N° 22. - 1909. BUREAUX ; 106, BÔULEVÀRD SAINT-GERMAIN (6e) 26 Mai.
LA
CHRONIQUE DES ARTS
ET DE LA CURIOSITÉ
SUPPLÉMENT A LA GAZETTE DES BEAUX-ARTS
PARAISSANT U SAMEDI MATIN
Lej abonnis à la Gazette des Beaux-Arts reçoivent gratuitement la Chronique des Arts et de H Curiosité
Prix de l’abonnement pour un an
Paris, Seine et Seine-et-Oise. ... 10 fr. Étranger (Etats faisant partie de
Départements. 12 fr. l’Union postale). 15 fr.
Le Nviméro O fr. 25
PROPOS DU JOUR
IpWjvV^ANS notre temps, où l’on aime si
^°rt r®o^ernen*'er) et °ù on Ie fait
souvent hors de propos, il y au-
rait une activité à modérer : c’est
celle des comités qui élèvent des monuments.
Elle est terrible; elle commence de devenir
intolérable, et l’historien notera comme un
des traits de l’époque l’amour désordonné
des statues.
Si cette idolâtrie s’appliquait au passé, elle
aurait ses avantages ; elle nous épargnerait
sans doute ces vandalismes que nous déplo-
rons tous les jours; elle commanderait le
respect des oeuvres d’art. Mais la manie mo-
derne du monument n’a rien d’esthétique.
Elle s’inspire de préoccupations d’où le souci
de la sculpture est absent ; elle est plus faite
pour satisfaire les vivants qui honorent que
les hommes disparus à honorer; elle se ma-
nifeste selon les commodités des organisa-
teurs de cérémonies, et d’autant plus fréquem-
ment qu’il faut souvent se hâter de consacrer
une gloire apparente avant qu’elle ne s’éclipse.
Nous assistons même ces jours-ci, à un évé-
nement inédit : un poète vivant est invité à
l’inauguration de sa propre statue. Celui-là,
il est vrai, mérite tous les hommages et sourit
de cette image qui, lui présent, lui fait con-
currence. Mais quel précédent ! et que devien-
dront les places, les rues, les squares et les
jardins, si la mode s’établit de donner préma-
turément aux hommes leur double de marbre
ou de bronze !
Il ne doit pas être impossible d’arrêter cette
barbare invasion de statues. Un humoriste
proposait de les frapper d’un impôt, que les
comités organisateurs devraient acquitter, et
peut-être cette source de revenus n’est-elie
I pas négligeable. Mais pourquoi n’obligerait-
on pas les amateurs de monuments à atten-
dre un certain nombre d’années?
Les toiles les plus célèbres n’t ntrent pas au
musée du Louvre avant que certains délais
soient révolus. Il n’y aurait nul obstacle à ce
qu’un stage fût imposé aussi aux statues ; com-
bien de gloires d’arrondissement n’auraient
pas encombré les places publiques si quelque
loi tuiélaire les avait forcées d’attendre vingt
ans avant d’obtenir un monument !
NOUVELLES
*** Outre les dons que nous avons annoncés
dans notre dernier numéro, M. Piet-Lataudrie
a légué au Louvre son portrait par Bastien-
Lepage.
*** M. Dujardin-Beaumetz a décidé d’ex-
poser dans le palais de Versailles trente et un
magnifiques tapis de la Savonnerie qui ap-
partiennent au Garde-Meuble, ainsi qu'une
très belle série de gobelins.
Les tapis seront disposés dans le grand ap-
partement et dans la galerie des Glaces, Ses
tapisseries dans le salon d’Hercule, la cha-
pelle et la galerie des Rois.
*** M. Dujardin-Beaumetz, sous-secrétaire
d’Etat des Beaux-Arts, a inauguré samedi
dernier, à la Malmaison, l’exposition des
étoffes'd’ameublement que Napoléon avait
commandées pour la décoration des palais
impériaux.
*** Le Musée Carnavalet va s’enrichir de
toute une riche documentation relative à un
point particulièrement intéressant de l’his-
toire de Paris: la reconstruction de la colonne
Vendôme après la Commune.
C’est à l’architecte Alfred Normand, récem-
ment décédé, qu’on avait confié cette recons-
truction, et il en avait gardé un dossier des
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souvent hors de propos, il y au-
rait une activité à modérer : c’est
celle des comités qui élèvent des monuments.
Elle est terrible; elle commence de devenir
intolérable, et l’historien notera comme un
des traits de l’époque l’amour désordonné
des statues.
Si cette idolâtrie s’appliquait au passé, elle
aurait ses avantages ; elle nous épargnerait
sans doute ces vandalismes que nous déplo-
rons tous les jours; elle commanderait le
respect des oeuvres d’art. Mais la manie mo-
derne du monument n’a rien d’esthétique.
Elle s’inspire de préoccupations d’où le souci
de la sculpture est absent ; elle est plus faite
pour satisfaire les vivants qui honorent que
les hommes disparus à honorer; elle se ma-
nifeste selon les commodités des organisa-
teurs de cérémonies, et d’autant plus fréquem-
ment qu’il faut souvent se hâter de consacrer
une gloire apparente avant qu’elle ne s’éclipse.
Nous assistons même ces jours-ci, à un évé-
nement inédit : un poète vivant est invité à
l’inauguration de sa propre statue. Celui-là,
il est vrai, mérite tous les hommages et sourit
de cette image qui, lui présent, lui fait con-
currence. Mais quel précédent ! et que devien-
dront les places, les rues, les squares et les
jardins, si la mode s’établit de donner préma-
turément aux hommes leur double de marbre
ou de bronze !
Il ne doit pas être impossible d’arrêter cette
barbare invasion de statues. Un humoriste
proposait de les frapper d’un impôt, que les
comités organisateurs devraient acquitter, et
peut-être cette source de revenus n’est-elie
I pas négligeable. Mais pourquoi n’obligerait-
on pas les amateurs de monuments à atten-
dre un certain nombre d’années?
Les toiles les plus célèbres n’t ntrent pas au
musée du Louvre avant que certains délais
soient révolus. Il n’y aurait nul obstacle à ce
qu’un stage fût imposé aussi aux statues ; com-
bien de gloires d’arrondissement n’auraient
pas encombré les places publiques si quelque
loi tuiélaire les avait forcées d’attendre vingt
ans avant d’obtenir un monument !
NOUVELLES
*** Outre les dons que nous avons annoncés
dans notre dernier numéro, M. Piet-Lataudrie
a légué au Louvre son portrait par Bastien-
Lepage.
*** M. Dujardin-Beaumetz a décidé d’ex-
poser dans le palais de Versailles trente et un
magnifiques tapis de la Savonnerie qui ap-
partiennent au Garde-Meuble, ainsi qu'une
très belle série de gobelins.
Les tapis seront disposés dans le grand ap-
partement et dans la galerie des Glaces, Ses
tapisseries dans le salon d’Hercule, la cha-
pelle et la galerie des Rois.
*** M. Dujardin-Beaumetz, sous-secrétaire
d’Etat des Beaux-Arts, a inauguré samedi
dernier, à la Malmaison, l’exposition des
étoffes'd’ameublement que Napoléon avait
commandées pour la décoration des palais
impériaux.
*** Le Musée Carnavalet va s’enrichir de
toute une riche documentation relative à un
point particulièrement intéressant de l’his-
toire de Paris: la reconstruction de la colonne
Vendôme après la Commune.
C’est à l’architecte Alfred Normand, récem-
ment décédé, qu’on avait confié cette recons-
truction, et il en avait gardé un dossier des