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N° 9.

17 Mai 1882.

Vingt-quatrième Année.

JOURNAL DES BEAUX-ARTS

ET DE LA LITTÉRATURE.

DIRECTEUR: M. Ad. SIRET.

membre de l'académie roy. de belgique, etc.

SOMMAIRE. Beaux-Arts : Le salon de Paris; les
belges. — Exposition des artistes femmes à
Paris. — Exposition néerlandaise. ■— Jacobus
daess. — Musicologie. — La musique à Paris.

— Notules. — Les aquafortistes de Dusseldorf.

— Chronique générale. — Cabinet de curiosité.
Annonces.

Beaux-Arts.

LES BELGES AU SALON DE PARIS.

PRRMIÉR ARTICLE.

L'exposition annuelle de Paris me semble
résumer le travail artistique du monde entier
durant une année. Elle classe les talents, tous
les pays y envoient leurs productions pictu-
rales, l'Amérique, l'Espagne, L'Italie, la Bel
gique, la Hollande, l'Angleterre. Il y a dans
cette manifestation d'art, un caractère gran-
diose, un caractère d'universalité et de frater-
nité entre peuples. La France commande au
mouvement, ses artistes font école au delà des
frontières, ses grands noms servent de dra-
peau aux combattants dans les centres d'art
secondaires, Bruxelles, Amsterdam, Madrid,
Rome, Londres.

Voilà ce qui explique le grand intérêt qu'é-
veille chez tout artiste, l'ouverture du Salon
de Paris.

Or, dans ce rassemblement et cette compa-
raison immense d'oeuvres, notre art est large-
ment et supérieurement représenté, nos pay-
sagistes, nos animaliers sont à la rampe, sou-
tenant victorieusement tout parallèle, luttant
d'efforts avec les champions français, moins
ordonnateurs, moins arrangeurs et dessina-
teurs, mais plus coloristes qu'eux. Même chez
les plus importants de ces derniers, la science
profonde des couleurs existe moins entière,
ou bien ils assourdissent tout éclat et abou-
tissent à des accords étouffés, ou bien ils
lâchent des tons crus et violents, plaquant la
toile et jurant de se trouver juxtaposés. Les
Belges ont d'instinct la coloration superbe,
glorieuse à l'œil, passant par toute l'échelle
des teiutes ascendantes et descendantes, sans
qu'on n'y trouve rien de heurté, de criard,
de papillottant. Ils ont moins d'habileté, d'ar-
rangement, ils n'escamotent pas avec autant
d'adresse les difficultés, mais ils peignent sin-
cèrement, avec une préoccupation sérieuse de
beauté et de vérité. S'ils n'atteignent pas
les maîtres français, les Bastien-Lepage,
les Puvis de Ghavannes, les Bonnat, etc.,
qui traitent la figure, au moins dans le pay-
sage peut-on citer leurs noms à côté et sur la
même ligne que les Pelouze, les Vernier, les
Julien Dupré, les Wathelin, les Bernier, les
Colin et les Montenard. Aussi, bien que l'étude
des Français nous puisse être utile, au point
de vue de l'imagination et de l'initiative, faut-

paraissant deux fois par mois.

PRIX PAR AN : BELGIQUE : 9 FRANCS

étranger : 12 fr

il prendre garde à ne pas déserter le glorieux
chemin, tracé par nos maîtres à nous, par nos
magnifiques flamands, par ces premiers colo-
ristes du monde entier. Les jeunes chez nous,
subissent trop l'influence française, il y a des
toiles à l'exposition du Cercle, toutes con-
quises à la manière, à la composition, a la fac-
ture, à la couleur étrangères. Voilà l'écueil.

L'exposition de 1882 s'impose bien plus par
son excellente moyenne, que par les nouveaux
noms qu'elle met en lumière. Le bruit qui se
fait autour de Wencker et de Sargent, n'est
qu'en partie justifié; en outre ce ne sont pas
là des inconnus.'Le dernier, dès 1879, avait dé-
croché la notoriété par son fameux portrait de
Carolus Duran, l'autre est depuis longtemps
un habitué des salons annuels. Donc les maî-
tres d'hier, restent les maîtres aujourd'hui.
Pas de nouvelles classifications à faire.

L'artiste français qui exerce sur les jeunes,
la plus impérieuse (1) influence, c'est Bastien-
Lepage. Ses imitateurs fourmillent, ils chargent
leur brosse à sa palette, lui volant sa façon de
traiter un sujet, de le mettre en relief, de
comprendre le décor. Ils n'aiment que ses tons
fanés, assoupis, tendres, sa facture savante,
très étudiée,son modelé delà figure minutieux
et puissant à la fois. Il expose cette année Le
père Jacques et le Portrait de Mme W.

