SUR UNE STATUE DE LA COLLECTION BARRACCO
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nommerai que la statue n° 100 du Vatican (musée égyptien)1, et le sarcophage de Pet-
har-si-ese à Berlin, qui nous montre la déesse Hathor2.
Il existe clans la statuaire égyptienne une troisième forme du sein qui est fréquente
dans les représentations de la déesse Ta-ourt et du Nil androgyne. C'est le sein pendant,
qui est usuel clans l'art éthiopique3, et se trouve aussi sur les stèles de la basse époque1.
Parmi les humains ce sont surtout les négresses qui l'ont5. Une petite statuette age-
nouillée de Tell el Amarna semble représenter une esclave éthiopienne des guerres
d'Afrique de Khounaten \ Il me semble probable que cette forme du sein fut d'abord usitée
pour faire connaître les négresses7, et que plus tard seulement on l'adopta pour le
cas où on voulait accentuer les formes féminines, comme clans les statues androgynes.
Si ce raisonnement est juste, il faudrait reconnaître une esclave nègre clans une des
femmes assises au métier qui sont figurées dans le tombeau de Khnoumhtp. C'est la plus
ancienne représentation que je connaisse du sein pendant8. Il est curieux de voir appa-
raître la même forme des seins sur une peinture d'un vase grec de la fin do VIe siècle,
où le peintre veut représenter une femme barbare libyenne9. En effet, le sein pendant
est caractéristique pour les Africaines10.
Tout cela s'applique, autant que je sache, aussi aux reliefs, de sorte que ce n'est pas
seulement un progrès de technique, mais surtout de la conception artistique qu'il faut
voir dans ce développement. Outre la poitrine, c'est la tête qui nous frappe. Les yeux
étaient rapportés autrefois, comme cela se trouve assez souvent pourjles statues en bois et en
calcaire11. Alors l'œil est quelquefois composé de diverses pierres et d'une pupille en argent,
ou est formé par un cadre en cuivre incrusté d'émail. Mais pour les statues en matières
dures ni Perrot-Chipiez ni la notice des principaux monuments au Musée de Gizeh ne
citent un exemple antérieur au Nouvel-Empire. La plus ancienne statue en pierre dure
aux yeux rapportés, que je connaisse, date du Moyen-Empire. J'entends les têtes de
Bubastis12, que M. Naville attribue aux Hyksos et qui sont certainement du Moyen-
Empire. Sans doute le vide de leurs yeux était rempli autrefois d'émail ou d'une pierre
brillante : il suffit bien de peindre les contours des yeux vicies, lorsqu'il s'agit d'une
statuette13, maispaspour un colosse. D'où vient cette nouvelle manière de traiter les yeux?
On n'a pas besoin d'aller jusqu'en Asie, où d'ailleurs les yeux'rapportés sont assez rares
1. Voir ci-contre, sur la planche II, il g. 3.
2. N° 31.
3. Autel de Benaga à Berlin 7261, cf. LEpsius, Dsnkm., V, 41, 44.
4. Par exemple la stèle jEg. Zeit. 1877, t. I.
5. L., D., 111, 116-118, tombeau de Hui.
6. Pétrie, Tell cl Amarna, pl. XVII, 292.
7. Ta-ourt elle-même paraît être une divinité africaine, voir Wiedemann, Religiorvd. /Eg., p. 88.
8. Maspero, Histoire ancienne de l'Orient, t. I, p. 321. La publication de Newbkrry, Benihassan, t. 1,
pl. 29, ne laisse pas bien distinguer ce détail.
9. Athen. Mit., XVI. t. 9, p. 302. C'est M. le professeur Lœschcke qui m'a fait observer qu'il n'y a pas de
raison pour y voir Lamia : ce n'est qu'une femme barbare.
10. Comment faut-il expliquer le sein pendant chez la.princesse Bekt-aten ? L. D., III,_100.
11. Par exemple le scribe du Louvre, le Sheikh el beled, le groupe N" 10123 du Vlusée de Berlin, tous de
l'Ancien-Empire, Arundale-Bonomi, Gall. of A ntiquities, t. I, pl. 46. XIXe dynastie.
