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N° 2.

31 Janvier 1884.

Vingt-sixième Annee.

JOURNAL DES BEAUX-ARTS

ET DE LA LITTÉRATURE.

DIRECTEUR: M. Ad. SIRET.

membre de l'académie roy. de belgique, etc.

paraissant deux fois par mois.

PRIX PAR AN : BELGIQUE : q FRANCS.

étranger : 12 fr.

ADMINISTRATION et CORRESPONDANCE
a s'-nicolas ' (Belgique).

SOMMAIRE. Beaux-Arts : Histoire de voleurs. —
L'Essor (huitième exposition). — Bibliographie.
Livres nouveaux édités par M. Didot.. — Le mo-
nument du baron Taylor. — Le nom de Molière.

— Chronique générale. — Cabinet de la curiosité.

— Annonces.

Beaux-Arts.

HISTOIRES DE VOLEURS.

LE RUYSDAEL DE 22,000 FLORINS.

Ce qui va suivre est le récit d'un fait dont
les acteurs existent encore. Ils ne sont que
deux. L'un est un pauvre et estimable artiste,
qui vit à Anvers: l'autre est un individu
jouissant d'une fortune pouvant s'élever à
Une trentaine de mille florins de revenu. Il
ne fait rien ou plutôt il fait ce que l'on va
voir. Je dois à l'artiste anversois, que nous
Nommerons Antoine, la confidence qu'il m'au-
torise à publier.

Il y a 18 ans, un étranger, amateur de gra-
vures se présenta chez Antoine et lui demanda
à visiter sa collection d'estampes. Les porte-
feuilles se trouvaient placés sur une table au-
dessus de laquelle étaient appendues des
esquisses et des copies de l'artiste, paysagiste
à ses heures. L'une de ces copies était ce fa-
meux Château de Benthem, par Ruysdael,
si souvent copié par l'auteur même, dit-on,
Par son imitateur De Vries et aussi par bon
nombre d'autres. La copie d'Antoine était
admirablement réussie, mais le premier plan
n'était pas terminé et il s'en fallait de deux
ou trois centimètres tout le long du cadre
Partie inférieure. L'inspection des gravures
cessa dès que l'étranger eut aperçu la copie
de notre artiste et il s'en montra amateur
au point de demander à brûle pourpoint
a Antoine s'il voulait la lui céder pour mille
florins. Si notre peintre avait eu la plus
élémentaire finesse, il eût pu exploiter con-
venablement l'envie de l'étranger, mais assez
besoigneux en ce moment, il accepta les
mille florins et lâcha sa copie. Toutefois
l'amateur exigea que le premier plan fut
complètement achevé. Ce qui ne fût pas
long l'artiste ayant souvenance de l'original
qu'il avait jadis copié au Musée Van der
Hoop. De plus les détails insignifiants de
cette partie de l'œuvre étaient assez indiqués
Pour qu'on pût. facilement les parachever.

L'esquisse fut portée par Antoine le lende-
main à l'hôtel où l'amateur étranger était
descendu. On but un verre de vin, l'artiste
reçut son argent et allait se retirer quand
l'étranger lui demanda s'il ne voulait point
lui faire une eau-forte exacte et un peu tra-
vaillée de sa copie. Une nouvelle somme de
mille florins fut offerte comme rémunération
du travail demandé. Notre anversois ne se fit
pas prier et accepta. Seulement on exigeait
que la gravure fût exécutée sous les yeux de
l'acheteur. Cette exigence, qui s'expliqua plus
tard, parut singulière, mais après tout elle
était d'une réalisation facile. Dix jours après,
la gravure était terminée; Antoine et l'étran-
ger se rendirent chez Rizolier qui tira quel-
ques épreuves d'essai. Celles-ci furent soi-
gneusement réunies par notre homme et
il n'en resta pas un seul exemplaire soit
entre les mains de Bizolier, soit entre celles
du graveur. Le cuivre réintégré à l'hôtel fut
déposé sur la table, une épreuve d'essai pla-
cée à côté d'elle et, sous la direction du bi-
zarre amateur, il fut fait sur la plaque les
modifications indiquées. Après quoi on re-
tourna chez Bizolier, l'étranger sortit d'un
portefeuille deux feuilles de vieux papier à
la fortune, moiré de ci de là de quelques
taches d'humidité ; on mouilla ces deux
feuilles et une heure après Bizolier avait tiré
les deux exemplaires. Immédiatement le
cuivre fut poncé à fond et l'amateur, après
avoir réglé son compte, emporta le tout.
Les précautions prises par lui indiquaient
clairement qu'il ne voulait laissér aucune
trace quelconque de la gravure faite d'après
la copie du Château de Benthem de notre
Anversois.

Deux ans après, une grande vente de ta-
bleaux était annoncée dans une des principales
villes de la Néerlande où Antoine se trouvait
accidentellement pour affaires. Le soir du
jour de la vente, étant au café, il fut mis au
courant de la nouvelle à sensation, c'est-à-
dire, la vente pour la Russie, d'un superbe
tableau de Ruysdael, le Château de Benthem
pour la somme de 22,000 florins de Hol-
lande, frais compris. Les habitués du café
s'extasiaient sur ce tableau , sauf un vieil
artiste qui hochait la tête en disant que le
premier plan de ce paysage lui paraissait ré-
cemment refait.

Ici Antoine pâlit. Il alla aux informations.

On lui apporta le catalogue. Il y voit an-
noncé le Château de Benthem par Ruysdael,
tableau admirable qui pouvait être considéré
comme supérieur à celui du Musée Van
der Hoop déjà si universellement renommé.
Notre tableau, laissait entendre le catalogue,
présente cette particularité que le premier
plan offre quelques différences avec celui du
musée V. D. H.

C'est justement ce détail qui proclame
l'authenticité de notre tableau, puisque nous
avons rencontré dans la collection de gra-
vures anciennes de lord R... une estampe
supérieurement gravée du temps de Ruis-
dael et où le premier plan de notre tableau
est exactement reproduit. Cette estampe dont
Weigel ni personne ne parle, sera vendue
avec le tableau.

Le malheureux Antoine comprit l'indigne
supercherie dont il avait involontairement
été le complice. Son amour propre ne l'em-
porta point sur sa conscience. De retour à
Anvers, il alla consulter un avocat qui l'en-
gagea à se tranquilliser et à rester paisible-
ment chez lui. Le seul homme qui pouvait
témoigner que la gravure eût été faite par
Antoine venait de mourir, c'était Bizolier.

Voilà comment une abominable fraude
finement ourdie restera éternellement impu-
nie et cachée. (A suivre.)

L'ESSOR.

HUITIÈME EXPOSITION.

Aimable Vieillard,

Permettez-moi ce vocable, cher Directeur,
dont vous a si justement gratifié M. l'avocat
Picard que vous empêchez, paraît-t-il, de
dormir. Oui, permettez-moi ce vocable qui,
grâce à ce farouche intransigeant politique,
artistique et littéraire, va devenir l'étiquette
de votre personnalité sur la fin d'une longue,
laborieuse et utile carrière ; laissez-moi aussi
adresser mes remerciments à l'auteur de cette
trouvaille et lui souhaiter pour beaucoup
plus tard (car il doit être encore bien jeune)
la reprise pour son propre compte de cette
douce et innocente appellation.

On est toujours heureux de trouver une
entrée en matière. Celle-ci en vaut bien une
autre et je me félicite de ce que les circon-
stances me fournissent l'occasion de placer
 
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