Puvis de Ghavannes est également chef d'é-
cole. Sa peinture a fresque, si magnifique,
tourmente les débutants, les pousse vers un
idéal d'art primitif, religieux, antique, où dans
l'ensemble des tons pâles comme des souve-
nirs s'effaçant, flotte l'âme des races disparues.

Bonnat expose le portrait de son ami Puvis.
Je connais de ce maître des œuvres mieux
réussies. Manet un Bar aux Folies Bergère et
Jeanne, Carolus Duran Une mise au Tombeau,
Duez Autour de la lampe, Gervex Le Bassin
de la Vilette, Gill le Fou, Dantan La Fête Dieu,
Dawant l'Enterrement d'un invalide, Bougue-
reau Crépuscule et Frère et Sœur, Cabanel
deux portraits, BaudryLa Vérité, Dubuffe La
Musique profane et religieuse, Maignan Le
Someil de Fra Angelico, Henner Barra, Le-
febvre La fiancée, Yvon La légende chrétienne,
Laurens Les derniers moments de Maximilien.
Puis viennent les peintres de ville Boggs, Ca-
sile, Lnighi-Lhoir, Layuaud, les nature-mor-
tiers Claude, Bergeret, Tholer, Villain, Ayr-
ton, Delanoy, Desbordes. Tous ces artistes,
mettent la variété dans cette immense exhibi-
tion d'art, les uns se cramponnant des deux
mains au rocher de la tradition et de l'aca-
démie, les autres essayant des excursions en
pays d'originalité, d'autres

Plonjreunt au fond du gouffre, enfer ou ciel, qu'importe!
Au fond de l'inconnu ponr trouver du nouveau.

Voici les Belges :

D'abord M. Van Beers. Il étale à la rampe

(1) Et la plus funeste, selon nous.

La rédaction.

ADMINISTRATION et CORRESPONDANCE
a st-NicoLAS (Belgique),

Embarqués ! Un canotier a accueilli dans son
gig une jolie personne et les voici tous deux
descendant un courant d'eau. On ne voit
pas le rivage, l'eau est lisse, verdàtre, avec
des têtes de roseaux émergeant ci et là. L'ar-
tiste aime ses grandes surfaces unies à peine
troublées, met clans ses ciels de coquets nua-
ges, soit dans ses mers de liserés blancs. Le
canotier est vu de dos, le croc de la mousta-
che seul fait deviner le profil. La demoiselle
en robe claire, avec un joli chapeau à fleurs,
rit et montre ses dents. La figure est de verre,
les yeux d'émail, le rose des joues n'est que
fard. Tout cela a l'air jouet, bien que M. Van
Beers ait tenu à cœur d'empâter sa couleur.
Cela illustrerait à merveille quelque journal
de modes au début de la saison balnéaire.
Lilly, la fameuse Lilly, est logée au deuxième
étage. Le bruit a couru que l'artiste, mécon-
tent du placement de sa miniature, l'avait
barbouillée de noir. Quand je suis allé voir,
Lilly était intacte. En tout cas rien ne méton-
nerait de la part de M. Van Beers. Avouons
aussi qu'a pareille hauteur personne ne peut
juger des défauts ou du mérite de l'œuvre.
Or, l'artiste conviait la critique parisienne à
se prononcer en connaissance de cause sur la
question d'art soulevée dans les journaux
belges.

Alfred Stevens,legrandmaître,n'expose pas,
mais voici une de ses élèves, M1'0 d'Anetlian.
L'Enfant malade est impressionnant. Il est
là, couché dans son lit de fer avec des livres
sur les couvertures et une bonne l'interro-
geant dans une attitude penchée. Dans la
chambre règne le silence et la propreté. La
mine du petit est blafarde, souffrante; ses
yeux luisent maladivement. Il y a de pro-
fondes harmonies de tons dans cette toile et
ce quelque chose de vivant qu'on rencontre
partout où le maître met sa brosse ou son
influence.

Le petit verger de M.Ile Marie Collart s'est
agrandi. Le nombre des vaches a augmenté
ainsi que celui des arbres fruitiers. On trouve
dans Un Verger en juillet la même impression
de calme, de repos, de bien-être discret et
intime que dans les autres œuvres de l'artiste.
C'est toujours la même cliose, mais cela
charme toujours comme un tableau d'ancien
sans cesse revu et qui ne lasse jamais.

Le Départ pour l'Amérique de Mois déplaît
par sa sécheresse, sa lourdeur, la verdeur
mal attrapée de l'eau. Un steamer sort du
Hâvre et gagne la pleine mer. Le ciel est
terne, sans fluidité ni transparence. C'est une
toile de deuxième ordre, tout à fait inférieure
aux œuvres d'ordinaire bonnes du mariniste
belge. .

De Pratere a pris pour sujet une charette
de brasseur à quatre chevaux traversant les
rues de Bruxelles l'hiver, dans la neige. Au
fond pointent les tours de Sainte-Gudule, on
 
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