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^° 20. ■ 4 Novembre 1882. Vingt-quatrième Année.

ET DE LA LITTÉRATURE.

DIRECTEUR: M. Ad. SIRET. paraissant deux fois par mois. ADMINISTRATION et CORRESPONDANCE

membre de l'académie roy. de belgique, etc. PRIX PAR AN : BELGIQUE : q FRAN.CS a s'-nicolas ibelgique).

étranger : 12 fr. __

SOMMAIRE : Littérature. Lettre de M. Luise.—
Beaux-Arts. Lettres sur le Salon d'Anvers. —
Vereschagin. — Album des aquafortistes anver-
sois. — Dictionnaire des peintres. — Correspon-
dance de Paris : séance de l'académie. — Chro-
nique générale. — Cabinet de la curiosité. —
Annonces.

Littérature.

LETTRE DE M. FERDINAND LOISE (1).

Mon cher Directeur,

Dans un N° du Journal des Beaux-Arts
arrivé chez moi en mon absence et qui
m'avait échappé, je lis, sous la signature
d'un de vos jeunes collaborateurs, un article
que je ne puis laisser passer sans protes-
tation, car c'est une impiété qu'il a commise
et, sans qu'il le sache, les moyens employés
pour la soutenir ne sont qu'un échafaudage
de contre-vérités !

En tête de cet article, je lis : Poésies iné-
dites de Lamartine. Paris, Hachette, 1881.
« Le livre, nous dit-on, a passé, il est tombé,
il est mort dans l'indifférence générale. Le
jaune des exemplaires a eu le temps de dé-
teindre aux étalages de librairie. Puis une
préface promise, mais omise; M. de Laprade,,^
préfacier, annoncé au programme et restant
derrière les coulisses. Volume de bric à brac,
en un mot... Des réimpressions : les Visions.
C'est pauvre... U y a, somme toute, dans le
volume trois piécettes, d'avant les Méditations.
Les tragédies, je crois, ont été publiées autre
part. Les visions ont paru dans les Nouvelles
confidences ! Le plan d'épopée se trouve tout
au long dans le Cours familier de littérature. »
Et pour finir : « Pourquoi publier cet ouvrage,
pourquoi ne point réserver Vinédit pour une
édition définitive et pourquoi M. de Laprade,
le préfacier, refuserait-il déjouer un solo sur
son buccin fêlé? »

Or il se fait que ces Poésies inédites ont
été publiées en 1873 par Madame Valentine
de Lamartine chez Hachette, Furne, Jouvet
et Cie, et qu'elles sont précédées d'une pré-

(1) Nous publions un peu tard cette lettre de
M. Loise; mais il n'est jamais trop tard pour faire
acte de justice, surtout quand il s'agit du plus
grand poète du siècle. (F Ae de la rédaction).

face de M. de Laprade qui contient les
plus belles pages peut-être qu'on ait écrites
air Lamartine. Je ne connais pas l'édition de
1881, mais c'est évidemment une édition nou-
velle, ce qui prouve, ce me semble, que le
livre n'est pas précisément tombé clans l'indif-
férence générale. Les tragédies qu'il renferme :
Médée et Zoraïde n'ont paru nulle part ail-
leurs. Auparavant on ne connaissait que Tous-
saint Louverture et Saùl. L'admirable frag-
ment des Visions qui a pour titre le Chevalier
était inconnu avant ce dernier volume, et le
plan des Visions, la plus vaste épopée qu'on
ait jamais conçue, se rencontre ici pour la
première fois. Peut-on rassembler avec plus
de désinvolture tant de contre-vérités en si
peu de lignes? Et tout cela pour aboutir à
cette étrange déclaration : « Donc, la prise de
possession de nos premiers enthousiasmes
(vite envolés, vraiment) a été l'œuvre de La-
martine, et voilà pourquoi, si délaissé que
soit le poète à Vheure présente, si contraires
aux siennes que soient nos convictions artis-
tiques, si pâlie que soit sa gloire, si morte que
nous paraisse sa littérature, nous Faisions ob-
stinément et nous protestons contre la publi-
cation pitoyable de ses Poésies inédites, qui
consomme la banqueroute de sa vogue. »

