GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
manière à pouvoir être déployé comme un paravent. » L'édition de la
bibliothèque de la rue Richelieu a deux volumes de gravures très-belles;
celle que je me propose de décrire n'en a qu'un, mais les planches sont
aussi fort bien composées et dessinées; enfin il en existe une troisième
édition, évidemment moderne, ayant huit volumes de planches très-cu-
rieuses à cause des renseignements qu'elles fournissent, mais d'une grande
infériorité sous le rapport de l'art, si on les compare aux précédentes.
L'ensemble de cette dernière composition porte environ 180 mètres
d'étendue.
Pour apprécier le mérite de ces compositions chinoises, il est indispen-
sable de se familiariser avec quelques principes, préjugés si l'on veut,
auxquels les artistes du Céleste-Empire se soumettent. On leur fait com-
munément reproche, et non sans raison, de bouleverser les lois de la per-
spective. Dans les compositions représentant l'entrée de l'empereur à
Pékin à .son jour de naissance, les lois de l'optique sont assez régulière-
ment observées; seulement, au lieu de placer l'horizon et le point de vue
à peu près au milieu du tableau, selon l'usage des artistes européens, les
Chinois l'élèvent bien au-dessus du bord supérieur du tableau, ce qui
laisse voir les objets à vol d'oiseau, par conséquent plus distincts les uns
des autres. Dans la représentation d'une fête où il y a tant d'objets et de
personnages, cette précaution était peut-être inévitable. Ce qu'il y a de
certain, c'est que, bien que les figures soient groupées avec un art infini,
il n'y a de confusion nulle part. Les couronnes de spectateurs autour des
théâtres sont, en particulier, de petits chefs-d'œuvre de composition et
de perspective. Plusieurs carrefours sont présentés sur point accidentel, et
il y a un certain nombre de planches que nous avons vérifiées avec la
règle et le compas, où la diminution perspective des personnages et des
objets est assez fidèlement observée. D'ailleurs une précaution prise par
le compositeur de cette suite de dessins prouve qu'il n'opérait pas au
hasard. Tous les objets de forme régulière, les édifices entre autres, quand
ils sont parallèles au bord des tableaux, lancent leurs lignes, sous le même
angle, vers l'horizon. Ce système de perspective, imparfait sous le rap-
port de la science, a favorisé évidemment le compositeur chinois, qui
avait pour objet de représente]', sur une étendue de vingt-quatre mètres,
toute l'étendue en longueur de la grande rue de Pékin, ses édifices et les
trente ou quarante mille personnages qui la parcourent. La vérité est
qu'une fois l'élévation excessive de l'horizon acceptée par l'œil du spec-
tateur, on parcourt avec curiosité, puis avec intérêt, tous les détails de la
fête de l'empereur chinois et les aspects de la ville de Pékin et des cam-
pagnes dont elle est environnée.
manière à pouvoir être déployé comme un paravent. » L'édition de la
bibliothèque de la rue Richelieu a deux volumes de gravures très-belles;
celle que je me propose de décrire n'en a qu'un, mais les planches sont
aussi fort bien composées et dessinées; enfin il en existe une troisième
édition, évidemment moderne, ayant huit volumes de planches très-cu-
rieuses à cause des renseignements qu'elles fournissent, mais d'une grande
infériorité sous le rapport de l'art, si on les compare aux précédentes.
L'ensemble de cette dernière composition porte environ 180 mètres
d'étendue.
Pour apprécier le mérite de ces compositions chinoises, il est indispen-
sable de se familiariser avec quelques principes, préjugés si l'on veut,
auxquels les artistes du Céleste-Empire se soumettent. On leur fait com-
munément reproche, et non sans raison, de bouleverser les lois de la per-
spective. Dans les compositions représentant l'entrée de l'empereur à
Pékin à .son jour de naissance, les lois de l'optique sont assez régulière-
ment observées; seulement, au lieu de placer l'horizon et le point de vue
à peu près au milieu du tableau, selon l'usage des artistes européens, les
Chinois l'élèvent bien au-dessus du bord supérieur du tableau, ce qui
laisse voir les objets à vol d'oiseau, par conséquent plus distincts les uns
des autres. Dans la représentation d'une fête où il y a tant d'objets et de
personnages, cette précaution était peut-être inévitable. Ce qu'il y a de
certain, c'est que, bien que les figures soient groupées avec un art infini,
il n'y a de confusion nulle part. Les couronnes de spectateurs autour des
théâtres sont, en particulier, de petits chefs-d'œuvre de composition et
de perspective. Plusieurs carrefours sont présentés sur point accidentel, et
il y a un certain nombre de planches que nous avons vérifiées avec la
règle et le compas, où la diminution perspective des personnages et des
objets est assez fidèlement observée. D'ailleurs une précaution prise par
le compositeur de cette suite de dessins prouve qu'il n'opérait pas au
hasard. Tous les objets de forme régulière, les édifices entre autres, quand
ils sont parallèles au bord des tableaux, lancent leurs lignes, sous le même
angle, vers l'horizon. Ce système de perspective, imparfait sous le rap-
port de la science, a favorisé évidemment le compositeur chinois, qui
avait pour objet de représente]', sur une étendue de vingt-quatre mètres,
toute l'étendue en longueur de la grande rue de Pékin, ses édifices et les
trente ou quarante mille personnages qui la parcourent. La vérité est
qu'une fois l'élévation excessive de l'horizon acceptée par l'œil du spec-
tateur, on parcourt avec curiosité, puis avec intérêt, tous les détails de la
fête de l'empereur chinois et les aspects de la ville de Pékin et des cam-
pagnes dont elle est environnée.