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— 18 —

voulez bien le permettre, vous écrase, mes
enfants! C'est fortement coloré, c'est presque
trop massif et vos soufflures sont bien mai-
grelettes à côté de sa palette plus solide qu'é-
légante. Une autre fois vous ferez bien de
le laisser chez lui plutôt que de l'avoir pour
voisin, surtout M. Heymans dont l'habile
superficialité, (j'ai une peur bleue que cela
ne soit pas français et mon Littré est à la
reliure !) est fortement compromise par ce
dangereux et vigoureux modeleur en pâte.

Encore un vieux ou du moins qui peint
comme eux, avec de l'acquit, de l'œil, et du
sentiment : Jean Delvin. Son Pécheur de
crévettes est d'une franche allure, homme et
cheval, rien d'ignoble, couleur fine, ton pit-
toresque, ciel frais, air ambiant. Mais pour-
quoi diable travailler en grand des sujets si
futiles qu'on ne sait où les placer à moins
qu'on n'en fasse des panneaux de salon.
Alors rien de mieux. J'ai souvent regretté
que la mode se soit affolée des tapisseries
gobelines. Pourquoi ne pas illustrer nos
murailles de grandes peintures à l'huile au
lieu de ces tentures qui font ressembler nos
salons à des chapelles sépulcrales dont les
habitants sont les morts.

J'ai écrit le mot ignoble tout à l'heure,
voici pourquoi : dans des paysages très vrais,
comme impression, signés de MM. Vanaize,
Van Ryselberghe, et Verstraeten, j'ai ren-
contré d'affreux types de paysans, de villa-
geois, de rustres, comme vous voudrez. Est-ce
que par hasard ces artistes n'ont jamais ren-
contré de visages marqués de moindre bes-
tialité? Je sais très bien que la vénusté des
paysannes de Jules Breton, est un rêve gra-
cieux comme la sveltesse des cancalaises de
Feyen-Perin, mais je sais aussi que les jeunes,
en plaçant dans leurs paysages très remarqua-
bles du reste, des acteurs d'allure repoussante,
mentent à la vérité et nuisent à leurs intérêts,
car leur œuvre, quelque parfaite qu'elle est
ou pourrait être, perd toute signification du
moment qu'un motif désagréable s'y laisse
rencontrer. Un beau fruit qui a son disque
de pourriture est dédaigné; une rose qui a
une tache est délaissée : ainsi de vos œuvres,
jeunes amis. Si vous avez une seconde pour
creuser cette vérité, vous verriez, surtout
vous, M. Charles Goethals, qui vous échinez
à rechercher des types d'une effrayante exac-
titude et qui y réussissez grandement, mais
qui donc voudrait avoir continuellement sous
les yeux le spectacle de ces types stupides et
de cette misère affamée? C'est déjà bien assez
de la vérité une seule fois entrevue. Conclu-
sion : faites vrai, soit, mais ne faites pas laid,
parce que : i°Vous ne vendrez pas. 2° Parce
que le public dira que vous ne savez pas faire
beau.

Je garantis une place à vie, dans l'hospice
d'Harscamp, à l'artiste qui me prouvera que
j'ai tort.

Un anglais curieux, :ntéressant, mais irri-

tant au possible, est M. Neill Whistler. Ce
gentlemen peint un portrait gris et vert et il
appelle cela un arrangement. Il arrive ainsi
à faire d'une filette nommée M'!e Alexander
un petit cadavre qui a séjourné trois semaines
dans une mare. Son arrangement en noir
représente un grand portrait de femme dont
le visage réclame impérieusement une lessive
consécutive au beurre ou à la potasse. Le
même gentleman fait un arrangement en
blanc assez voluptueux cette fois, je l'avoue.
De grâce, M. Whistler, faites-nous un arran-
gement au naturel : j'ai dans l'idée que ce
serait très beau.

M. Verhaert est-il un des vôtres ? C'est-à-
dire le comptez-vous parmi les vingt ? Oui ?
eh bien, c'est un faux frère. Il n'a rien de
vos à peu près, de vos brouillards, de vos
ficelles, ni de vos cordes. Chez lui tout est
fini comme dans son Cabaret flamand qui
me rappelle Van Regemorter et le vieux de
Braekeleer ; et aussi ses Joueurs de quilles
où j'ai cru, Dieu me pardonne ! voir passer
l'ombre de Madou. Je vous le répète, cet
homme là n'est point des vôtres, ni M. Si-
tuons non plus. Il y a dans sa façon de com-
prendre le réalisme dans son Vainqueur de
la course aux bœujs, une expression toute
particulière qui le rapproche de Millet, non
par la brosse, mais par l'esprit. Dans sa Rê-
verie je sens une conscience prodigieuse et
une intuition très grande des harmonies de
la nature. Je laisse de côté la petite poupée au
chale rayé; sa personnalité gâte pour moi le
charme de ce doux paysage.

