ET DE LA
CURIOSITE
Le choix de l'Académie s'est porté sur les trois
artistes suivants : le sculpteur Bartlett, de New-
York, auteur, entre autres œuvres, de la statue de
La Fayette, érigée dans le jardin du Louvre ; —
le graveur Kœpping, de Berlin, dont nos lecteurs
ont déjà pu apprécier le talent ; — le compositeur
Glazounow, directeur du Conservatoire de Saint-
Pétersbourg.
Enfin l'Académie, qui avait encore à élire un
correspondant pour la section de peinture, en
remplacement de M. Sorolla, nommé associé étran-
ger, a ajourné cette élection au mois prochain.
------>W «Il Mil--
Académie des Inscriptions
Séance du 29 décembre
Legs. — Le secrétaire perpétuel annonce que
i'Académie a été autorisée à accepter une somme
de 4.000 francs qui lui a été léguée par M. Léopold
Delislc, avec mission d'en employer les arrérages
à l'entretien des tombes do la famille Burnouf-
Delisle, et le surplus à l'achat de livres destinés
à la Bibliothèque de l'Institut.
Bon.— M.Babelon offre à l'Académie, de lapait
de l'Académie de Mâcon, un exemplaire de la mé-
daille d'or qui a été frappée à l'occasion de la célé-
bration du millénaire de Cluny.
La ville de Sos. — M. Camille Jullian donne
lecture d'une nouvelle lettre de M. Momméja, con-
servateur du musée d'Agen, relative à la ville de
Sos, dont les ruines à blocs cyclopéens ont été —
ainsi qu'il a été dit au cours de la dernière séance
— découvertes récemment et mises à jour en Lot-
et-Garonne. Los travaux continuent avec beau-
coup d'ardeur, et les fouilles sont toujours aussi
fructueuses en inscriptions et on monuments di-
vers : armes,monnaies,poteries entières ou brisées
de toutes sortes.
M. Jullian termine en donnant la traduction du
passage où César, dans sos Commentaires, parle
des habitants de celte région. Il y est nettement
spécifié que les Sotiates étaient très experts en
métallurgie. La découverte de galeries do mines
faites dans les environs confirme pleinement le
texte de César.
Renouvellement du bureau.— L'Académie,pro-
cédant au renouvellement de son bureau, élit vice-
président, on remplacement de M. Léger qui passe
â la présidence, M. Valois, archiviste honoraire
des Archives Nationales.
L'École d'Anet
Le mot d'« école d'Anet » a été souvent prononcé.
Presque tous ceux qui se sont occupés du château
de Diane do Poitiers ont abordé la question de son
existence. M. L. Dimior, dans son livre sur Le
Prdmaiiae,parle mémo, au sujet de l'école do Fon-
tainebleau, d'« une espèce d'école rivale, qu'on
pourrait appeler l'école d'Anet » (p. 214). Il y a
lieu de reprendre la question pour tâcher enfin
d'examiner tout son contenu.
Le château d'Anet est l'œuvre de l'artiste le plus
volontaire et le plus réfléchi du xvi" siècle. Phili-
bert Delorme a toujours admirablement su ce
qu'il voulait et compris ce qu'il réalisait. Or, le
château d'Anet fut son œuvre de prédilection,celle
où il put le mieux donner carrière à son génie.
Lui-même nous a fait, soit dans son Traité de
l'architecture, soit dans ses Nouvelles inventions,
de nombreuses et nettes déclarations à ce sujet,
notamment lorsqu'il écrit : au château d'Anet, on
m'a laissé « faire ce que j'ai voulu en conduisant
le bastiment neuf. » (VArchitecture, fol. 13).
Nous trouvons dans l'art de Philibert Delorme, et
en particulier à Anet, les conditions de nette cons-
cience dans la doctrine, de volonté dans l'effort, et
de liberté d'exécution, qui sont si précieuses pour
la constitution d'une école (cf. H. Clouzot, Phili-
bert Delorme). Mais si do pareilles qualités sont
précieuses pour aider une école à s'affirmer, en-
core plus faut-il que celle-ci apporte un caractère
déterminé et nouveau. Quel est donc ici ce carac-
tère propre ? Il est triple, sans être toutefois flot-
tant ou incertain.
