Gazette archéologique: revue des Musées Nationaux (11.1886)

FEMMES GROUPEES AVEC DE PETITS EROS

TERRES CUITES D ASIE MINEURE

(PLANCHES 18 ET 19.)

Les deux groupes* reproduits pi. 18 et 19 n'appellent pas un commentaire mytholo-
gique bien compliqué; mais ils permettent d'aborder quelques-uns des problèmes que
soulève l'examen des terres cuites grecques.
Après les polémiques qui ont eu lieu à ce propos, il faut bien reconnaître qu'elles se
partagent en deux grandes classes : les unes représentant des sujets mythologiques, les
autres des sujets empruntés à la vie journalière; mais entre ces deux catégories bien
tranchées se trouve une série de représentations flottantes qu'on n'a point de raisons
décisives d'attribuer à l'une plutôt qu'à l'autre, et dans laquelle rentre la nombreuse
famille des femmes groupées avec de petits Eros. Plusieurs se reconnaissent à première
vue pour des Aphrodites, soit qu'elles se rattachent à des faits connus de la légende de
la déesse, soit qu'elles rappellent des œuvres de la statuaire h Mais, dans bien des cas,,
nous sommes en présence de scènes de coquetterie ou de toilette, dans lesquelles
l'invention du coroplaste se donne libre carrière sans se rattacher à nn point précis de
la légende, ou à la tradition sculpturale. Le costume n'est alors qu'un critérium incer-
tain. La nudité ou la demi-nudité ne révèle pas toujours à coup sur la déesse, puisque
les courtisanes se montraient souvent dans le déshabillé de leur divinité protectrice, et
peut n'avoir qu'une signification érotique. D'autre part, nous ne savons pas jusqn'à quel
point fes coroplastes se permettaient de donner à un personnage le costume quotidien
des vivants, sans lui enlever pour cela son caractère divin b Bien souvent, l'ancienne

1. Ils appartiennent à MM. Rotlin et Feuardent, à l'obli-
geance desquels nous devons de les publier. Le premier
mesure (m 228 de haut. Longueur à labase 0^19. Traces
de blanc sur le corps et sur l'himation de la femme, de
rouge brun sur sa chevelure, de rouge vif sur ses lèvres,
de jaune sur son diadème, de blanc sur le corps des petits
Eros, de jaune sur la nervure de leurs ailes, de bleu sur
les plumes et sur la draperie du dernier à droite, de gris-
bleu sur le rocher. Pas de trou d'évent. Provenance indi-
quée : Asie-Mineure. — Le deuxième mesure 0" 25 de
haut. Longueur de la base 0^15. Traces de couleur chair
sur le corps de la femme, de bleu sur ses pupilles, de
rose sur l'himation avec une bordure gris-bleu, de blanc
sur la tunique avec une bordure gris-bleu, de jaune sur

le voile et sur la chaussure, de dorure sur les deux fibules
rondes de la tunique, sur les boucles d'oreille, sur la
pyxis, sur le manche du miroir, sur le gland de l'himation,
sur les ailes du petit Eros, de gris-bleu sur le rocher.
Trou d'évent rond d'un peu moins de (m 03. Provenance
indiquée : Asie-Mineure.
2. Par exemple, l'Aphrodite entièrement drapée accou-
dée sur un cippe, de la collection Lecuyer, pl. III, fig. 3,
et portant un petit Eros sur l'épaule ; l'Aphrodite presque
entièrement nue avec un petit Eros à son côté, des Terres
cMifes d'Asie-NiMewre de M. W. Frœhner, etc.
3. V. J.-J. Bernoulli, Aphrodite, p. 116 sq., Die
&e/cieidete Aphrodite wit Eros, et p. 387 sq.