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Gazette archéologique: revue des Musées Nationaux — 13.1888

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Nr. 5-6
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Mély, Fernand de: La Crosse dite de Ragenfroid
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https://doi.org/10.11588/diglit.25603#0140

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LA CROSSE DITE DE RAGENFROID

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le bandeau des Vertus de la crosse du xiic siècle, mais une véritable couronne, comme
celle de vicomte, surmontée de trois perles.

Chacune d’elles a un bouclier différent : La Charité, le bouclier du commencement
du xi° siècle; la Mansuétude, un de la fin, tandis que la Sobriété a celui du xc.
Ce sont là de menus détails ; ils montrent toutefois que, si tous ces modèles ont un
original commun, il s’est trouvé modifié quelque peu par les coutumes du temps ou
l’ignorance des mœurs passées : il est bien certain que si l’on retrouvait aujourd’hui
le manuscrit de Prudence du ixe siècle, d’après lequel on doit penser que fut fait celui
de Lyon, on aurait, en le comparant avec ce dernier, les mêmes petites nuances de
détails, que nous ne pouvons apprécier maintenant faute de connaître l’original1.

Or aucune des Vertus de la crosse, dite de Ragenfroid, ne présente de ces dissem-
blances, toutes ont bien le même costume, se rapprochant de celui du xie siècle, tel que
tous les maîtres le décrivent : nous avons donc lieu de croire que cette uniformité ne
doit pas être négligée dans l’étude archéologique que nous faisons.

Il y a longtemps que, dans un article sur les émaux, Longpérier avait remarqué que
l’armure de Goliath se rapprochait de celle des guerriers de la tapisserie de Bayeux2.
Mais n’ayant aucune solution à offrir où cette donnée pût être de quelque poids, il n’y
attachait d’autre importance que celle d’aider à dater la crosse de Ragenfroid. La
manière dont sont traitées les armes de Goliath indique, au contraire, une parenté
très étroite avec la tapisserie de Bayeux : l’artiste qui a exécuté la crosse devait, ainsi
que ceux qui ont brodé la tapisserie de Bayeux, vivre au milieu des guerriers nor-
mands : aucun détail de l’armement n’y est en effet oublié; pas plus le heaume avec
son cercle ciselé et son nasal, la brogne avec le capuchon, la guiche du bouclier, que
les lieuses, la courte lance, l’espie avec le gonfanon. Le bouclier, il est vrai, n’est peut-
être pas de la forme absolument exacte des boucliers de la tapisserie ; il devrait avoir
les coins arrondis, il les a carrés : sur la tapisserie de Bayeux, il y en a de toutes
espèces, mais un seul, parmi tant d’autres ronds, carrés, en amandes, peut se com-
parer avec celui de Goliath. Il se rapproche de ceux que nous voyons sur les sceaux
du xn° siècle3, mais il est proportionnellement beaucoup plus grand, il couvre presque
tout Goliath, rappelant ainsi l’armement du xie siècle, tandis que ceux des guerriers
qui dorment au pied du sépulcre, quand les saintes femmes viennent apporter des
parfums au tombeau de Jésus-Christ, sur le retable d’Eilbertus ont précisément le
bouclier plus court des sceaux du xue siècle. L’armement de Goliath indiquerait donc

1. Tous les manuscrits et les miniatures de Prudence,

antérieurs au xiu° siècle, ont un original commun, lequel

servit inconsciemment de modèle à tous les artistes qui

recopièrent la Psychomachie.

2. Cabinet de 1 amateur, Paris, 1842, t. I, p. 149.

3. Demay, Le costume d’après les sceaux.
 
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