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15 Mars 1882.

VliNut-quatrième annee.

JOURNAL DES BEAUX-ARTS

ET DE LA LITTÉRATURE.

DIRECTEUR: M. Ad. SIRET. paraissant deux fois par mois. ADMINISTRATION et CORRESPONDANCE

bre de l'académie roy. de belgique, etc. PRIX PAR AN : BELGIQUE : 9 FRANCS. a s*-nic0las (belgique).

étranger : 12 fr.

SOMMAIRE : Beaux Arts : Antoine Van Dyck,
par Guiffrey. — Exposition du Cercle artistique
et littéraire de Bruxelles. — L'école de dessin
d'Ixelles/— Hérodiade. — Les dessins de la col-
lection Gigoux. — Bibliographie. — Littérature :
Aug. Barbier. — Chronique générale. — Cabinet
delà curiosité. — Annonces.

Beaux-Arts.

ANTOINE VAN DYCK

par JULES GuiffrEY, publié par Quantin.
(Deuxième article).

L'histoire des arts et des artistes compte
en France une petite mais courageuse e'glise
composée d'hommes remarquables de plus
d'une façon. Le moins méritant de cette sa-
vante cohorte n'est certes point M. J. Guiffrey,
dont le nom restera désormais rattaché aux
entreprises les plus patriotiques qui ont vu
le jour depuis plus de vingt ans. C'est à lui
qu'on doit en grande partie ces Archives des
arts (14 volumes) remplis de documents pré-
cieux et continués par les Nouvelles archives
patronnées par la Société de l'histoire de l'art
français, dont il fut un des plus ardents
promoteurs avec Anatole de Montaiglon et
Georges Duplessis (1), et qui publie chaque
année des ouvrages d'une réelle importance.
C'est à lui qu'on doit aussi une monographie
des Caffieri détaillée avec un soin et une
minutie exemplaires. N'est-il pas aussi un
des directeurs et collaborateurs de cette somp-
tueuse publication qui a ranimé en Europe
un art presque oublié ; Y Histoire générale
de la Tapisserie^ Nous oublions encore sans
doute d'autres titres de M. Guiffrey à la gra-
titude et à l'estime du monde artistique, mais
en somme, il nous semble que c'est déjà bien
ainsi, d'autant plus que sur ce contingent
respectable vient se greffer aujourd'hui la
monographie définitive de Van Dyck.

C'est M. W. Burger (Thoré) qui a lancé
aux Flamands cette impertinence gratuite que
nous avons relevée dans le temps : « Van
Dyck a la grâce et la distinction, il n'a rien
du flamand. » Bien certainement M. Burger
n'a vu de la société flamande que celle que le
voyageur peut voir en courant. M. Charles
Blanc a eu aussi à propos de Van Dyck
quelques velléités de plaisanterie sur les Fla-
mands et les Néerlandais oubliant, l'ingrat,
qu'il devait à l'un de ceux-ci un de ses ou-
vrages les plus fameux (Grammaire des arts)
mais Flamands et Néerlandais ont légèrement

(i) Tous les trois ont collaboré pendant de longues
années au Journal des Beaux-Arts dont ils ont puis-
samment aidé à établir la vogue et le succès. Renou-
vier les avait précédés. Ce n'est pas un mince honneur
ae compter de semblables noms parmi nos parrains,
aussi notre reconnaissance égale-t-elle notre fierté.

Ad. S.

souri de ces légèretés gauloises et tout est
rentré dans l'ordre comme si de rien n'était.
M. Guiffrey avec ce tact exquis qu'on ren-
contre chez les écrivains pénétrés de la sincé-
rité et de la grandeur de leur sujet, a traité
son héros à la façon antique et c'est un véri-
table régal que de lire son œuvre où tout se
présente et se suit avec une homogénéité sans
lacune, sans fièvre, sans parenthèses oiseuses
et surtout avec ce respect de la langue et de
la parole dont la modernité paraît avoir perdu
le sens.

Ge que je me permettrai de lui reprocher
ainsi qu'à beaucoup d'auteurs français, c'est
de se lancer à propos des mœurs flamandes
dans des suppositions tout au moins enfan-
tines. C'est ainsi qu'à propos de l'intérieur
de maison de François Van Dyck, père d'An-
toine, homme consacré aux exercices d'une
piété un peu étroite, M. Guiffrey s'étonne d'y
rencontrer des œuvres d'art et un beau cla-
vecin de Ruckers. Ne serait-ce pas Marie
Cuypers qui aurait introduit ces objets pro-
Janes dans son intérieur austère.Mon Dieu,
non, les intérieurs même les plus austères
d'Anvers, étaient bourrés d'objets d'art et de
clavecins. Le plus petit bourgeois avait des
tableaux et on faisait de la musique chez lui
comme cela se pratique encore actuellement.
Les archives publiques et privées, les tradi-
tions, les souvenirs encore debout dans beau-
coup de familles, témoignent,avec une extrême
abondance de preuves,des gestes de la vie in-
time d'alors qui, chez les catholiques comme
chez les réformés, ne se passait pas exclusi-
vement dans les pratiques étroites de la vie
religieuse mais qui sacrifiait avec le plus vif
entrain aux joies de tout genre. Que les au-
teurs français ne l'oublient pas : nos vieilles
villes flamandes, Anvers, Gand, Bruges, Ma-
lines, donnaient les plus belles fêtes du
monde dans la rue comme dans la maison
et il n'y a guère que les villes italiennes qui
pussent leur être comparées à cet égard.

