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Gazette archéologique: revue des Musées Nationaux — 13.1888

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Nr. 5-6
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Mély, Fernand de: La Crosse dite de Ragenfroid
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https://doi.org/10.11588/diglit.25603#0141

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LA CROSSE DITE DE RAGENFROID 123

une date à lixer entre la tapisserie de Bayeux et le livre de Mélissende, c’est-à-dire
qu’on pourrait comme époques extrêmes placer son exécution entre 1090 et 1140.

Dans une des dernières lettres que je viens d’échanger avec M. Garrand, à propos de
l’enroulement qui se trouve dans le triangle des encadrements du nœud de la crosse1,
ce dernier me fait remarquer que la fleur, dont je lui parle, se retrouve dans la
volute, variée, modifiée et qu’elle a certainement été inspirée par les iris, les glaïeuls
et autres plantes de la même famille. L’iris n’est-il pas la véritable fleur des Normands,
celle qu’on retrouve sur tous les monuments sculptés, sur les pavages, et qu’ils portent
même avec eux dans leurs conquêtes, jusque dans l’Italie méridionale2? Les animaux
chimériques ciselés sur le haut de la volute qui termine la crosse semblent copiés sur
ceux de la bordure de la tapisserie de Bayeux.

Il n’est pas jusqu’au nom de Willelmus qui ne soit normand. Ce n’est point que
j’adopte le système d’Auguste Franks, qui, pour donner à cette crosse une origine
rhénane se basait uniquement sur l’orthographe de Willelmus, commençant par un
W, tandis que, pensait-il, un Français eût écrit Guillelmus; nous ne manquons pas
de preuves contraires ; sur la tapisserie de Bayeux, nous lisons Willelmus et dans
maintes chartes du xne siècle, nous trouvons Willelmus dans les provinces du centre
de la France 3.

Qu’un travail normand ait en effet les caractères des pièces du Nord, il n’y a rien
d’étonnant. M. de Ponton d’Amécourt4 rappelle que les habitants du diocèse de Bayeux se
nommaient les Saxones Baiocassini, que les côtes de la Manche s’appelaient littus
Saxonicum et qu’au xe siècle les habitants de Bayeux se servaient encore de la langue
danoise : il y avait des rapports fréquents entre la Normandie et l’embouchure du Rhin
et de la Meuse, et l’art des habitants de ce dernier pays eut dès lors toutes les facilités
pouf influer sur les goûts et les travaux des habitants du littus Saxonicum.

Voilà les éclaircissements que j’ai cru pouvoir apporter à une question qui a passionné
les archéologues. Paraîtront-ils probants, je l’espère; j’aurai eu, du moins, la bonne
fortune de faire admirer aux érudits un monument bien célèbre, et en même temps
bien peu connu.

F. de MÉLY.

1. Mély. Origine de la majolique française, Gaz. des
B.-A , t. XXXI, 2 par., p. 2.39. Pavé provenant de
l’abbaye de Longues.

2. H. Saladin. dans la Gazelle des Beaux-Arts, 1884,

décembre, p. 521, donne, le dessin d’un chapiteau de
Santa Maria Maggiore de Barletta, composé de rinceaux

et de palmettes, qui est dans le même ordre d’idées que

le nœud de notre crosse, et l’on sait combien l’art normand
eut d’influence sur l’art du Moyen-Age dans la Pouille.

3. Plusieurs chartes du xi° et du xn° siècle, dans le
manuscrit latin 10102 delà Bibliothèque nationale (Cartu-
laire de l’abbaye deJosaphal), sont signées par Willelmus.

4. Procès-verbaux de la Société archéologique d’Eure-
et-Loir, t. VII, 1886, p. 254.
 
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