12. Naville, Bubastis, pl. I, X, XI.
13. Par exemple Berlin 10661.
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nommerai que la statue n° 100 du Vatican (musée égyptien)1, et le sarcophage de Pet-
har-si-ese à Berlin, qui nous montre la déesse Hathor2.
Il existe clans la statuaire égyptienne une troisième forme du sein qui est fréquente
dans les représentations de la déesse Ta-ourt et du Nil androgyne. C'est le sein pendant,
qui est usuel clans l'art éthiopique3, et se trouve aussi sur les stèles de la basse époque1.
Parmi les humains ce sont surtout les négresses qui l'ont5. Une petite statuette age-
nouillée de Tell el Amarna semble représenter une esclave éthiopienne des guerres
d'Afrique de Khounaten \ Il me semble probable que cette forme du sein fut d'abord usitée
pour faire connaître les négresses7, et que plus tard seulement on l'adopta pour le
cas où on voulait accentuer les formes féminines, comme clans les statues androgynes.
Si ce raisonnement est juste, il faudrait reconnaître une esclave nègre clans une des
femmes assises au métier qui sont figurées dans le tombeau de Khnoumhtp. C'est la plus
ancienne représentation que je connaisse du sein pendant8. Il est curieux de voir appa-
raître la même forme des seins sur une peinture d'un vase grec de la fin do VIe siècle,
où le peintre veut représenter une femme barbare libyenne9. En effet, le sein pendant
est caractéristique pour les Africaines10.
Tout cela s'applique, autant que je sache, aussi aux reliefs, de sorte que ce n'est pas
seulement un progrès de technique, mais surtout de la conception artistique qu'il faut
voir dans ce développement. Outre la poitrine, c'est la tête qui nous frappe. Les yeux
étaient rapportés autrefois, comme cela se trouve assez souvent pourjles statues en bois et en
calcaire11. Alors l'œil est quelquefois composé de diverses pierres et d'une pupille en argent,
ou est formé par un cadre en cuivre incrusté d'émail. Mais pour les statues en matières
dures ni Perrot-Chipiez ni la notice des principaux monuments au Musée de Gizeh ne
citent un exemple antérieur au Nouvel-Empire. La plus ancienne statue en pierre dure
aux yeux rapportés, que je connaisse, date du Moyen-Empire. J'entends les têtes de
Bubastis12, que M. Naville attribue aux Hyksos et qui sont certainement du Moyen-
Empire. Sans doute le vide de leurs yeux était rempli autrefois d'émail ou d'une pierre
brillante : il suffit bien de peindre les contours des yeux vicies, lorsqu'il s'agit d'une
statuette13, maispaspour un colosse. D'où vient cette nouvelle manière de traiter les yeux?
On n'a pas besoin d'aller jusqu'en Asie, où d'ailleurs les yeux'rapportés sont assez rares
1. Voir ci-contre, sur la planche II, il g. 3.
2. N° 31.
3. Autel de Benaga à Berlin 7261, cf. LEpsius, Dsnkm., V, 41, 44.
4. Par exemple la stèle jEg. Zeit. 1877, t. I.
5. L., D., 111, 116-118, tombeau de Hui.
6. Pétrie, Tell cl Amarna, pl. XVII, 292.
7. Ta-ourt elle-même paraît être une divinité africaine, voir Wiedemann, Religiorvd. /Eg., p. 88.
8. Maspero, Histoire ancienne de l'Orient, t. I, p. 321. La publication de Newbkrry, Benihassan, t. 1,
pl. 29, ne laisse pas bien distinguer ce détail.
9. Athen. Mit., XVI. t. 9, p. 302. C'est M. le professeur Lœschcke qui m'a fait observer qu'il n'y a pas de
raison pour y voir Lamia : ce n'est qu'une femme barbare.
10. Comment faut-il expliquer le sein pendant chez la.princesse Bekt-aten ? L. D., III,_100.
11. Par exemple le scribe du Louvre, le Sheikh el beled, le groupe N" 10123 du Vlusée de Berlin, tous de
l'Ancien-Empire, Arundale-Bonomi, Gall. of A ntiquities, t. I, pl. 46. XIXe dynastie.
12. Naville, Bubastis, pl. I, X, XI.
13. Par exemple Berlin 10661.
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