N° 30. - 1909. BUREAUX : io6, BOULEVARD SAINT-GERMAIN (6e) 25 Décembre.
LA
CHRONIQUE DES ARTS
ET DE LA CURIOSITÉ
SUPPLÉMENT A LA GAZETTE DES BEAUX-ARTS
PARAISSANT LC SAMCDI MATIN
Les abonnis à. la Gazette des Beaux-Arts reçoivent gratuitement la Chronique des Arts et de la Curiosité
Prix de l’abonnement pour un an
Paris, Seine et Seine-et-Oise. ... 10 fr. Étranger (Etats faisant partie de
Départements. 12 fr. l’Union postale). 15 fr.
I-.* Isru.m.ôro : O tr. 25
PROPOS DU JOUR
(oici que le vandalisme s’attaque à
la Ville Éternelle. Malgré des con-
cessions à la vie moderne, malgré
l’apparition de tramways et de
bâtisses neuves, Rome demeurait elle-même,
et sa beauté, aux yeux de ses habitants, de ses
administrateurs, de ses architectes était in-
tangible. Le culte de tout ce qui fait la gloire
incomparable de la Ville y semblait inné. Le
passé s’y parait de quelque chose de sacré.
Mais une municipalité nouvelle a résolu de
rompre brutalement avec ces longues et admi-
rables traditions.
Il est question simplement de corriger le
Capitole. On sait que les trois palais qui
s’élèvent aujourd’hui sur l’antique colline ont
été construits d’après les plans que Paul III
avait demandés à Michel-Ange, ils forment
entre le Forum et l’ancien Champ de Mars
un imposant ensemble encadrant la place où
se dresse la statue de Marc-Aurèle. Or la mu-
nicipalité a découvert que depuis des siècles,
il existe entre ces palais une solution de con-
tinuité, et cette pensée lui est insupportable.
Elle prétend améliorer Michel-Ange en reliant
solidement les palais entre eux par une bâ-
tisse définitive. Il faut dire qu’à l’occasion de
certaines fêtes et pour des commodités parti-
culières, on réunit parfois les palais par des
arrangements provisoires qui disparaissent
aussitôt. Personne n’avait songé à renouveler
ce faux décor. La municipalité prétend en
faire une œuvre définitive à l’occasion de
l’Exposition Universelle de 1911.
Cette nouvelle a produit dans Rome un
scandale considérable. A peine connue elle a
soulevé les Romains qui ont l’amour de leur
ville. Tout ce qui porte un nom en Italie dans
le monde, dans les lettres, dans les arts, a
protesté et proteste encore. C’est du Nord au
Midi une immense clameur contre la munici-
palité vandale. Elle a été entendue hors des
frontières d’Italie, et nulle part elle ne pou-
vait mieux émouvoir que dans notre pays où
l’éducation nous dispose à comprendre et à
sentir tout ce qui touche Rome. Au nom du
bon sens et du goût, il faut qu’en tous pays
civilisés s’élève une plainte indignée, il faut
que le Campidoglio demeure tel qu’il fut
dans la pensée de Michel-Ange.
NOUVELLES
*** M. Auguste Rodin vient d’être chargé
par l’administration des Beaux-Arts de pein-
dre à fresque l’une des salles du futur musée
du Luxembourg que l’on doit installer dans
l’ancien séminaire de Saint-Sulpice.
*** L’Etat a demandé au peintre Cormon,
membre de l’Institut, pour la décoration des
salons de notre ambassade à Berlin, une suite
de six grands panneaux représentant Les
Châteaux de France, en imitation de la célè-
bre suite de Le Brun.
M. Cormon vient de terminer deux de ces
panneaux : Chantilly et Pau. Les quatre au-
tres représenteront les châteaux d’If, d’Am-
boise, de Josselin, et le Petit Trianon. Ces
peintures devaient servir de cartons pour les
Gobelins et être reproduites en tapisseries ;
mais M. Dujardin-Beaumetz et notre ambassa-
deur à Berlin, ont jugé préférable de les faire
poser directement sur les murs des salons de
l’ambassade.
