Gaujean, char-
mante et royale désinvolture alourdie sans doute
par la tendance du tableau à tourner au noir
comme beaucoup d'oeuvres, hélas ! de Van Dyck.
Portrait du cardinal Bentivoglio de Gaujean,
planche d'une pointe trop monotone dans ses
allures. Portraits de Charles I et de la reine
Henriette, œuvre intéressante sans doute, mais
d'une symétrie décourageante. Les enfants de
Charles /(du musée de Turin), chef-d'œuvre in-
comparable qui a inspiré à M. Gaujean un autre
chef-d'œuvre de finesse et de grâce. La Vierge
et Venfant Jésus adoré par la Madeleine, le roi
David et saint Jean, de Masson, eau-forte traitée
à l'italienne et d'un cachet un peu fade surtout
quand on se rappelle le tableau. Le Christ au
tombeau, du musée d'Anvers, de Bourlard, fils,
où il y a de bonnes parties, mais qui manque
généralement de moelleux. Le Christ mort, de
Nuremberg, gravé par Fraenkel, nous donne
peut-être le meilleur spécimen de la manière
dont Van Dyck veut être gravé. En effet, la to-

nalité sombre et mystérieuse de l'œuvre est in-
telligemment rendue par des hachures très fines,
très souples qui modèlent les objets avec une
ténuité nerveuse et douce. Les blancs sont eux-
mêmes travaillés par un adroit système détailles
et l'on sent que le graveur a beaucoup plus songé
au peintre qu'à lui-même. Faisons en passant
remarquer que cette façon de tailler le cuivie
est un legs des vieux jours que nos modernes
raillent à plaisir sans se douter qu'eux-mêmes
seront raillés à leur tour peut-être avec plus de
raison en tant que reproducteurs. C'est ainsi
que sera probablement jugée l'eau-forte qui suit
de M Courtry laquelle rappelle et ne reproduit
pas le moins du monde le Christ en croix de
M. Chaix d'Est Ange. Je dois en dire autant du
Portrait d'homme (Munich), gravé par Salmon
avec assez peu de souci du style pictural de l'ori-
ginal. M. Gaujean est plus respectueux et réussit
davantage à se rapprocher de Van Dyck : après
son chef-e'œuvre cité plus haut, les Enfants de
Charles I, voici une planche qui se fait remar-
quer par la manière dont les mains du modelé
sont rendues. Je n'en dirai pas autant du visage
blafard et inanimé du modèle : il s'agit de la
Jeune femme de Philippe Le Roy. UErection de
la croix de Courtrai, gravé pour la première
fois par M. Bourlard, fils, est travaillée dans le
style des aquafortistes de l'école de Rubens et
obtient l'effet visé par l'artiste. Les tailles sont
grasses et lumineuses. Je soupçonne le graveur
d'avoir mis en relief certaines parties du ta-
bleau aujourd'hui bien affaiblies. A coup sûr,
voici le pendant du . chef-d'œuvre signalé de
Gaujean, ce sont les Cinq enfants de Charles I
(Galerie de Windsor). C'est la même préoccupa-
tion de comprendre et de rendre Van Dyck : la
gracilité des visages enfantins avec leurs grands
yeux attentifs ; la finesse des doigts, l'allonge-
ment des mains et la lumière bruyante sur les
plis cassés des étoffes, tout y est savamment
compris et rendu Le portrait de Charles / (Lou-
vre) par Bourlard, fils, est sa meilleure œuvre,
inspirée sans doute par l'immortelle gravure de
Strange. De Hecht voici une planche plus noire
que de raison, Portrait du jeune prince Eupert.
Le portrait du duc de Richmond (Louvre) de
M. Noël Masson semble inachevé : cette sil-
houette blanche un peu ombrée se détachant sur
un fond de hachures encrées dans une frotture
calculée, qui joue la manière noire, semble
étrange. Nous ne nous rappelons pas assez l'ori-
ginal pour apprécier le parti pris du graveur.
M. Courtry nous donne ici une eau-forte excel-
lente représentant le Portraits de Constantin
Euygens et de ses cinq enfants (La Haye). Cette
jolie planche forme à elle seule un petit poème
familial et constitue une des attractions nom-
breuses du livre de Guiffrey.

Parmi les reproductions héliographiques et
autres je citerai : le curieux dessin du Martyre
de sainte Catherine, la Descente du saint Esprit
sur les Apôtres, le Jardin d'amour, œuvre bien
pâle à côté du même sujet traité par Rubens, le
 
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