G H R O NIQUE
LA POLYCHROMIE DANS LA STATUAIRE DU MOYEN-
AGE ET DE LA RENAISSANCE. - M. Courajod
vient de traiter cet intéressant sujet dans un
mémoire qui! a lu devant l'Académie des
Inscriptions et Belles-Lettres, le G août dernier.
On conteste, dit-il, l'existence de cette poly-
chromie, qui n'a jamais été démontrée scienti-
fiquement. L'obscurcissement de la question
vient de l'ingérence de l'esthétique dans le
domaine d'un simple problème d'histoire.
Depuis plusieurs siècles, ce qu'on appelle le
6cm yotR dans les écoles d'art et dans les Aca-
démies de peinture, le zèle de certains ecclé-
siastiques, partisans du badigeon et du grattage,
l'inexpérience de quelques anciens conserva-
teurs de collections publiques ont fait dispa-
raître, sur la plupart des sculptures du Moyen-
Age, les traces de la peinture primitive dont
elles étaient revêtues. Cependant quelques par-
celles minuscules qui échappent aux yeux, mais
qui ne trompent pas l'analyse chimique, sur-
vivent encore sur un grand nombre de pièces.
On pourrait u pWoW conclure à la poly-
chromie des statues du Moyen-Age et de la
Renaissance par l'examen du milieu architecto-
nique qu'elles étaient appelées à décorer. Au
quinzième siècle, on rencontre encore des traces
de coloration appliquées à des statues, même
quand celles-ci étaient fixées à l'extérieur (Pierre-
fonds, hôtel de Jacques-Cœur à Bourges, puits
de Moyse à la Chartreuse de Dijon, tombeau de
Philippe Pot, cathédrale d'Amiens, plusieurs
pièces de la collection Timbal). L'ivoire lui-
même a été soumis à la loi de la polychromie.
La plupart des statues de la Renaissance sont
encore peintes et dorées (tombeau de Philippe
de Commynes, Vierge d'Olivet, sculptures
d'Antoine Juste à Blois, sculptures du château
de Gailion, plusieurs pièces conservées au
Louvre). En appelant à sa cour Girolamo délia
Robbia, en confiant l'exécution du palais du
bois de Boulogne à l'un des sculpteurs de
l'hôpital de Pistoia, où l'usage et même l'abus
de la polychromie étaient des plus frappants,
François 1°'' a manifesté hautement ses sympa-
thies pour la coloration de la sculpture. Et
pourtant le tombeau de ce prince est peut-être le
premier monument à citer comme dérogeant à
la tradition ; là, pas la moindre trace de pein-
ture. Le tombeau de Henri II est dans le même
cas; mais il ne fut jamais considéré comme
terminé. D'ailleurs, la chapelle des Valois,
commandée par Catherine, clevait copier dans
une certaine mesure la chapelle des Médicis,
près San-Lorenzo de Florence, et là, le terrible
génie de Michel-Ange, qui ne terminait pas
toujours ses statues avec le ciseau, ne leur donne
jamais la dernière caresse de la peinture.
Un coup redoutable avait été porté à la poly-
chromie. Depuis la Un du quinzième siècle, le
goût et l'enthousiasme pour les monuments
antiques allaient grandissant. Ces monuments,
retrouvés la plupart du temps sans couleurs,
lirent croire à leurs admirateurs que, d'une
manière générale et absolue, les anciens avaient
proscrit la peinture dans la plastique. Les tra-
ditions immédiates de la polychromie furent
alors rompues. Cependant, chez nous, la seconde
moitié du seizième siècle garda encore quelque
fidélité à l'art gothique. Plusieurs sculptures de
Germain Pilon furent recouvertes de peintures
et de dorures. Des bronzes eux-mêmes furent
peints; la statue du chancelier René Birague et
le buste de Jean d'Alesso furent recouverts de
couleurs.
Presque tous les marbres italiens de nos
Musées nous sont parvenus décolorés, et c'est
ce qui a trompé tant d'observateurs superficiels.
Un examen approfondi permet de reconnaître sur
tous ou presque tous des marques évidentes de
la peinture originelle. Il est prouvé que tous les
grands artistes de l'Italie, au quinzième siècle,
ont peint leur sculpture. On peut citer Donatello
et son école, Luca délia Robbia, Andrea del
Venocchio, Cozzarelli, Francesco Laurana,Guido
Mazzoni, Caradosso, Andrea Riccio, Jacopo
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LA POLYCHROMIE DANS LA STATUAIRE DU MOYEN-
AGE ET DE LA RENAISSANCE. - M. Courajod
vient de traiter cet intéressant sujet dans un
mémoire qui! a lu devant l'Académie des
Inscriptions et Belles-Lettres, le G août dernier.