Si nous présentons nos observations à ce
propos, c'est pour essayer d'en finir une
bonne fois avec les appréciations de ce genre.
Quand on étudiera la Belgique comme
M. Havard a étudié la Néerlande (deux pays
et non pas un seul comme s'obstinent encore
à écrire de très bons mais de très ignorants
auteurs) on saura peut être à quoi s'en tenir
sur ces Flamands qui, pour les uns, sont des
ivrognes et, pour les autres, des fanatiques.
Espérons qu'on s'entendra.

M. Guiffrey raconte dans sa dédicace à
son ami Sully Prudhomme que son livre a
eu pour point de départ un manuscrit oublié, '
signalé par Anatole de Montaiglon, un autre
amoureux de Van Dyck, qui avait aussi pro-
jeté d'écrire une monographie du grand An-
versois; c'est en 1842, si je ne me trompe,
qu'il fit le voyage en Belgique dans ce but.

Guiffrey lui, hanté par le même esprit, alla à
Turin, à Gènes, à Florence et à Rome pour
y connaître son héros, sans compter l'An-
gleterre et la Belgique où récemment il revint
étudier, entre autres, le tableau de Courtrai
et en faisait faire une eau-forte qui le popu-
larisera mieux que la sourde lithographie
qui en existe. Le livre devait paraître en 1880;
un retard heureux n'a permis de le publier
que deux ans après. Nous disons heureux
parce qu'il a mis l'auteur en présence de
plusieurs ouvrages flamands parus depuis à
Anvers et tout à fait venus à leur heure.

Comme nous l'avons dit, la biographie de
Van Dyck est tout entière dans l'histoire de
ses tableaux. Sa vie est là et nulle part ail-
leurs. Aussi M. Guiffrey, après nous avoir
montré l'artiste au sein de sa famille à An-
vers, va avec lui en Italie, en Belgique puis
en Angleterre. Ce furent les grandes étapes
de sa courte vie, car son excursion infruc-
tueuse en France compte pour peu. Le soin
mis par l'écrivain à suivre le peintre comme
son ombre sans le perdre de vue un seul
instant, a quelque chose de touchant; on
dirait un ami dont la pieuse mission con-
siste à rechercher les traces d'un être aimé
afin de recueillir partout où il a passé les
preuves de son existence et reconstituer celle-
ci à la plus grande gloire de l'art. M. Guif-
frey à dû tenir compte des erreurs, des
légendes, des cancans et de toutes sortes d'in-
discrétions commises au sujet de notre ar-
tiste depuis plus de deux siècles. Il les rappelle
donc pour les détruire le plus souvent et
substituer la réalité à la fiction. C'est ainsi
qu'il a agi à propos de la légende de Saven-
them que des documents découverts par des
Belges ont permis de remettre à sa place ; et
aussi pour la fameuse affaire des chanoines de
Courtrai, et aussi pour cette inepte histoire
des amours de Van Dyck avec la femme de
Rubens. Il nous plait, à ce propos, de rap-
peler que nous avons dans le temps et ici
même, traité un certain M. Baissas avec
toute l'indignation que méritait le procédé
de. cet écrivain qui avait relevé dans la presse
française la chronique scandaleuse dont il
s'agit. Nous avons prouvé avec dates à l'appui
l'impossibilité et l'inanité de cette histoire
graveleuse insinuée pour la première fois par
uu auteur plus soucieux d'amuser ses lecteurs
que de les instruire. M. Guiffrey lui aussi
s'indigne et repousse la ridicule supposition
qui flétrirait à jamais le nom de Van Dyck.
Du reste, on ne s'est que trop complaisam-
mentétendusurles succès amoureux de notre
peintre, dont on fait une sorte de Lovelace,
et il est à présumer qu'en cette matière le
dicton : on ne prête qu'aux riches, a reçu
une application nouvelle. M. Guiffrey lait
aussi bon marché de l'épisode du portrait de
Fr. Hais, des histoires débitées sur le Sr Au-
 
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