*** Dans ses dernières séances, le Conseil
municipal de Paris a décidé qu’aucune statue
ou monument ne serait désormais érigé dans
le bois de Boulogne; que la statue de Fran-
çois Coppée serait placée dans le quartier de
l’Ecole Militaire, et que celle de Puvis de
Cbavannes, que l’on destinait au parc Mon-
ceau, serait soumise à une autre décision, le
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I-.* Isru.m.ôro : O tr. 25
PROPOS DU JOUR
(oici que le vandalisme s’attaque à
la Ville Éternelle. Malgré des con-
cessions à la vie moderne, malgré
l’apparition de tramways et de
bâtisses neuves, Rome demeurait elle-même,
et sa beauté, aux yeux de ses habitants, de ses
administrateurs, de ses architectes était in-
tangible. Le culte de tout ce qui fait la gloire
incomparable de la Ville y semblait inné. Le
passé s’y parait de quelque chose de sacré.
Mais une municipalité nouvelle a résolu de
rompre brutalement avec ces longues et admi-
rables traditions.
Il est question simplement de corriger le
Capitole. On sait que les trois palais qui
s’élèvent aujourd’hui sur l’antique colline ont
été construits d’après les plans que Paul III
avait demandés à Michel-Ange, ils forment
entre le Forum et l’ancien Champ de Mars
un imposant ensemble encadrant la place où
se dresse la statue de Marc-Aurèle. Or la mu-
nicipalité a découvert que depuis des siècles,
il existe entre ces palais une solution de con-
tinuité, et cette pensée lui est insupportable.
Elle prétend améliorer Michel-Ange en reliant
solidement les palais entre eux par une bâ-
tisse définitive. Il faut dire qu’à l’occasion de
certaines fêtes et pour des commodités parti-
culières, on réunit parfois les palais par des
arrangements provisoires qui disparaissent
aussitôt. Personne n’avait songé à renouveler
ce faux décor. La municipalité prétend en
faire une œuvre définitive à l’occasion de
l’Exposition Universelle de 1911.
Cette nouvelle a produit dans Rome un
scandale considérable. A peine connue elle a
soulevé les Romains qui ont l’amour de leur
ville. Tout ce qui porte un nom en Italie dans
le monde, dans les lettres, dans les arts, a
protesté et proteste encore. C’est du Nord au
Midi une immense clameur contre la munici-
palité vandale. Elle a été entendue hors des
frontières d’Italie, et nulle part elle ne pou-
vait mieux émouvoir que dans notre pays où
l’éducation nous dispose à comprendre et à
sentir tout ce qui touche Rome. Au nom du
bon sens et du goût, il faut qu’en tous pays
civilisés s’élève une plainte indignée, il faut
que le Campidoglio demeure tel qu’il fut
dans la pensée de Michel-Ange.
NOUVELLES
*** M. Auguste Rodin vient d’être chargé
par l’administration des Beaux-Arts de pein-
dre à fresque l’une des salles du futur musée
du Luxembourg que l’on doit installer dans
l’ancien séminaire de Saint-Sulpice.
*** L’Etat a demandé au peintre Cormon,
membre de l’Institut, pour la décoration des
salons de notre ambassade à Berlin, une suite
de six grands panneaux représentant Les
Châteaux de France, en imitation de la célè-
bre suite de Le Brun.
M. Cormon vient de terminer deux de ces
panneaux : Chantilly et Pau. Les quatre au-
tres représenteront les châteaux d’If, d’Am-
boise, de Josselin, et le Petit Trianon. Ces
peintures devaient servir de cartons pour les
Gobelins et être reproduites en tapisseries ;
mais M. Dujardin-Beaumetz et notre ambassa-
deur à Berlin, ont jugé préférable de les faire
poser directement sur les murs des salons de
l’ambassade.
*** Dans ses dernières séances, le Conseil
municipal de Paris a décidé qu’aucune statue
ou monument ne serait désormais érigé dans
le bois de Boulogne; que la statue de Fran-
çois Coppée serait placée dans le quartier de
l’Ecole Militaire, et que celle de Puvis de
Cbavannes, que l’on destinait au parc Mon-
ceau, serait soumise à une autre décision, le