1° L'art de Ph. Delorme est fait en partie
d'admiration pour l'antiquité gréco-latine, où se
trouve o la vrayo architecture ». Le plan d'Anet
est régulier; les colonnades occupent une belle
place ; les ordres, très fidèlement copiés, sont mis
en honneur (la façon dont il les superpose va
devenir classique); le grand portail d'entrée rap-
pelle, dans uiie certaine mesure, les arcs de
triomphe ; enfin, dans la décoration extérieure,
les motifs sobres, simples et réguliers sont seuls
admis. Delorme a tant étudié à Borne les
ruines du passé ; il a, en ses livres, si souvent
célébré Vitruve, et l'on est tellement porté à faire
de lui un imitateur de l'antique, qu'il n'y a pas à
insister davantage sur ce premier point.
2° Il est, on quelque manière, le continuateur
de la tradition française. Il a écrit des voûtes sur
ogives, qu'il « s'en voit de bien exécutées et mises
en œuvre en divers lieux de ce royaume », et, un
peu plus loin, il parle du style gothique, « la mode
française », qu'il no veut « despriser, ains plustost
confesser qu'on y a faict et pratiqué de fort bons
traicts et difficiles. » (L'Architecture, IV, 8). Du
reste, la disposition générale d'Anet rappelle à
certains égards cello des grands châteaux de la
fin du xvc siècle. Des parties, très caractéristiques,
de l'architecture française, y sont conservées: par
exemple, les tourelles en encorbellement sur les
angles, les croisées à meneaux, les toitures à
combles élevés, et les hauts fûts de cheminées.
Enfin, il ne faut pas oublier l'aménagement inté-
rieur, qui s'adaptait si bien aux exigences du
temps.
3° Le troisième élément qui caractérise l'école
d'Anet est l'éclectisme. Le mot, surprendra sans
doute : Philibert Delorme passe pour très intransi-
geant ; il fut surtout très autoritaire et fort batail-
leur, mais sa doctrine affiche plus de raideur que
n'en montra, en pratique, son art. De plus, l'an-
tagonisme du Français Delorme contre l'Italien
Primatice est exagéré souvent (cf. L. Dimier, Le
Primatice). Toujours est-il que la marque ita-
lienne se retrouve à Anet. Or, Philibert Delorme,
tout-puissant quand il construisait ce château,
étail son seul maitre. La chapelle, nullement
grecque, encore moins ogivale, rappelle les églises
italiennes du xvi° siècle. Delorme accepte vo-
lontiers, pour le grand portail, la Nymphe de
Benvenuto. Très vraisemblablement il fait établir
certains vitraux sur des cartons dessinés par le
Primatice (du moins une photographie commit-
CURIOSITE
Le choix de l'Académie s'est porté sur les trois
artistes suivants : le sculpteur Bartlett, de New-
York, auteur, entre autres œuvres, de la statue de
La Fayette, érigée dans le jardin du Louvre ; —
le graveur Kœpping, de Berlin, dont nos lecteurs
ont déjà pu apprécier le talent ; — le compositeur
Glazounow, directeur du Conservatoire de Saint-
Pétersbourg.
Enfin l'Académie, qui avait encore à élire un
correspondant pour la section de peinture, en
remplacement de M. Sorolla, nommé associé étran-
ger, a ajourné cette élection au mois prochain.
------>W «Il Mil--
Académie des Inscriptions
Séance du 29 décembre
Legs. — Le secrétaire perpétuel annonce que
i'Académie a été autorisée à accepter une somme
de 4.000 francs qui lui a été léguée par M. Léopold
Delislc, avec mission d'en employer les arrérages
à l'entretien des tombes do la famille Burnouf-
Delisle, et le surplus à l'achat de livres destinés
à la Bibliothèque de l'Institut.
Bon.— M.Babelon offre à l'Académie, de lapait
de l'Académie de Mâcon, un exemplaire de la mé-
daille d'or qui a été frappée à l'occasion de la célé-
bration du millénaire de Cluny.
La ville de Sos. — M. Camille Jullian donne
lecture d'une nouvelle lettre de M. Momméja, con-
servateur du musée d'Agen, relative à la ville de
Sos, dont les ruines à blocs cyclopéens ont été —
ainsi qu'il a été dit au cours de la dernière séance
— découvertes récemment et mises à jour en Lot-
et-Garonne. Los travaux continuent avec beau-
coup d'ardeur, et les fouilles sont toujours aussi
fructueuses en inscriptions et on monuments di-
vers : armes,monnaies,poteries entières ou brisées
de toutes sortes.
M. Jullian termine en donnant la traduction du
passage où César, dans sos Commentaires, parle
des habitants de celte région. Il y est nettement
spécifié que les Sotiates étaient très experts en
métallurgie. La découverte de galeries do mines
faites dans les environs confirme pleinement le
texte de César.
Renouvellement du bureau.— L'Académie,pro-
cédant au renouvellement de son bureau, élit vice-
président, on remplacement de M. Léger qui passe
â la présidence, M. Valois, archiviste honoraire
des Archives Nationales.
