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186 —

dont j'aime à louer l'organisation, on remarque
une jolie peinture, exécutée à l'occasion de la
bénédiction abbatiale. Elle représente le
Christ assis, entouré de deux saints à genoux.
A la droite du Sauveur je trouve St-Benoît
Lui représentant l'abbaye de Maredsous que
le Christ semble bénir. Le paysage au fond
représente la montagne et le couvent du Mont
Cassin. Le personnage en adoration de gauche
est S. Placide. Il tient la crosse abbatiale. Le
fond représente le détroit et l'abbaye de Mes-
sine où le saint fut martyrisé et le volcan de
l'Etna. Ce sujet est bien traité. Les deux pay-
sages sont très-réussis, surtout celui du Mont
Cassin. Au point de vue topographique, j'au-
rais une observation à faire au sujet de l'ab-
baye de Messine. D'abord de la côte de Mes-
sine, on ne saurait voir l'Etna qui est caché
par la montagne sur laquelle est construite
l'antique Taormina. De plus, Messine et l'Etna
sont du côté droit et non du côté gauche dn
détroit. Mais abstraction faite de cette re-
marque de détail, je ne saurais assez louer
D. Amrhein d'avoir de nouveau introduit le
pavsage avec la grande peinture. C'est un heu-
reux retour aux tradition? des grands maîtres.
Rien ne donne autant de vie aux conceptions
picturales que ces gracieux paysages servant
de fond aux représentations les plus majes-
tueuses. Aussi n'y a-t-il peut-être pas un seul
grand maître flamand ou italien qui n'ait été en

...

même temps un bon paysagiste. Pour ces illus-
tres peintres le paysage, il est vrai, n'était
qu'un élément décoratif, cet élément fut traité
par eux avec autant de délicatesse que de na-
turel. Van Eyck, Piaffaël et bien d'autres en
sont une preuve manifeste. Mais pourquoi
s'est-on à Maredsous arrêté en si bon chemin,
et pourquoi n'a-on pas représenté la cité
céleste, par exemple, derrière le Divin Sau-
veur, au lieu de peindre cette draperie lourde
et disgracieuse qui ne me dit rien et frappe
désagréablement l'œil du spectateur? Je dois
reproduire ici une observation analogue à
celle que je fesais plus haut pour le Christ de
l'église, au sujet de la représentation du cœur
de Jésus. Ici même ce cœur semble servir
d'agrafe au vêtement, c'est une faute, j'avoue
que le vêtement d'ailleurs retombe avec grâée
et qu'il est bien traité. L'expression du figure
est excellente, surtout celle de S. Benoît

Mais la peinture la plus importante de Ma-
redsous se trouve dans un joli oratoire de
S. Joseph qui sert de chapelle abbatiale.
Derrière l'autel on voit S. Joseph portant
l'Enfant Jésus. La tête de S. Joseph est peut-
être la meilleure ligure de toutes celles exé-
cutées par D. André. La paroi de droite delà
chapelle est occupée par une grande fresque
représentant la Nativité du Sauveur. Elle a 16
mètres 50 de largeur sur 4 50 de hauteur et
est divisée en quatre panneaux. Celui du cen-
tre représente le divin enfant caché dans une
étable ; sa mëre et S. Joseph sont agenouillés
autour de son bereea i. Dans les deux coins

du pauvre gîte on aperçoit l'âne et le bœuf.
Le fond est occupé par six anges debout por-
tant des banderolles sur lesquelles on lit les
paroles d'Isaie, (IX, 6) : vocabitur admirabilis,
consiliarius, Deus, fortis, pater F. s. (futuri
sœculi), pria ceps pacis. Le panneau de gauche
représente deux bergers qui viennent adorer
le Sauveur et celui de droite l'arrivée des rois
Mages. Derrière ceux-ci se voit une ville forte
qu'on peut prendre pour Jérusalem. Au des-
sus de ces trois panneaux sont peints des
anges jouant de divers instruments. Le sujet
est fort bien conçu et la disposition est d'une
grande simplicité. Remarquons d'abord, ce
qu'on peut constater dans maint tableau, que
le personnage principal est précisément eelui
qui est le moins réussi. La tête du Bambino
est aussi gracieuse que candide, mais l'enfant
est emmailloté avec tant de raideur que l'im-
pression de l'ensemble est peu satisfaisante.
Si l'artiste ne voulait pas se résoudre à repré-
senter l'enfant tout uu, comme le font si sou-
vent les maîtres italiens, il pouvait alors évi-
ter l'inconvénient que je signale, en laissant
par exemple le divin enfant recouvert du
voile que la sainte Vierge relève maintenant
on ne sait trop pour quoi. Le type de Marie
ne manque pas d'une certaine pureté, mal-
heureusement le cou n'est pas velouté et le
menton est d'un dessin quelque peu anguleux :
il y à là une ligne brisée qui aurait gagné
beaucoup a être arrondie. De plus, pourquoi
ne pas donner des yeux vifs et expressifs à la
Mère du Sauveur, pourquoi ne pas s'efforcer
de donner à cette figure l'expression de l'a-
mour maternel : ce sentiment peut se rendre,
comme le fit Fra Angelico, avec tant de can-
deur, de naturel et de simplicité, qu'on peut
presque affirmer que l'amour maternel est
peut-être la seule passion de laquelle toute
volupté charnelle est absente.

