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REVUE ARCHEOLOGIQUE.
Ici comme à Pont-Saini-Martin, il faut s’affliger et déplorer le peu
de respect des ingénieurs piémontais envers des monuments histo-
riques de cette importance. Pour faciliter les travaux de la route
nouvelle qui passe au-dessous de la voie romaine, ils ont entamé la
base de cette superbe arcade, sans penser qu’en l’affaiblissant ainsi
on en pouvait précipiter la ruine. Cependant, Turin possède bon
nombre de savants archéologues, fiers à juste titre des monuments
de leur pays. Puisse cet écrit passer sous leurs yeux et les décider à
s’opposer de tout leur pouvoir à d’aussi tristes mutilations!
A l’entrée de la bourgade de Bard, du côté du nord-ouest, on
voyait, il n'y a pas encore deux ans, une arcade semblable à celles
dont nous parlerons plus loin. L’arcade de Bard était bâtie en grand
appareil, avec des matériaux de premier choix; la voie passait là,
cette arcade faisait partie du mur de soutènement. Maintenant il ne
l’este plus rien; ces ingénieurs, dont nous constations l’imprudence
il n’y a qu’un instant, ont jugé à propos de faire sauter toute cette
partie de la muraille antique, afin de ne pas détourner de quelques
mètres le tracé de la route neuve.
De Bard à Yerrès « Vitricium, » petite ville bâtie sur l’emplace-
ment de la station romaine, on ne rencontre aucun vestige de la
voie; de Yerrès jusqu’au défilé de Mont-Jovet, même incertitude,
même absence de toute-trace. Il est à croire cependant que la voie
antique ne suivait pas la gorge étroite où s’engage la route actuelle,
construite en 1771 par les ordres du roi Charles-Emmanuel III, à
travers un chaos de rochers énormes, sur le bord d’un précipice ef-
frayant. La voie romaine passait, selon toutes les probabilités, sur le
plateau d’Émarèse qui domine le défilé de Mont-Jovet, vers l’est.
Nous nous permettons cette supposition en présence des découvertes
que l’on a faites à diverses reprises dans le sol de cette plaine élevée.
On y a trouvé des traces non équivoques de constructions antiques,
des quantités de poteries brisées, et huit ou dix statuettes en
bronze (1). Des débris de cette nature ne peuvent guère avoir ap-
partenu qu’au mobilier de riches villas; or chacun sait que les
Romains fixaient volontiers leurs demeures de campagne à proximité
des grandes routes.
A peu près à mi-chemin entre la gorge de Mont-Jovet et le bourg
de Saint-Vincent, on rencontre les ruines d’un pont sur lequel la
(1) L’une de ces statuettes représente un affranchi coiffé du » Pileus;'» elle est
conservée à Aoste clans la collection de M. le prieur Gai.
REVUE ARCHEOLOGIQUE.
Ici comme à Pont-Saini-Martin, il faut s’affliger et déplorer le peu
de respect des ingénieurs piémontais envers des monuments histo-
riques de cette importance. Pour faciliter les travaux de la route
nouvelle qui passe au-dessous de la voie romaine, ils ont entamé la
base de cette superbe arcade, sans penser qu’en l’affaiblissant ainsi
on en pouvait précipiter la ruine. Cependant, Turin possède bon
nombre de savants archéologues, fiers à juste titre des monuments
de leur pays. Puisse cet écrit passer sous leurs yeux et les décider à
s’opposer de tout leur pouvoir à d’aussi tristes mutilations!
A l’entrée de la bourgade de Bard, du côté du nord-ouest, on
voyait, il n'y a pas encore deux ans, une arcade semblable à celles
dont nous parlerons plus loin. L’arcade de Bard était bâtie en grand
appareil, avec des matériaux de premier choix; la voie passait là,
cette arcade faisait partie du mur de soutènement. Maintenant il ne
l’este plus rien; ces ingénieurs, dont nous constations l’imprudence
il n’y a qu’un instant, ont jugé à propos de faire sauter toute cette
partie de la muraille antique, afin de ne pas détourner de quelques
mètres le tracé de la route neuve.
De Bard à Yerrès « Vitricium, » petite ville bâtie sur l’emplace-
ment de la station romaine, on ne rencontre aucun vestige de la
voie; de Yerrès jusqu’au défilé de Mont-Jovet, même incertitude,
même absence de toute-trace. Il est à croire cependant que la voie
antique ne suivait pas la gorge étroite où s’engage la route actuelle,
construite en 1771 par les ordres du roi Charles-Emmanuel III, à
travers un chaos de rochers énormes, sur le bord d’un précipice ef-
frayant. La voie romaine passait, selon toutes les probabilités, sur le
plateau d’Émarèse qui domine le défilé de Mont-Jovet, vers l’est.
Nous nous permettons cette supposition en présence des découvertes
que l’on a faites à diverses reprises dans le sol de cette plaine élevée.
On y a trouvé des traces non équivoques de constructions antiques,
des quantités de poteries brisées, et huit ou dix statuettes en
bronze (1). Des débris de cette nature ne peuvent guère avoir ap-
partenu qu’au mobilier de riches villas; or chacun sait que les
Romains fixaient volontiers leurs demeures de campagne à proximité
des grandes routes.
A peu près à mi-chemin entre la gorge de Mont-Jovet et le bourg
de Saint-Vincent, on rencontre les ruines d’un pont sur lequel la
(1) L’une de ces statuettes représente un affranchi coiffé du » Pileus;'» elle est
conservée à Aoste clans la collection de M. le prieur Gai.