On conteste, dit-il, l'existence de cette poly-
chromie, qui n'a jamais été démontrée scienti-
fiquement. L'obscurcissement de la question
vient de l'ingérence de l'esthétique dans le
domaine d'un simple problème d'histoire.
Depuis plusieurs siècles, ce qu'on appelle le
6cm yotR dans les écoles d'art et dans les Aca-
démies de peinture, le zèle de certains ecclé-
siastiques, partisans du badigeon et du grattage,
l'inexpérience de quelques anciens conserva-
teurs de collections publiques ont fait dispa-
raître, sur la plupart des sculptures du Moyen-
Age, les traces de la peinture primitive dont
elles étaient revêtues. Cependant quelques par-
celles minuscules qui échappent aux yeux, mais
qui ne trompent pas l'analyse chimique, sur-
vivent encore sur un grand nombre de pièces.
On pourrait u pWoW conclure à la poly-
chromie des statues du Moyen-Age et de la
Renaissance par l'examen du milieu architecto-
nique qu'elles étaient appelées à décorer. Au
quinzième siècle, on rencontre encore des traces
de coloration appliquées à des statues, même
quand celles-ci étaient fixées à l'extérieur (Pierre-
fonds, hôtel de Jacques-Cœur à Bourges, puits
de Moyse à la Chartreuse de Dijon, tombeau de
Philippe Pot, cathédrale d'Amiens, plusieurs
pièces de la collection Timbal). L'ivoire lui-
même a été soumis à la loi de la polychromie.
La plupart des statues de la Renaissance sont
encore peintes et dorées (tombeau de Philippe
de Commynes, Vierge d'Olivet, sculptures
d'Antoine Juste à Blois, sculptures du château
de Gailion, plusieurs pièces conservées au
Louvre). En appelant à sa cour Girolamo délia
Robbia, en confiant l'exécution du palais du
bois de Boulogne à l'un des sculpteurs de
l'hôpital de Pistoia, où l'usage et même l'abus
de la polychromie étaient des plus frappants,
François 1°'' a manifesté hautement ses sympa-
thies pour la coloration de la sculpture. Et
pourtant le tombeau de ce prince est peut-être le
premier monument à citer comme dérogeant à
la tradition ; là, pas la moindre trace de pein-
ture. Le tombeau de Henri II est dans le même
cas; mais il ne fut jamais considéré comme
terminé. D'ailleurs, la chapelle des Valois,
commandée par Catherine, clevait copier dans
une certaine mesure la chapelle des Médicis,
près San-Lorenzo de Florence, et là, le terrible
génie de Michel-Ange, qui ne terminait pas
toujours ses statues avec le ciseau, ne leur donne
jamais la dernière caresse de la peinture.
Un coup redoutable avait été porté à la poly-
chromie. Depuis la Un du quinzième siècle, le
goût et l'enthousiasme pour les monuments
antiques allaient grandissant. Ces monuments,
retrouvés la plupart du temps sans couleurs,
lirent croire à leurs admirateurs que, d'une
manière générale et absolue, les anciens avaient
proscrit la peinture dans la plastique. Les tra-
ditions immédiates de la polychromie furent
alors rompues. Cependant, chez nous, la seconde
moitié du seizième siècle garda encore quelque
fidélité à l'art gothique. Plusieurs sculptures de
Germain Pilon furent recouvertes de peintures
et de dorures. Des bronzes eux-mêmes furent
peints; la statue du chancelier René Birague et
le buste de Jean d'Alesso furent recouverts de
couleurs.
Presque tous les marbres italiens de nos
Musées nous sont parvenus décolorés, et c'est
ce qui a trompé tant d'observateurs superficiels.
Un examen approfondi permet de reconnaître sur
tous ou presque tous des marques évidentes de
la peinture originelle. Il est prouvé que tous les
grands artistes de l'Italie, au quinzième siècle,
ont peint leur sculpture. On peut citer Donatello
et son école, Luca délia Robbia, Andrea del
Venocchio, Cozzarelli, Francesco Laurana,Guido
Mazzoni, Caradosso, Andrea Riccio, Jacopo
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