On aurait pu donner à la Sainte Vierge
une expression bien autrement religieuse que
l'artiste ne l'a fait ici, au moyen de cet œil al-
longé, de ces yeux ternes et sans vie qui ne
rappellent que trop Duccio et l'école de
Sienne. La figure de Saint Joseph est fort
belle, d'une extrême pureté.

La pose de Marie et de Joseph est bonne,
mais dans la draperie on remarque, tout
comme dans mainte fresque du Mont Cassin,
(Voyez surtout les fl 12 et 14 de l'album), que
l'artiste ne parvient pas à replier avec grâce
le vêtement des personnages agenouillés. Ces
replis sont roïdes, et ils doivent l'être aussi
longtemps qu'on veut faire retomber le vête-
ment sous le genou. On pourrait éviter ce dis-
gracieux de la draperie en ne faisant pas
retomber le vêtement sous la jambe inférieure.
Des maîtres italiens, Rafïâel, Andréa del Sarte
et Sodonna entre autres, ont produit de bien
belles choses en ce genre.

J'ai admiré beaucoup les types si purs des
dix anges du fond. Leur pose est grave et la
draperie de leurs vêtements est variée et cor-

recte. Je critiquerais tout au plus la roideur
des mains du second ange de gauche : pour-
quoi cacher ces mains sous sa robe ? Nous
nous trouvons ici en face d'anges à corps
humains. L'idée du D. Amrhein est des plus
heureuses. Les petits amours des maîtres ita-
liens et de Murillo sont adorablement jolis,
mais n'ont d'anges que le nom ; et les têtes
ailées de la décadence sont on ne peut plus
grotesques, pour ne pas dire davantage.

Remarquons encore le naturel du berger
portant un agneau sur ses épaules. Le nu des
jambes est fort supérieur aux formes nues,
plutôt indiqués que dessinées, que nous avons
vues au Mont Cassin. Un autre progrès que
nous aimons à constater, c'est qu'ici nous
nous trouvons en présence d'une peinture
véritable ; et non, comme au Mont Cassin,
devant des fresques traitées à la manière des
bas-reliefs.

Je me résume : le dessin est d'ordinaire
correct, dans les types et les détails il y a de
nombreux et d'heureux souvenirs des œuvres
classiques ; le travail est très soigné, la dispo-
sition est simple et gracieuse. 11 ne manque
plus à D. Amrhein que de devenir un peu
plus coloriste. Son coloris est pur, mais pâle :
il manque complètement de chaleur. Ce défaut
se remarque du reste dans un grand nombre
de fresques modernes. Je ne citerai que celles
du Treppenhaus de Kaulbach. Von Schwind
est un des rares artistes qui soient parvenus
à donner à leurs peintures murales une couleur
bien chaude et bien naturelle. Qu'on se sou-
vienne seulement de ses magnifiques peintures
de la Wartburg à Eisenach. Il est probable
du reste que des études plus approfondies
faites en Italie pourraient être d'une grande
utilité à D. Amrhein. Il a pu admirer à Rome
les œuvres de Raffael, de Michel-Ange du
Dominiquin ; celles de Fr. Angelico et de An-
dréa del Sarto à Florence. Il semble que
l'étude des anciennes fresques italiennes
pourrait lui rendre encore de bien grands
services. Je ne citerai que Giotto à Padoue,
Lorenzetti à Pise et à Sienne, le Pérugin et
Pinturicchio au Cambio de Pérouse, Becca-
lumi et Sodona à Sienne.

Adolf de Ceuleneer.

(Correspondance particulière).
PARIS ET LES FLANDRES EN ITALIE.

Depuis la date de ma dernière lettre, j'ai
parcouru la plus grande partie de l'Italie.
Turin a été ma première étape, Milan, Gênes,
Pise, Sienne, Orvieto, Rome, Naples, Pompeï,
Foligno, Lorette, Arczzo, Florence et Bologne
ont été successivement visitées par le chroni-
queur du Journal des Beaux-Arts, et il n'est
pas demeuré à Rome moins de cinq semaines.

Quel était le but de mon excursion? —
Recueillir les éléments d'une histoire de l'art
français en Italie. Et certes, la moisson est
grande. J'ai retrouvé plus de trois cents
œuvres de main française dans les villes que
 
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