L'École d'Anet
Le mot d'« école d'Anet » a été souvent prononcé.
Presque tous ceux qui se sont occupés du château
de Diane do Poitiers ont abordé la question de son
existence. M. L. Dimior, dans son livre sur Le
Prdmaiiae,parle mémo, au sujet de l'école do Fon-
tainebleau, d'« une espèce d'école rivale, qu'on
pourrait appeler l'école d'Anet » (p. 214). Il y a
lieu de reprendre la question pour tâcher enfin
d'examiner tout son contenu.
Le château d'Anet est l'œuvre de l'artiste le plus
volontaire et le plus réfléchi du xvi" siècle. Phili-
bert Delorme a toujours admirablement su ce
qu'il voulait et compris ce qu'il réalisait. Or, le
château d'Anet fut son œuvre de prédilection,celle
où il put le mieux donner carrière à son génie.
Lui-même nous a fait, soit dans son Traité de
l'architecture, soit dans ses Nouvelles inventions,
de nombreuses et nettes déclarations à ce sujet,
notamment lorsqu'il écrit : au château d'Anet, on
m'a laissé « faire ce que j'ai voulu en conduisant
le bastiment neuf. » (VArchitecture, fol. 13).
Nous trouvons dans l'art de Philibert Delorme, et
en particulier à Anet, les conditions de nette cons-
cience dans la doctrine, de volonté dans l'effort, et
de liberté d'exécution, qui sont si précieuses pour
la constitution d'une école (cf. H. Clouzot, Phili-
bert Delorme). Mais si do pareilles qualités sont
précieuses pour aider une école à s'affirmer, en-
core plus faut-il que celle-ci apporte un caractère
déterminé et nouveau. Quel est donc ici ce carac-
tère propre ? Il est triple, sans être toutefois flot-
tant ou incertain.
1° L'art de Ph. Delorme est fait en partie
d'admiration pour l'antiquité gréco-latine, où se
trouve o la vrayo architecture ». Le plan d'Anet
est régulier; les colonnades occupent une belle
place ; les ordres, très fidèlement copiés, sont mis
en honneur (la façon dont il les superpose va
devenir classique); le grand portail d'entrée rap-
pelle, dans uiie certaine mesure, les arcs de
triomphe ; enfin, dans la décoration extérieure,
les motifs sobres, simples et réguliers sont seuls
admis. Delorme a tant étudié à Borne les
ruines du passé ; il a, en ses livres, si souvent
célébré Vitruve, et l'on est tellement porté à faire
de lui un imitateur de l'antique, qu'il n'y a pas à
insister davantage sur ce premier point.
2° Il est, on quelque manière, le continuateur
de la tradition française. Il a écrit des voûtes sur
ogives, qu'il « s'en voit de bien exécutées et mises
en œuvre en divers lieux de ce royaume », et, un
peu plus loin, il parle du style gothique, « la mode
française », qu'il no veut « despriser, ains plustost
confesser qu'on y a faict et pratiqué de fort bons
traicts et difficiles. » (L'Architecture, IV, 8). Du
reste, la disposition générale d'Anet rappelle à
certains égards cello des grands châteaux de la
fin du xvc siècle. Des parties, très caractéristiques,
de l'architecture française, y sont conservées: par
exemple, les tourelles en encorbellement sur les
angles, les croisées à meneaux, les toitures à
combles élevés, et les hauts fûts de cheminées.
Enfin, il ne faut pas oublier l'aménagement inté-
rieur, qui s'adaptait si bien aux exigences du
temps.
3° Le troisième élément qui caractérise l'école
d'Anet est l'éclectisme. Le mot, surprendra sans
doute : Philibert Delorme passe pour très intransi-
geant ; il fut surtout très autoritaire et fort batail-
leur, mais sa doctrine affiche plus de raideur que
n'en montra, en pratique, son art. De plus, l'an-
tagonisme du Français Delorme contre l'Italien
Primatice est exagéré souvent (cf. L. Dimier, Le
Primatice). Toujours est-il que la marque ita-
lienne se retrouve à Anet. Or, Philibert Delorme,
tout-puissant quand il construisait ce château,
étail son seul maitre. La chapelle, nullement
grecque, encore moins ogivale, rappelle les églises
italiennes du xvi° siècle. Delorme accepte vo-
lontiers, pour le grand portail, la Nymphe de
Benvenuto. Très vraisemblablement il fait établir
certains vitraux sur des cartons dessinés par le
Primatice (du moins une photographie commit-