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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 12.1862

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Nr. 2
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Lagrange, Léon: Un dessin de Raphael: La Belle Jardinière
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https://doi.org/10.11588/diglit.17331#0178

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UN DESSIN DE RAPHAËL.

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subi aucune modification. Mais en l'enveloppant d'un vaste manteau
bleu, Raphaël en a singulièrement altéré le caractère. Il semble que le
peintre, au moyen de cette draperie ramenée sur l'épaule droite, ait
voulu seulement remplir le vide entre le bras droit et la hanche. Com-
ment n'a-t-il pas vu qu'il cachait en même temps le sein virginal de la
jeune mère, sa taille souple, ses hanches élégantes, en un mot l'allure
ondulée de ce beau corps? Tant de charmes ravis à nos regards sont-ils
l'effet du simple désir de bouclier tin trou, oû auraient-ils pour cause le
remords d'une pruderie religieuse? Nous ne croyons pas à ce dernier
motif : il nous paraît plus probable que Raphaël, échappé depuis long-
temps déjà aux langes de Pérugin, et placé alors sous l'influence floren-
tine, aura sacrifié la sveltesse primitive de sa Vierge à une recherche
d'ampleur factice dont Fra Bartholomeo lui donnait l'exemple. On ne
peut nier que le tableau n'y ait perdu. Comparé au dessin, il a un aspect
lourd. Plus d'un certainement aura cherché sous la draperie bleue du
tableau le mouvement de la figure, qui ne le comprendra qu'en regar-
dant le dessin.

Les changements apportés aux figures d'enfants sont plus heureux.
Dans le dessin, le petit saint Jean ne se présente qu'à l'état d'embryon
confus : ses mains vont on ne sait où, son visage n'exprime rien.
Raphaël a seulement trouvé la position des jambes, et il n'a garde de la
modifier dans le tableau. Il s'en sert môme pour motiver le mouvement
du bras gauche; au bras droit il ajoute la croix de roseau, point d'appui
nécessaire au corps penché en "avant. Mais c'est surtout l'expression de
la tête qui modifie du tout au tout le personnage. Dans le dessin, l'ima-
gination du peintre, en quête de poésie, l'avait couronnée de fleurs.
Dans le tableau plus de couronne : les cheveux flottent au vent, la vel-
léité poétique devient poésie véritable ; tout y concourt : le regard, le
sourire, l'inflexion gracieuse du cou, les lèvres qui vont parler *.

'l. Ce détail des cheveux au vent est à lui seul une date : il marque une émanci-
pation nouvelle du talent do Raphaël à l'époque de sa seconde manière. La Déposition
du palais Borghèse, peinte à Florence en 1507, nous montre un jeune homme dont
les cheveux flottent au vent. La Belle Jardinière a été peinte en 4807 ou 1508, selon
qu'on veut lire comme [M. Yillot ou comme Passavant la date inscrite sur le man-
teau. Or, dans un autre tableau de Raphaël que possède aussi le Louvre, le Sommeil
de Jésus, on retrouve la môme tète du petit saint Jean, les cheveux au vent, le visage
animé, l'expression tout à fait analogue à celle du saint Jean de la Belle Jardinière.
Nous en conclurions volontiers que le Sommeil de Jésus, classé sans preuves par Pas-
savant au nombre des peintures exécutées à Rome, doit être considéré comme une
œuvre contemporaine de la Belle Jardinière et de la Déposition, c'est-à-dire de la
seconde manière de Raphaël, aux environs de 1507.
 
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