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N° 18

30 Septembre 1882.

VlNttT-QUATRIÈME ANNEE.

JOURNAL DES BEAUX-ARTS

ET DE LA LITTÉRATURE.

DIRECTEUR • M Ad. SIRET. paraissant deux fois par mois. ADMINISTRATION et CORRESPONDANCE

membre de l'aCADEMIE roy. de belgique, etc. PRIX PAR AN : BELGIQUE : o. FRANCS. A St-NICOLAS (BELGIQUE).

étranger : 12 fr. _

SOMMAIRE : Beaux-Arts. Lettres sur le Salon
d'Anvers. — Concours de gravures à l'eau-forte.
— Collection JohannesPaul. — Chronique géné-
rale. — Programmes. — Cabinet delà curiosité.

Annonces.

Beaux-Arts.

LETTRES

SUR LE SALON D'ANVERS.

cinquième.

Je ne sais pas pourquoi, mais la langue des Dieux
M'envahit tout entier par le cœur, par les yeux.
D'où me vient cet émoi ? D'où me vient ce nuage
Qui crève sur mon être et lui rend son jeune âge ?
D'où vient qu'en regardant le troupeau féminin.
Je crois voir la Loerly m'attirant dans le Rhin ?
Ah ! Ne résistons pas, laissons agir le charme,
Dut le bonheur rêvé se payer d'une larme.
Suivons l'enchanteresse et mon luth à la main,
Adorons le beau sexe... au moins jusqu'à demain.

Des fleuristes voici (1), à mon sens, la plus digne.
Genêts, coquelicots. Auteur : Emma De Vigne.
Je serais de ses fleurs bien plus ensorcelé
Avec moins de désordre et plus de modelé.
De la jeune Stroobant, saluons la promesse.
Pans ses fleurs de printemps s'étale sa jeunesse :
Elle annonce au pays un bon peintre nouveau.
Quelques baguenaudiers, arrangés en faiseeau,
Attirent mes regards. C'est frais, pimpant et leste.
Un peu trop régulier, peut-être. Mais du reste
Bonne œuvre de Pauline Jamar. Quel bon air
Ont les fleurs que voici : C'est d'Alice Ronner.
Du poète des chats c'est la fille et l'élève
Qu'à sa hauteur la mère avec amour élève.
Zeghers et Rachel Ruisch, de leurs cieux étoilés,
Contemplent des efforts qui seront exaucés
Maria de Borman, pour le bouillon qui fume,
Prépare avec succès maint odorant légume.
C'est très bien en rapport avec le mouvement,
Qui met le cœur après et l'estomac avant.
C'est le siècle ! On exige un art de cette sorte.
La nature revit dans la nature morte

(î) Ici il y a un hiatus. Je dirais bien comme Adolphe
Mathieu : cela m'est égal. Mais je provoque cette
occasion pour faire acte de soumission aux lois désor-
ganisatrices de mon époque. J'ai rencontré des hiatus
chez des poètes modernes pour qui on ouvre en ce
moment les portes du temple de la Gloire S'il ne faut
que des hiatus... me voilà. Je demande ma place au
Panthéon de Koekelberg. p. g.

De quelle poigne d'homme ou d'Alcide du nord
Est ce mâle tableau qui frappe dès l'abord ?
De qui sont ces chevaux à puissante encolure,
Au pelage brun roux, à la rude cambrure,
A l'œil doux, confiant, au jarret gros et court,
Dont le sabot s'évase et s'abat ferme et lourd ?
De qui ces compagnons de l'homme qui travaille
A qui pour récompense on donne un peu de paille ?
Qui répondent si bien au vœu du laboureur
Qu'à les voir on croirait qu'ils ont aussi du cœur.
Voyez comme ils sont beaux dans leur grandeur innée,
Immuables et forts comme la destinée,
Et couverts eux aussi des habits du travail,
Noble armure couvrant un plus noble poitrail.
Cette peinture là c'est sans doute d'un homme,
Troyon ou Brascassat ; quelque colosse en somme,
Qui doit être connu, dont le pouce nerveux
Vous truelle la pâte en reliefs somptueux...
Ouvrons donc le livret qui souvent fait des siennes...
En croirais-je mes yeux ? C'est de Jeanne d'Espiennes !

