RAPHAËL ET L'ANTIQUITÉ.
Michel-Ange, avaient ouvert à la Renaissance de si larges perspectives.
Des saintes familles, des madones, quelques portraits, et l'admirable
tableau de la Mise au tombeau, semblent alors marquer d'une manière
presque exclusive la marche de ce beau génie. Durant cette période, il
n'emprunte directement à l'antiquité aucune de ses inspirations. L'époque
révolutionnaire, que venait de traverser Florence, avait dû d'ailleurs
détruire un grand nombre de monuments antiques rassemblés par les
Médicis, et l'amitié qui unissait Raphaël à des artistes tels que Fra Bar-
tolommeo ne devait pas le pousser vers les marbres grecs ou romains
échappés au fanatisme des partisans de Savonarole.
C'est à Rome, à partir de l'année 1508, que le Sanzio se place déci-
dément à la tète du grand mouvement qui, depuis deux siècles déjà,
entraînait l'art italien. C'est au centre même de la catholicité, et clans le
palais qui en résume toutes les gloires, qu'il scelle d'une manière indis-
soluble l'alliance des temps modernes avec l'antiquité1. On ne saurait
trop le répéter, c'est dans la demeure même des papes et sous l'autorité
la plus haute de l'Église, que le peintre le plus chrétien que Dieu ait
donné au monde a fait entrer dans la sphère du catholicisme tous les
efforts du genre humain, a saintement réconcilié tous les arts et consacré
avec une égale splendeur la science divine et les sciences humaines, la
théologie, la philosophie, la poésie, la jurisprudence et l'histoire.
Déjà, dans ce palais du Vatican, et sous ce beau ciel de Rome qui
semble ressusciter tout ce qu'il éclaire, les plus belles statues antiques
arrachées à la terre brillaient d'un vif et doux éclat. Ce n'étaient plus
seulement quelques fragments isolés que Raphaël pouvait contempler
alors, c'était l'antiquité elle-même dont la Providence avait accumulé les
ruines dans la ville éternelle, c'étaient les plus illustres témoignages du
génie grec et romain, l'Apollon, le Torse, l'Ariane, l'Antinous, qui sur-
gissaient rayonnants de beauté. C'est sous l'influence de toutes ces mer-
veilles et au milieu de cette chaude et généreuse atmosphère que le
Sanzio conçut et exécuta l'Ecole cl'Athènes, le Parnasse et les grandes
pages de la salle d'Ilèliodore. Rome se glorifiait alors d'adopter les plus
beaux génies qui aient honoré la pensée humaine : elle saluait avec sym-
pathie les nobles intelligences de Socrate et de Platon, d'Aristote et de
Pythagore, et la chambre de la Segnalura témoigne avec une mesure
admirable de cet esprit de tolérance et de haute sagesse. Sans doute
cette tolérance fut quelquefois excessive, mais l'ivresse de la Renaissance
1. J'ai tenté déjà de donner les preuves de cette alliance, en décrivant les fresques
du Vatican.
Michel-Ange, avaient ouvert à la Renaissance de si larges perspectives.
Des saintes familles, des madones, quelques portraits, et l'admirable
tableau de la Mise au tombeau, semblent alors marquer d'une manière
presque exclusive la marche de ce beau génie. Durant cette période, il
n'emprunte directement à l'antiquité aucune de ses inspirations. L'époque
révolutionnaire, que venait de traverser Florence, avait dû d'ailleurs
détruire un grand nombre de monuments antiques rassemblés par les
Médicis, et l'amitié qui unissait Raphaël à des artistes tels que Fra Bar-
tolommeo ne devait pas le pousser vers les marbres grecs ou romains
échappés au fanatisme des partisans de Savonarole.
C'est à Rome, à partir de l'année 1508, que le Sanzio se place déci-
dément à la tète du grand mouvement qui, depuis deux siècles déjà,
entraînait l'art italien. C'est au centre même de la catholicité, et clans le
palais qui en résume toutes les gloires, qu'il scelle d'une manière indis-
soluble l'alliance des temps modernes avec l'antiquité1. On ne saurait
trop le répéter, c'est dans la demeure même des papes et sous l'autorité
la plus haute de l'Église, que le peintre le plus chrétien que Dieu ait
donné au monde a fait entrer dans la sphère du catholicisme tous les
efforts du genre humain, a saintement réconcilié tous les arts et consacré
avec une égale splendeur la science divine et les sciences humaines, la
théologie, la philosophie, la poésie, la jurisprudence et l'histoire.
Déjà, dans ce palais du Vatican, et sous ce beau ciel de Rome qui
semble ressusciter tout ce qu'il éclaire, les plus belles statues antiques
arrachées à la terre brillaient d'un vif et doux éclat. Ce n'étaient plus
seulement quelques fragments isolés que Raphaël pouvait contempler
alors, c'était l'antiquité elle-même dont la Providence avait accumulé les
ruines dans la ville éternelle, c'étaient les plus illustres témoignages du
génie grec et romain, l'Apollon, le Torse, l'Ariane, l'Antinous, qui sur-
gissaient rayonnants de beauté. C'est sous l'influence de toutes ces mer-
veilles et au milieu de cette chaude et généreuse atmosphère que le
Sanzio conçut et exécuta l'Ecole cl'Athènes, le Parnasse et les grandes
pages de la salle d'Ilèliodore. Rome se glorifiait alors d'adopter les plus
beaux génies qui aient honoré la pensée humaine : elle saluait avec sym-
pathie les nobles intelligences de Socrate et de Platon, d'Aristote et de
Pythagore, et la chambre de la Segnalura témoigne avec une mesure
admirable de cet esprit de tolérance et de haute sagesse. Sans doute
cette tolérance fut quelquefois excessive, mais l'ivresse de la Renaissance
1. J'ai tenté déjà de donner les preuves de cette alliance, en décrivant les fresques
du Vatican.