24 FRESQUES INÉDITES DU XIVe SIÈCLE.
sans accent. Dans les Miracles du Christ et dans les figures des apôtres, il y a plus
de tenue ; on y retrouve quelques-unes des traditions des grandes Ecoles de Florence et
de Sienne. Ici l’artiste, moins timide, s’est essayé dans des mouvements assez hardis,
dans des raccourcis.
Les points de contact avec la chapelle de Saint-Jean et la chapelle de Saint-Martial, au
palais des Papes, ne font pas défaut. Le diable, par exemple, est représenté ici comme là
sous la forme d’un écureuil avec des ailes de chauve-souris.
Le coloris est en général un peu mou, sans grande force, sauf dans la Vierge au dona-
teur. On y remarque l’emploi de tons d’un bleu cendré.
M. Brune ne s’est pas trompé en faisant honneur à l’Italie de la décoration de la cha-
pelle de Villeneuve1. Le style général, les types, certains détails d’ornementation se
rapprochent trop de ceux des Ecoles de Florence et de Sienne pour qu’un doute puisse
subsister à cet égard. Signalons tout particulièrement, dans la Circoncision de saint
Jean-Baptiste, le type et le costume de sainte Elisabeth : c’est presque, trait pour trait,
la figure de sainte Anne peinte sur la voûte de la chapelle Saint-Jean.
Il est certain néanmoins qu’à côté de la direction exercée par des artistes italiens, il
faut admettre la collaboration d’artistes français.
Il m’a été impossible jusqu’ici de découvrir, dans les comptes des bâtiments d’inno-
cent VI, les noms des peintres à qui nous devons les fresques de la Chartreuse. Mais nul
doute que nous n’ayons à chercher ces noms parmi ceux des artistes employés vers la
même époque à Avignon même. Le principal d’entre eux est Matteo di Giovanetto de
Viterbe, artiste dont le nom, absolument ignoré de tous les historiens de la peinture, se
trouve aujourd’hui lié aux peintures du palais des Papes à Avignon et à celles de la Chaise-
Dieu.Une quinzaine d’années auparavant, sous Clément VI, Matteo avait travaillé à Ville-
neuve même, ainsi qu’en fait foi le document suivant tiré des archives du Vatican : 1345,
10 mai. « Magistro Mattheo Joliannoti de Viterbio pro picturis factis in turri que est in
capite deambulatorii domus domini nostri apud Villam novam necnon et cameris que
sunt subtus dictum deambulatorium, que omnia continent IXCLXII cannas, VII palmos
cum medio, ad rationein IIII s. pro qualibet canna, valent IXxxXH lbr., X s., IX d., que
pecunie summa fuit eidem soluta in CLX flor., XI s., IX d., singulis flor. pro XXIIII s.
computatis. » (Intr. et Exit. 1345, fol. 131.) — Si ce n’est encore une solution, c’est du
moins un acheminement.
Eugène MÜNTZ.
1. « Une chose paraît certaine, c'est <{ue l’auteur des
peintures est Italien, ou que du moins il a appris à peindre
en Italie : le caractère des ligures, voisines de celles de
Simone Martini, le style de l’architecture peinte, celui
des rinceaux, les décorations figurées en mosaïque et sur-
tout celles en marbre, la grande largeur des bandes d’or-
nements et d'encadrements, tout porte la marque d’une
origine italienne ; nous ne dirons pas, comme les ouvrages
qui traitent de Villeneuve, que les peintures de la cha-
pelle ont été faites par Simone Martini, car il était mort
à Avignon en 1344, mais nous croyons volontiers qu’elles
sont dues à quelques-uns de ses élèves (E. Brune). »
sans accent. Dans les Miracles du Christ et dans les figures des apôtres, il y a plus
de tenue ; on y retrouve quelques-unes des traditions des grandes Ecoles de Florence et
de Sienne. Ici l’artiste, moins timide, s’est essayé dans des mouvements assez hardis,
dans des raccourcis.
Les points de contact avec la chapelle de Saint-Jean et la chapelle de Saint-Martial, au
palais des Papes, ne font pas défaut. Le diable, par exemple, est représenté ici comme là
sous la forme d’un écureuil avec des ailes de chauve-souris.
Le coloris est en général un peu mou, sans grande force, sauf dans la Vierge au dona-
teur. On y remarque l’emploi de tons d’un bleu cendré.
M. Brune ne s’est pas trompé en faisant honneur à l’Italie de la décoration de la cha-
pelle de Villeneuve1. Le style général, les types, certains détails d’ornementation se
rapprochent trop de ceux des Ecoles de Florence et de Sienne pour qu’un doute puisse
subsister à cet égard. Signalons tout particulièrement, dans la Circoncision de saint
Jean-Baptiste, le type et le costume de sainte Elisabeth : c’est presque, trait pour trait,
la figure de sainte Anne peinte sur la voûte de la chapelle Saint-Jean.
Il est certain néanmoins qu’à côté de la direction exercée par des artistes italiens, il
faut admettre la collaboration d’artistes français.
Il m’a été impossible jusqu’ici de découvrir, dans les comptes des bâtiments d’inno-
cent VI, les noms des peintres à qui nous devons les fresques de la Chartreuse. Mais nul
doute que nous n’ayons à chercher ces noms parmi ceux des artistes employés vers la
même époque à Avignon même. Le principal d’entre eux est Matteo di Giovanetto de
Viterbe, artiste dont le nom, absolument ignoré de tous les historiens de la peinture, se
trouve aujourd’hui lié aux peintures du palais des Papes à Avignon et à celles de la Chaise-
Dieu.Une quinzaine d’années auparavant, sous Clément VI, Matteo avait travaillé à Ville-
neuve même, ainsi qu’en fait foi le document suivant tiré des archives du Vatican : 1345,
10 mai. « Magistro Mattheo Joliannoti de Viterbio pro picturis factis in turri que est in
capite deambulatorii domus domini nostri apud Villam novam necnon et cameris que
sunt subtus dictum deambulatorium, que omnia continent IXCLXII cannas, VII palmos
cum medio, ad rationein IIII s. pro qualibet canna, valent IXxxXH lbr., X s., IX d., que
pecunie summa fuit eidem soluta in CLX flor., XI s., IX d., singulis flor. pro XXIIII s.
computatis. » (Intr. et Exit. 1345, fol. 131.) — Si ce n’est encore une solution, c’est du
moins un acheminement.
Eugène MÜNTZ.
1. « Une chose paraît certaine, c'est <{ue l’auteur des
peintures est Italien, ou que du moins il a appris à peindre
en Italie : le caractère des ligures, voisines de celles de
Simone Martini, le style de l’architecture peinte, celui
des rinceaux, les décorations figurées en mosaïque et sur-
tout celles en marbre, la grande largeur des bandes d’or-
nements et d'encadrements, tout porte la marque d’une
origine italienne ; nous ne dirons pas, comme les ouvrages
qui traitent de Villeneuve, que les peintures de la cha-
pelle ont été faites par Simone Martini, car il était mort
à Avignon en 1344, mais nous croyons volontiers qu’elles
sont dues à quelques-uns de ses élèves (E. Brune). »