LES CHARITES
I
Le Rig-Véda nomme haritas les cavales que le Soleil attelle à son
char, personnification des rayons du soleil lui-même. Les Charités grec-
ques sont également des rayons du soleil; et cependant, malgré l’iden-
tité des noms et des fonctions, les Charités ne peuvent dériver des
haritas. Car si les dieux, dans l’imagination mobile des premiers
peuples, apparaissent un instant sous la forme animale, et, parmi les
animaux, choisissent ceux qui rappellent au plus haut degré leur
énergie propre, la réciproque n’est pas vraie, et les êtres subalternes
ne peuvent jamais s’élever au rang des dieux. Une telle transfor-
mation serait sans raison et sans utilité. La notion de l’être divin
reste en effet complète et identique sous une forme inférieure, tandis
que la notion de l’être inférieur se dénaturerait et se perdrait en
s’élevant à la divinité. Odin reste Odin sous la forme d’un loup;
Fenris ne peut prendre la figure d’Odin. lo peut être changée en
vache, sans qu’une vache puisse jamais devenir Io. Zeus se méta-
morphosera en cygne, en taureau, en pluie d’or, sans que rien de
cela puisse devenir Zeus. 11 suffit donc que la notion première des
haritas ait été celle de cavales pour que leur développement my-
thique fût borné cà ce rôle. Ainsi, malgré l’apparente progression
qu’offrent les épithètes qui les caractérisent : belles, joyeuses, au dos
charmant, à la croupe flexible, malgré leurs ailes et le nom de Sœurs
qui leur est donné une fois (1), elles sont restées et devaient rester
cavales. De même les chevaux de Hélios et d’Aurore, qui sont aussi
des rayons du soleil (2), restent chevaux dans la mythologie grecque.
(1) Rig-Veda, tract. Langlois, tome II, p. 321; III, 118; I, 66 ; II, 129. Conf.
M. Max Millier, Mythol. comp., p. 93.
(2) Hom., Od. XXIII, 245 : « Les chevaux de l’Aurore apportent la lumière aux
I
Le Rig-Véda nomme haritas les cavales que le Soleil attelle à son
char, personnification des rayons du soleil lui-même. Les Charités grec-
ques sont également des rayons du soleil; et cependant, malgré l’iden-
tité des noms et des fonctions, les Charités ne peuvent dériver des
haritas. Car si les dieux, dans l’imagination mobile des premiers
peuples, apparaissent un instant sous la forme animale, et, parmi les
animaux, choisissent ceux qui rappellent au plus haut degré leur
énergie propre, la réciproque n’est pas vraie, et les êtres subalternes
ne peuvent jamais s’élever au rang des dieux. Une telle transfor-
mation serait sans raison et sans utilité. La notion de l’être divin
reste en effet complète et identique sous une forme inférieure, tandis
que la notion de l’être inférieur se dénaturerait et se perdrait en
s’élevant à la divinité. Odin reste Odin sous la forme d’un loup;
Fenris ne peut prendre la figure d’Odin. lo peut être changée en
vache, sans qu’une vache puisse jamais devenir Io. Zeus se méta-
morphosera en cygne, en taureau, en pluie d’or, sans que rien de
cela puisse devenir Zeus. 11 suffit donc que la notion première des
haritas ait été celle de cavales pour que leur développement my-
thique fût borné cà ce rôle. Ainsi, malgré l’apparente progression
qu’offrent les épithètes qui les caractérisent : belles, joyeuses, au dos
charmant, à la croupe flexible, malgré leurs ailes et le nom de Sœurs
qui leur est donné une fois (1), elles sont restées et devaient rester
cavales. De même les chevaux de Hélios et d’Aurore, qui sont aussi
des rayons du soleil (2), restent chevaux dans la mythologie grecque.
(1) Rig-Veda, tract. Langlois, tome II, p. 321; III, 118; I, 66 ; II, 129. Conf.
M. Max Millier, Mythol. comp., p. 93.
(2) Hom., Od. XXIII, 245 : « Les chevaux de l’Aurore apportent la lumière aux