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N° 17

15 Septembre 1882.

Vingt-quatrième Année.

JOURNAL DES BEAU

ET DE LA LITTERATURE.

DIRECTEUR: M. Ad. SIRET. paraissant deux fois par mois. ADMINISTRATION et CORRESPONDANCE

membre de l'académie roy. de belgique, etc. PRIX PAR AN : BELGIQUE : 9 FRANCS. a s*-nicolas (belgique).

étranger : 12 fr.

SOMMAIRE. Beaux-Arts : Lettres sur le Salon
d'Anvers (suite). — Les instruments flamands à
Ferrare en 1426. — Michel Serre. — Bibliogra-
phie. — Chronique générale. — Programme. —
Cabinet de la curiosité. — Annonces.

Beaux-Arts:

LETTRES
SUR LE SALON D'ANVERS.

TROISIÈME.

L'événement a justifié ce que je disais du
succès des femmes au salon ; en effet, la tom-
bola et les particuliers se sont amplement
fournis à ce gracieux étalage. Encore une
fois, j'engage le côté de la barbe qui est celui
de la toute puissance, dit-on, à faire de sé-
rieuses réflexions sur la petite leçon qui lui
est infligée par le sexe faible.

J'en demande mille pardons à mon cama-
rade Isart qui a consenti à prendre une
moitié de ma besogne à l'intention de me
soulager, mais il voudra bien me permettre
d'empiéter sur son domaine et d'abandonner
pour un peu de temps le bataillon des
dames, du'elles se rassurent, je leur revien-
drai, mais j'éprouve une démangeaison ter-
rible de dire leur fait à certains artistes. Or,
on sait que quand ça cuit, il faut absolument
gratter. Donc, je gratte.

Les récoltes de pommes de terre et de
houblon commencent à passer de mode ; de
Breton à Beauverie nous en avons notable-
ment essuyées et l'on commence à s'en fati-
guer. Celle de M. Beauverie, peinte dans
cette gamme mystérieuse qui est sensée
représenter l'ombre du soir, a des qualités
picturales, mais l'intérêt est notablement ab-
sent et, malgré mes efforts, ma pensée ne
dégage aucune conclusion philosophique de
cette peinture. Ah ! le beau temps où Cour-
bet nous émotionnait en faveur des casseurs
de pierre à trente sous par jour ! Aujourd'hui
nous avons les chantres et les exalteurs de
grèves; nous avons les badigeonneurs de
cocottes à cinquante francs la journée; nous
avons les sombres Caravages du peuple et de
ses sueurs, mendiants, forgerons, carriers,
charbonniers et autres exploités du hideux
capital, guitares nouvelles qui ne sont que

les- anciennes dont on a renouvelé les cordes
et qui grincent à qui mieux mieux le canti-
lène de la misère et de l'oppression. Sempi-
ternelle histoire de celui qui n'a rien et ne
risque rien contre celui qui a tout et risque
tout. J'espère que c'en est fini de ces articles
de fond badigeonnés à l'huile, et que nous
allons enfin revenir au grand jour et à la
grande lumière de la simplicité et de la vérité
vraie sans autre prétention que celle de tâcher
de faire des œuvres de génie et non des
plaidoyers pâteux et soporifiques.

M. Isaac Israels, le fils du grand Hollan-
dais que vous savez, marche dans les sen-
tiers du père ; c'est également la note mineure
que traduit sa pensée. Nous sommes en
présence d'un Enterrement militaire en Hol-
lande, où tout se passe à peu près comme
chez nous. Cette scène est reproduite avec
un grand sentiment de mélancolie, le temps
lui-même est sombre et l'atmosphère parti-
cipe du tout. C'est étonamment juste et il
faut dire que l'artiste a reproduit cette scène
avec une exactitude qui a quelque chose
de poignant.

Je vais à ce propos lâcher ici une opinion
qui froissera pas mal de gens. Que m'im-
porte! Toutes les vérités sont bonnes à dire
et je soutiens qu'on n'a pas le droit de les
tenir sous le boisseau. Mon opinion, la voici.
C'est que la photographie a complètement
changé les conditions dans lesquelles l'art se
produit. Je connais des artistes,excellents du
reste, qui font des portraits sur la seule pro-
duction d'une photographie sans jamais
voir le modèle. La teinte du visage est
adroitement dissimulée sous ces effets de
jour si propices que donne l'épreuve photo-
graphique. Je sais des artistes qui, dans
l'histoire comme dans le genre, prennent des
acteurs vêtus des costumes voulus, les dispo-
sent en groupes demandés par la situation,
et, quand le bouge\ plus a donné, tirent leur
cliché puis renvoient la compagnie; le ta-
bleau est composé et quasiment peint après
un agrandissement calculé et le tour est joué.

Qu'on ne vienne pas me dire que cela est
faux. Je pourrais citer des soi-disant chefs-
d'œuvre vendus 40,000 francs et plus, qui
n'ont pas d'autre origine et il faut le bête aveu-
glement dans lequel est plongé certain monde
qu'exploitent certains faiseurs, pour ne pas
s'apercevoir de cette longue et indigne pipe-

rie. Cette exploitation franchit la porte de
ces grandes et riches nullités auxquelles je
fais allusion, mais elle s'arrête là. La partie
intelligente du public comprend qu'il y a
anguille sous roche. Je n'en veux pour
preuve que l'absence bien constatée, dans les
cabinets d'amateurs intelligents, de ces pro-
duits de confection fallacieuse et facile. Jadis
on pillait un peu partout dans les gravures,
c'était le poncif du métier; l'objectif a rem-
placé le mode d'opérer qui avait des incon-
vénients, car on a vu des tableaux ainsi
composés où les personnages étaient éclairés
les uns de droite, les autres de gauche. De
pareils échantillons ne sont pas rares.

Je ne fais pas cette dissertation comme
une méchanceté à l'adresse du tableau de
M. Israels, tableau que je crois franchement
travaillé sur nature, mais son aspect m'a, je
l'avoue, un peu tracassé. J'aurais voulu lui
lui trouver une perspective plus aérienne.

Quel dommage que M. Bourotte ait peint
une si bonne toile sur une donnée si insigni-
fiante. Il n'y a pas à dire : quiconque ob-
servera le public le verra toujours, je dis tou-
jours, porté à s'arrêter devant les choses qui
parlent à son imagination. Les morts, les
agonies, les derniers moments, les cadavres
ont encore des chances de succès, ceux-ci
surtout quand ils sont parés, comme des vo-
lailles, de tuyaux de plomb, mais cela baisse;
on en a abusé. Un regain de succès leur
arrivera peut-être si quelqu'audacieux juge
un jour à propos de nous montrer le cadavre
en morceaux. C'est ce que WierLz avait déjà
tenté il y a une quarantaine d'années, avec
sa mère folle qui met son petit en tranches
menues dans le bouillon.

Pour en revenir au tableau de M.Bourotte,
au Te Deum, j'y remarque à l'avant-plan
un monsieur en houppelande fourrée, sorte
de portrait d'une très belle tournure. Les
autres personnages dont l'ensemble sans doute
constitue une réunion de famille, sont fran-
chement peints et posés avec adresse.

M.Vauthier nous a donné un original petit
tableau : Un botaniste dans les Alpes. C'est
gracieux et humouristique, mais on pouvait
s'attendre à quelque chose de plus important
de la part d'un chef d'école. M. Slingeneyer
est descendu de sa grande échelle qui lui
convient mieux décidément que l'escabeau ;
ce n'est pas que je ne retrouve point dans ses
 
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