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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 9.1861

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Nr. 4
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Blanc, Charles: De la gravure a l'eau-forte et des eaux-fortes de Jacque
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https://doi.org/10.11588/diglit.17225#0203

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

rain du graveur devient à ses yeux une toile sur laquelle il va peindre.
Personne avant lui n'avait songé à éteindre en quelques endroits la trans-
parence du papier, et à imiter de cette manière les couches de lavis ou
les teintes que donne le berceau dans les planches en manière noire.
Rembrandt, soit en faisant mordre l'eau-forte à nu avec le pinceau, soit
en ménageant les barbes imperceptibles qu'a soulevées la pointe, et qui
produisent des traînées de salissures à l'impression, trouve les demi-
teintes les plus fines, les plus variées, les plus heureuses, et au moyen
de cette ressource toute nouvelle, il tranquillise telle ou telle partie de sa
gravure, il y met, pour ainsi parler, du silence. De là ces effets mysté-
rieux au milieu desquels il nous montre un vieillard en méditation sur la
Bible, ou le Christ mort qui descend, à la lueur des torches, dans la nuit
du tombeau. Pour lui, cependant, le procédé n'est rien, le résultat seul
est tout. Mettre bien à leur place le clair et l'ombre, conduire l'œil de
l'extrême noir à l'extrême blanc, modeler ses figures, mais en les noyant
dans l'effet général de l'eau-forte, exprimer enfin son sentiment ou sa
pensée, voilà son unique préoccupation. 11 méprise (et il fait bien) les
tailles ondoyantes et tournoyantes de Goltzius, et ces façons prétentieuses
de couper le cuivre, et ces losanges, et toute cette discipline de tailles
laborieuses qui font de l'artiste un ouvrier. Tantôt il sabre vigoureuse-
ment les grandes masses qui doivent lui servir de repoussoir; tantôt il
endort ses fonds sous un glacis de menus travaux ; tantôt il reconnaît du
bout de sa pointe, mais involontairement et sans y songer, la nature par-
ticulière des divers objets, et, guidé par l'instinct de la forme, il les grave
avec une rare délicatesse, avec un sentiment exquis de ce qui doit avan-
cer ou fuir. Quelquefois on dirait qu'il affecte la brutalité des moyens
pour arriver à la plus douce harmonie.

Il y a tel portrait de lui dont la tête expressive et fine est d'abord
attaquée par un réseau de tailles courtes, irrégulières, tremblotantes, ra-
boteuses, qu'on dirait amoncelées au hasard. Puis, quand l'eau-forte
aura mordu les grandes masses noires qui environnent la tête, il se trou-
vera que ces poutres monstrueuses passeront, chose incroyable, à l'état
de teintes légères. Au moyen de quelques points fièrement jetés, elles ex-
primeront la morbidesse des chairs et feront tourner la lumière aux en-
droits même où l'on s'attendrait à la voir se heurter. Dans la maison
qu'il possédait à Amsterdam, au Breestraat, Rembrandt avait une presse
et il imprimait lui-même ses planches. Souvent, après les avoir encrées
avec le tampon, il ne les essuyait qu'à demi ou même il n'essuyait presque
point certaines parties qui devaient rester sourdes ; en quelques endroits,
lorsque les barbes disparues ne fournissaient plus aucune teinte, il réta-
 
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