Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Overview
Facsimile
0.5
1 cm
facsimile
Scroll
OCR fulltext
138

nie et en fondu. Ici je dois ouvrir une paren-
thèse pour déclarer, en toute humilité, qu'a-
près plusieurs visites mes appréciations sur
certaines choses se sont modifiées tant à cause
d'un examen plus approfondi qu'à cause d'un
rayon de soleil plus généreux. Mon Dieu, il
ne m'en coûte pas de m'avouer peccable et il
me semble que faire cet aveu c'est aussi me
faire pardonner; je ne me trouve nullement
rapetissé en m'humiliant de cette manière et
pour un peu je me trouverais avoir un rap-
port quelconque avec St- Louis qui s'élevait
aux yeux de son peuple en s'humiliant de-
vant son Dieu. Tenez, mon cher Directeur,
vous ne sauriez croire combien je me sens
soulagé depuis que j'ai écrit les lignes qui
précèdent. Je me trouve d'un libre et d'une
force. Vous allez voir....

Struys se perd. Il est encore temps pour
lui de revenir à de meilleurs errements ;
pourquoi cette recherche de l'originalité rem-
brandesque dans la couleur? Cette mono-
chromie brune n'est point dans la réalité.
Pourquoi ne pas peindre ce que l'on voit et
comme cela est? Les organisations qui ont
une tendance à s'égarer dans les tâtonnements
n'ont qu'une ressource suprême de salvation,
c'est de rentrer de force dans la nature.
M. Impens fait son trou. Sa coloration,
quoique papillotante, a des audaces qu'on
apprécie. Il me semble que ce serait rendre
service à ce jeune peintre que de l'engager à
s'habituer à charger moins sa palette : son
Marché est un véritable feu d'artifice. Ses
autres tableaux plus calmes ont cependant
des lourdeurs regrettables.

Les Portielje forment une tribu des plus
intéressantes. C'est le coloriste qui domine
chez Edward et Jean et, ma foi, à une époque
où la pratique est la préoccupation des ar-
tistes, il faut reconnaître qu'ils ont, comme
on dit dans un monde aussi populaire que
peu distingué, décroché la timballe. Ce n'est
pas qu'ils aient mis la main sur une nouvelle
manière de travailler la pâte, mon Dieu non !
ils ont tout simplement obéi à leur tempé-
rament et il s'est trouvé, qu'à la façon des
vieux maîtres, ils ont des tons puissants qui
se soutiennent dans une harmonie continue
et pleine d'effets brillants non moins que
heureux. Je ne dis pas qu'il n'y a point là
des palettes un peu rutilautes, mais qu'est-ce
que cela fait, l'on ne brille jamais trop. Gé-
rard, dans le Récit d'un Soldat, est de beau-
coup plus faiblot. Néanmoins c'est une œu-
vre de valeur et bien pondérée. Le héros est
d'une belle venue.

M. Van Kemmel, auteur d'un Mariage
en Flandre, devrait soigner son dessin et ne
pas s'emberlificoter dans des sujets au-dessus
de ses forces. ■—■ Un Accident, de Farasyn
nous le montre avec un coup de brosse plus
distingué et plus d'élégance dans la compo-
sition. C'est un progrès considérable; je n'ai
pas vu les deux autres tableaux du même.—

Le Moine et le Novice de Robert, forment
un groupe très naturel et peint dans une
excellente manière. Ce morceau peut être
rangé dans le dessus du panier de l'œuvre
du peintre. J'aime aussi sa Manola à son
balcon ; jolie tête, sourire où elle a mis un
peu de son âme. Je vais probablement frois-
ser certains farceurs de modernistes en dé-
clarant ici que j'aurais un plaisir infini à re-
garder cette délicieuse physionomie, accro-
chée au mur de mon étude, tandis que le
laideron bleu de Manet me dégoûterait pour
toujours du beau sexe. Du reste, je suis par-
faitement tranquille : Robert ne songe pas à
m'envoyer sa charmante création et il se trou-
vera bien quelque part un imbécile pour
offrir à sa cocotte au prix de 10 à i5,ooo
francs, un portrait digne d'elle.

La belle tête du portrait de M. Worms,
par Mlle Roth, a eu les honneurs du salon et
c'était justice malgré le petit ton maladif que
je trouve à la palette de cette artiste. C'est un
peu poussiéreux et j'avoue que je me figure
difficilement que le sang circule là dessous.
En général, je voudrais dans les portraits
réputés excellents un peu plus de la lumi-
neuse qui est en nous. J'y trouve trop l'ar-
tiste et pas assez la créature.