Puis on revient encore sur l'idée de cette
extinction de la plus pure et de la plus haute
gloire littéraire de ce siècle, et l'on s'écrie :
« Alafswuje la mode s'éloigne de la poésie
lamartimenne, que bientôt, à part quelques
lyriques de la grande école et quelques pieux
fidèles des poètes délaissés, mais immortels,

personne n'achètera plus les volumes du

poète. » (!!!).

Ces jeunes gens, sont-ils incroyables : tan-
tôt c'est à Goethe, tantôt à Lamartine qu'ils
s'en prennent. Et c'est leur gloire tout entière
enracinée dans nos esprits et dans nos cœurs
qu'ils voudraient enlever à ces géants là!

11 est à peine besoin de relever cette con-
tradiction singulière d'une littérature qui sem-
ble morte et dont l'auteur est immortel :
quand le cœur n'hésite pas devant une impiété
envers les grands hommes, il est juste que
l'esprit soit frappé d'illogisme. Détrompons
cette téméraire jeunesse : chaque année voit
s'accroître le nombre des fidèles du divin
poète. Savez-vous ce qui s'est vendu des
poésies de Lamartine dans ces dernières
années, de 1871 à 1878! Deux cent soixante-

dix mille exemplaires, c'est à dire 38,571
par an, et plus de dix par jour. 11 y adonc,
parmi la jeunesse des deux sexes et dans
l'âge mûr parmi les cœurs honnêtes et les
amis de l'éternelle beauté, quelque chose
comme 385,710 lecteurs de Lamartine tous
les ans, car il y a toujours dix lecteurs sur
un acheteur en matière littéraire. Voulez-vous
connaître en détail comment se sont vendus
dans cet intervalle de sept ans les principaux
ouvrages du poète? Les Méditations à 16,000
exemplaires; les Harmonies à 10,000 ; Jocelyn
à 30,000; La Chute tVun ange à 10,000; le
Voyage en Orient, idem ; les Girondins, idem;
Raphaël à 20,000; Graziella à 37,000. Voilà
la statistique, telle qu'elle m'a été donnée à
Saint-Point par l'administrateur de la Société
chargée de la propagation des œuvres de La-
martine. Ces chiffres ont assez d'éloquence
pour se passer de commentaire.il y a soixante-
deux ans que vivent les Méditations, et vous
pouvez juger si elles sont près de mourir.
Dans cinquante ans, nos descendants verront
ce qui restera de la littérature naturaliste qui
croit avoir détrôné,au profit de la boue pétrie
avec art, cette grande et immortelle poésie.

Je laisse maintenant la parole à M. de La-
prade, pour qu'on ne puisse pas douter de
l'existence de sa préface. Elle est de vingt-
quatre pages. Je me contente d'en extraire
trois fragments :

« Ce livre est du plus grand intérêt pour
l'histoire littéraire. Remercions Ja main pieuse
qui l'a recueilli : elle a préparé des éléments
indispensables au portrait du plus beau génie
de notre temps. Rien ne manquerait sans
doute à la gloire du maître si ces ■ fragments
étaient restés inconnus; mais il manquerait
beaucoup à l'instruction des critiques et beau-
coup à nos jouissances. »

Et d'un.

« On admire à présent par dessus tout l'a-
dresse mécanique des prosateurs et des rj-
meurs, la force de leur tempérament, l'habileté
avec laquelle ils reproduisent pour le loucher
et ponr la vue les détails de la nature maté-
rielle, la surexcitation contagieuse de leurs
nerfs et l'ivresse d'alcool que leurs tableaux
communiquent à nos sens. Au lieu de la pein-
ture du monde idéal, on ne retrouve plus dans
les œuvres d'imagination que la photographie
coloriée des réalités les plus basses. Un des
témoignages les plus innocents de cette im-
 
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