BULLETIN MENSUEL
DE L’ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
MOIS D’AOUT.
Rapport fait à l'Académie des inscriptions et belles-lettres au nom de la
Commission des antiquités de la France, par M. Alfred Maury.
Les lettres savantes sont exposées aux mômes vicissitudes que la poésie et les arts.
Il arrive souvent qu’à la longue leur culture s’affaiblit et s’épuise. A des époques
brillantes et fécondes où les chefs-d’œuvre, les créations vraiment originales, appa-
raissent de toute part, succèdent des moments de paresse et d’atonie durant lesquels
la curiosité se détourne des recherches solides, où l’on ne rencontre plus que des
compositions superficielles et stériles. Après un demi-siècle d’efforts persévérants
pour l’étude de nos antiquités, on pouvait craindre que l’ardeur ne se ralentît, que la
popularité n’abandonnât un ordre de travaux qui avait d’abord excité tant d’enthou-
siasme. Heureusement aucun symptôme n’est venu justifier ces appréhensions, et
nous sommes loin, Dieu merci, d’une période de déclin.
L’abondance des ouvrages qui nous sont parvenus en 1862 montre que l’archéologie
et l’histoire nationales gardent toujours le privilège d’attirer les esprits sérieux.
Soixante-quinze livres ou Mémoires vousont été adressés; le chiffre assez élevé de dis-
tinctions que nous vous proposons d’accorder vous est la preuve qu’entre ces envois
un grand nombre sont dignes de votre estime et de vos encouragements.
Si les antiquités nationales n’ont rien perdu de l’intérêt qu’elles inspirent, si elles
continuent à trouver d’aussi sagaces, d’aussi diligents interprètes, des changements
se manifestent pourtant quant au choix, à la nature des sujets traités. L’influence des
tendances et des prédilections du temps s’y fait sentir. C’est ainsi que l’histoire des
institutions économiques, de l’industrie, des classes laborieuses a pris, aujourd’hui,
une plus grande place que dans les premiers concours. Aussi rencontrons-nous, cette
année comme l’année dernière, entre les plus méritants, un travail qui a pour objet
l’histoire du commerce.
M. A. Germain, correspondant de l’Académie, nous a présenté une Histoire du
commerce de Montpellier antérieurement à l’ouverture du port de Cette. C’était, là
un chapitre encore inédit de l’histoire générale de notre commerce. Montpellier fut,
en effet, l’une des premières places commerciales de la France au moyen âge. Non-
seulement, aux treizième et quatorzième siècles, ses marchés attiraient des hommes
des contrées les plus éloignées; non-seulement les transactions y avaient atteint un
développement inconnu à la plupart de nos autres villes, mais le commerce y était à
ce point entouré de considération et de privilèges qu’il monopolisait les fonctions mu-
nicipales; l’agriculture était subordonnée à ses exigences et à ses besoins. Il n’est pas
DE L’ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
MOIS D’AOUT.
Rapport fait à l'Académie des inscriptions et belles-lettres au nom de la
Commission des antiquités de la France, par M. Alfred Maury.
Les lettres savantes sont exposées aux mômes vicissitudes que la poésie et les arts.
Il arrive souvent qu’à la longue leur culture s’affaiblit et s’épuise. A des époques
brillantes et fécondes où les chefs-d’œuvre, les créations vraiment originales, appa-
raissent de toute part, succèdent des moments de paresse et d’atonie durant lesquels
la curiosité se détourne des recherches solides, où l’on ne rencontre plus que des
compositions superficielles et stériles. Après un demi-siècle d’efforts persévérants
pour l’étude de nos antiquités, on pouvait craindre que l’ardeur ne se ralentît, que la
popularité n’abandonnât un ordre de travaux qui avait d’abord excité tant d’enthou-
siasme. Heureusement aucun symptôme n’est venu justifier ces appréhensions, et
nous sommes loin, Dieu merci, d’une période de déclin.
L’abondance des ouvrages qui nous sont parvenus en 1862 montre que l’archéologie
et l’histoire nationales gardent toujours le privilège d’attirer les esprits sérieux.
Soixante-quinze livres ou Mémoires vousont été adressés; le chiffre assez élevé de dis-
tinctions que nous vous proposons d’accorder vous est la preuve qu’entre ces envois
un grand nombre sont dignes de votre estime et de vos encouragements.
Si les antiquités nationales n’ont rien perdu de l’intérêt qu’elles inspirent, si elles
continuent à trouver d’aussi sagaces, d’aussi diligents interprètes, des changements
se manifestent pourtant quant au choix, à la nature des sujets traités. L’influence des
tendances et des prédilections du temps s’y fait sentir. C’est ainsi que l’histoire des
institutions économiques, de l’industrie, des classes laborieuses a pris, aujourd’hui,
une plus grande place que dans les premiers concours. Aussi rencontrons-nous, cette
année comme l’année dernière, entre les plus méritants, un travail qui a pour objet
l’histoire du commerce.
M. A. Germain, correspondant de l’Académie, nous a présenté une Histoire du
commerce de Montpellier antérieurement à l’ouverture du port de Cette. C’était, là
un chapitre encore inédit de l’histoire générale de notre commerce. Montpellier fut,
en effet, l’une des premières places commerciales de la France au moyen âge. Non-
seulement, aux treizième et quatorzième siècles, ses marchés attiraient des hommes
des contrées les plus éloignées; non-seulement les transactions y avaient atteint un
développement inconnu à la plupart de nos autres villes, mais le commerce y était à
ce point entouré de considération et de privilèges qu’il monopolisait les fonctions mu-
nicipales; l’agriculture était subordonnée à ses exigences et à ses besoins. Il n’est pas