Le Retour de la Campagne est aussi bien
foncé et je me demande ce que celadeviendra
quand cela aura poussé au noir. De Bisson
je lorgne une Convalescente, espèce de Sarah
Bernard dont la tête est très jolie et fort bien
entortillée dans un voile léger. M. Willem
Linnig a exposé un couple au temps du Di-
rectoire visitant l'atelier d'un chaudronnier
célèbre d'Anvers, Geert de Winter. On con-
naît la palette de notre artiste, c'est une sorte
de parti pris d'ocre et de gris mêlés, avec
quelques rehauts, mais tout cela est noyé
dans une atmosphère de vieil atelier qui res-
semble à une buée. Eh bien, il y a un grand
charme à promener ses yeux dans cet inté-
rieur enfumé et mordoré. Les personnages
de M. Linnig sont peut-être un peu gauches,
mais ils intéressent et c'est, en définitive, un
tableau amusant. Je dois signaler par ci par
là, en véritable grognard que je suis, une
touche un peu siropeuse dont l'auteur fera
bien de se débarrasser.

Un artiste bien intéressant c'est M. R. La-
gye. Il a remarqué quelque chose à la cam-
pagne et il a peint cette chose qu'il nous re-
présente sous ce titre original : Voilà ce que
fai vu. N'aurait-il pas pu dire aussi : Voilà
ce que fai rêvé, car à coup sûr il n'a pas vu
la teinte grise qui voile mélancoliquement
son œuvre et lui ôte son relief. Malgré tout
cela, c'est senti, c'est touchant, c'est distingué
au possible et il me semble qu'il y a là-des-
sous une individualité bien tranchée qui
s'annonce. Nous verrons, mais j'ai rarement
rencontré une nature d'artiste se révélant
sous des dehors plus délicats.

Les travaux de M. Aublet ont eu beaucoup

de succès; rien de réussi comme les physio-
nomies, surtout, de la Cérémonie des Der~
viches hurleurs de Scutari.Le tableau est par
lui traité très heureusement et dans un goût
local très bien saisi, mais les têtes de ses Der-
viches sont de petites merveilles de malice,
de finesse et d'expression de tout genre.
Le hasard veut qu'un de ses Derviches res-
semble, à s'y méprendre, à un de nos hono-
rables académiciens belges, lequel à coup sûr
n'a rien du derviche, mais beaucoup du hur-
leur.

M. Godding a traité sur une toile trop
grande un sujet obscur. La femme qui se
jette aux genoux de l'homme ressemble plu-
tôt à une fille repentie qui demande pardon
à son père couroucé qu'à une mère qui a
perdu son enfant. Heureusement que le ber-
ceau est là. Je m'abstiendrai d'adresser des
éloges à ce peintre de peur de l'encourager
dans une voie que je considère comme mau-
vaise pour l'artiste et encombrante pour
l'amateur.

Les cartons peints de Guffens d'après les
grandes peintures d'Ypres et de Courtrai
sont des réductions très bien faites en ce
qu'elles donnent une excellente idée des ori-
ginaux en même temps qu'un échantillon
très juste de la manière magistrale qui fait le
fond du talent de l'artiste. La Mère de Dieu
deJ. L. Hendrix n'est certainement pas ce
qu'il a fait de mieux. La Visite chez la veuve
le jour du terme, par Heyermans, est peinte
avec émotion et dans un style d'une grande
simplicité. J'ai vainement cherché un Temps
contrariant du même auteur. M. Heymans
me paraît systématiser sa manière ; de ses
trois paysages un seul m'a fait un immense
plaisir, c'est sa Mare qui est marquée au
coin d'un véritable génie. Les autres tableaux
sont plats, négligés ; l'a peu près outré peut
être bon dans des études d'atelier mais le pu-
blic exige plus de respect. Le grand paysage
de Keelhof reproduit un Verger des plus
originaux et qui est une trouvaille pour un
artiste. C'est, comme toujours, traité avec l'a-
mour de l'exactitude et de la vérité.

J'arrive à un mort... Emile Keymeulen
qui disparaît de ce monde après avoir jeté
quelques lueurs. Pauvre garçon ! Son talent
avait de la finesse et de la distinction. C'est
quelque chose d'effrayant que le nombre
d'artistes évanouis dans la mort depuis quel-
que temps. Je pourrais dire beaucoup de
choses là-dessus; il vaux mieux se taire.

Le Départ pour la pêche d'Artan n'a pas
l'importance des tableaux que nous connais-
sons de lui. VAutomne d'Asselbergs a de
regrettables lourdeurs ; les deux paysages
valent mieux, notamment son Après midi de
Juin aupetit modave. Le Souvenir des Ar-
dennes de Bullerkotten, dénote un progrès
énorme que je relève avec plaisir. De ce pau-
vre Léonce Chabry nous avons plusieurs
paysages assez corsés mais nullement à la
 
Annotationen