La robe de chambre de M. Sargent doit
être du dernier modèle. La coupe en est
distinguée. —• Les œuvres de Pantazis té-
moignent de plus d'adresse que de goût;
mais, silence, il est mort. — M. de Regoyos
n'est pas encore classé. — M. Liebermann re-
cherche des effets piquants dans sa peinture
industrielle qui n'offre qu'un mince intérêt.
Son Café concert à Munich est une four-
millière de petites têtes qui doivent avoir
demandé beaucoup de travail, beaucoup trop
pour le résultat.

J'ai remarqué de M. Maris, un Après la
pluie très bien compris, mais exécuté à la
diable. M. Mauve, comme son compatriote,
est d'une habileté consommée, mais quel
étrange délaiement de pâte ! Ce sont de ces
choses qu'il faut regarder en clignant les
yeux. A propos de pâte, je dois vous dire
Messieurs, que j'en ai rencontré parmi vous
qui ont une façon bien 'drôle de tripoter la
couleur avec les doigts, avec le couteau, avec
le racloir et même avec de petits quadratins
et,Je Diable m'emporte! comme dit le major
Pendennis, avec de petits moules qui figurent
des pavés, des briques et des mottes de terre.
J'en ai été tout ahuri et au lieu de cligner
des yeux pour mieux voir, je les ai fermés,
afin de ne rien voir du tout.

Mais je vais essayer de finir avec le tube,

puis nous passerons à l'ébauchoir.

Vous, M. Wytsman, vous avez de l'avenir,
vous voyez clair et juste et au lieu de faire
du personnalisme comme vos camarades,
vous faites de l'art. Vous sortirez vainqueur
comme Roseels. Ah ! oui, dans mes fagnes
aussi, j'ai vu les choses que vous avez vues à
Knocke et que l'on voit partout, quand on a
du cœur. Je suis assuré d'une chose, c'est
que ceux qui hantent la nature ne saurait la
peindre qu'avec des larmes dans les yeux.

Pardon, Messieurs les Vingtistes, d'avoir
un instant oublié où j'étais. Continuons en
disant à M. Vogels qu'il a de l'allure et du
sentiment,surtout dans son Effet de pluie ; à
M. Verstraete que lui aussi marche vers une
belle destinée, s'il rompt avec quelques vul-
garismes, et à M. Van Strydonck que son
portrait de dame en noir est d'une grande
aisance et d'un cachet pictural qui a de la
saveur.

Le Job de Gervex est une œuvre très cor-
recte qui nous montre ce peintre sous un jour
plus sérieux. Il y a là la preuve de fortes, de
consciencieuses études, messieurs les Ving-
tistes, regardez bien et... réfléchissez.

Pour moi l'œuvrre maîtresse de cette exhi-
bition est le tableau de Willy Schlobach •
Les braconniers au bord de la mer. L'im-
pression est d'une fraîcheur communicative,
cette mer qui déferle au loin sur la grève, ce
braconnier les mains dans les poches dont la
position du corps donne bien le sentiment
d'une matinée froide, sa silhoutte profilée
sur un ciel frais et lumineux, tout cela est
d'une naïveté et d'un sentiment très person-
nel, très puissant et qui nous saisit. L'effet
de lune du même est exactement rendu. Les
autres tableaux de M. Schlobach se font va-
loir par des habiletés de touche qui se peu-
vent apprécier par des praticiens mais, dans
le fond, très peu remarquées parla foule.

Le Repas de M. Israels m'a paru peint
par un procédé qui n'est pas précisément de
la simplicité, ce sont toutes couleurs super-
posées formant après tout un ensemble de
tons plus vigoureux que vrais. Je n'ai jamais
rencontré dans la nature des intérieurs om-
brés comme ceux d'Israels. C'est amusant et
même émotionnant à voir, mais c'est faux-
Je signale en passant un portrait de M. Tho-
mas Vinçotte.

L'immortalité de M. De Vigne est très
pure de contours et d'une allure géniale.
C'est de la sculpture antique et... classique.
Si quelque chose m'étonne, c'est de la ren-
contrer dans un milieu qui tient plus de la
mare que du ciel. Après tout, le contraste
donne plus d'accentuation à l'œuvre. A ce
titre M. De vigne a fait preuve d'habileté efl
exposant ici son Immortalité, destinée aU
musée de Bruxelles. Le buste de Victor Hugo
a de la puissance. C'est un peu tourmenté, |
comme le modèle lui-même du reste ; c'est
ce qu'a voulu peut être M. Rodin. Les Lut'
 
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