Plus faible est Venneman (Bosa) dont la couleur
Manque essentiellement de corps et de vigueur.
Sous un ciel étranger sa palette affadie
A perdu le cachet de la mère-patrie.
Son dessin a gagné.

fi) O mes vers, soyez brefs.
Le salon va fermer. Voici madame Geefs,
Dont la palette reste éternellement fraîche,
Qui communique aux chairs un velouté de pêche,
Et peint des yeux charmans. Puis Louise Breslau ;
Par la touche et l'esprit, français est son tableau.
Cependant le public préfère encore d'elle,
Les amis du dernier triennal de Bruxelle.
Clémence Van den Broeck au pinceau masculin
A transporté la Flandre en plein cœur parisien (2).

Je t'obéis, douce phalange

Qui me tombe du paradis ;

Je sens que ton pouvoir étrange

Domine et guide mes esprits.

Conduis-moi sous les frais ombrages

De ces poétiques paysages

Où j'entrevis déjà Beernart ;

Où j'ai dans une simple prose

Parlé d'elle et puis d'autre chose,

Ainsi que de Mary Collart.

(1) Rehiatus.

(2) Mes rimes ne sont pas toujours d'une richesse
opulente. Cela me peine peu : outre que l'on sait que
la richesse ne fait pas le bonheur, j'ai remarqué que
M. Richepin, le poète actuellement acclamé par le
cerveau de la France, est encore plus riche que moi.

P. G.

Laisse-moi sur cette Lisière,

Ecouter mes rêves chanter.

Quelle moiteur ! quelle lumière !

Je sens mon âme s'exalter.

C'est l'œuvre d'Alice De Salle

Dont la palette filiale

A celle du père a puisé.

Voici l'après-midi d'automne,

Vrai portrait qu'Anna Boch nous donne

D'un ciel tranquille et reposé.

Voici de Gusta Van Butsele
Automne, chemin dans le bois (s).
Que de sentiment s'y révèle !
Comme on y parle à demi-voix !
J'y voudrais murmurer ensemble
Le chant de la feuille qui tremble...
Mais revenons à nos pinceaux :
De Putzeys, de Peetere encore,
Saluons la brillante aurore
Qui se lève dans leurs tableaux.

« Qui ne sut se borner ne sut jamais écrire. »
Mesdames, vous voyez : nonobstant mon délire,
Il faut fermer mon cœur avec mon encrier
Et (vieux fat que je suis) non sans faire crier,
J'en suis sûr. Ce n'est pas par oubli, par fatigue
(La fatigue ? jamais) que je mets une digue,
A mon fleuve de mots. Je cesse et puissiez-vous
Me laisser sans fureur glisser à vos genoux,
Réclamant mon pardon. O belles négligées,
Vous êtes dans mon cœur à jamais colligées,
Et c'est auprès de vous, en esprit, que je vais
Contempler vos tableaux.

Foi de Pierre Gervais

Là. Revenons sur terre; c'est plus sûr
quoique moins agréable ; abandonnons les
dames, c'est pénible, mais c'est plus sage et
reprenons notre petit train-train d'avant l'O-
lympe en marchant à grandes bottes dans les
plates bandes du salon et en ayant soin d'é-
viter les choux. Cela me fait penser à M.
Neuckens qui a donné à ses choux une im-
portance bête. Sa Germaine n'est pas mal;
son Cache-après manque de cachet,mais mal-
gré tout cela, ce tableau de dimension ridi-
cule et d'une composition aussi extravagante
que mal conçue, dénote un grand progrès
chezcetartiste.Son coloris a gagné en harmo-

(1) Il y a lieu de remarquer que j'ai vu ce tableau
ailleurs. Celui du salon dAnvers est intitulé : Site
flamand ; environs d'Audenarde, tandis que dans le
livret il y a un autre titr»'.
 
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