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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
du temple de Minerve au cap Sunium, et dans celles du Parihénon dont
la beauté est exquise. Le diamètre se rétrécit au sommet du fût, non pas
d'un tiers, mais d'un quart environ, ou, pour être plus précis, de vingt-
sept centièmes. Il est donc certain que les plus belles colonnes grecques
ont à la fois une diminution très-visible dans la partie supérieure, et,
vers le tiers inférieur, un très-délicat renflement, semblable à la panse
légère d'un vase très-élancé. Toutefois, ce renflement ne porte pas, on
le voit, sur la verticale mn partie du pied de la- colonne, mais sur
l'oblique mo qui joint le sommet à la base. En d'autres termes, Yentusis
des Grecs n'est jamais égale au diamètre qui mesure la colonne à son
pied; c'est toujours ce diamètre qui marque le maximum de largeur.
Ainsi les Grecs réunissaient dans leurs colonnes la solidité apparente
et réelle avec cet appoint d'élégance que les Italiens ont appelé gurbo, et
que nous appelons le galbe. En effet, si la colonne était d'un type allongé,
elle paraîtrait tant soit peu faible entre le milieu et le tiers de sa hau-
teur. L'œil pourrait craindre qu'elle ne vînt à fléchir en cet endroit, qui
est justement le point où une barre de fer plie avant de se rompre sous
le fardeau qu'elle porte. Il est donc naturel que le support prenne un
peu plus de force là où l'imagination le romprait. Mais en exagérant ce
qui est plutôt un besoin de l'esprit qu'une nécessité de la construction,
des architectes éminents, tels que Léon Baptiste Alberti, sont allés jusqu'à
placer le plus grand diamètre de la colonne au tiers ou aux trois sep-
tièmes de sa hauteur, de façon que leur colonne, franchement diminuée
par le haut et légèrement amincie par le bas, ressemble à un fuseau dont
les deux pointes seraient abattues; aussi lui a-t-on donné le nom de
colonne fuselée, et ce nom exprime fort bien l'excès d'un tel renflement.
Yitruve, qui florissait sous le règne d'Auguste, quatre siècles après le bel
âge de l'architecture antique, parle de Yenlasis comme ayant été placé
par les Romains et par les Grecs eux-mêmes au milieu de la colonne, et
il ajoute : « Une figure que j'ai dessinée à la fin de mon livre montrera
comment on peut adoucir ce renflement et le rendre convenable. » Mais
cette figure s'étant perdue, comme toutes celles qui accompagnaient le
texte de Yitruve, des maîtres modernes, Vignole, François Blonde!,
Claude Perrault, y ont suppléé par des moyens ingénieux dont la con-
naissance technique n'importe qu'aux praticiens. Le présent ouvrage
n'est pas un traité d'architecture à l'usage des architectes; c'est plutôt
une grammaire à l'usage du spectateur qui les juge.
Que dire maintenant des colonnes torses? N'est-ce pas le comble de
la déraison que de prêter une forme serpentine à ce qui doit être
l'image de la solidité? Donner l'apparence d'une spirale à ce qui
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
du temple de Minerve au cap Sunium, et dans celles du Parihénon dont
la beauté est exquise. Le diamètre se rétrécit au sommet du fût, non pas
d'un tiers, mais d'un quart environ, ou, pour être plus précis, de vingt-
sept centièmes. Il est donc certain que les plus belles colonnes grecques
ont à la fois une diminution très-visible dans la partie supérieure, et,
vers le tiers inférieur, un très-délicat renflement, semblable à la panse
légère d'un vase très-élancé. Toutefois, ce renflement ne porte pas, on
le voit, sur la verticale mn partie du pied de la- colonne, mais sur
l'oblique mo qui joint le sommet à la base. En d'autres termes, Yentusis
des Grecs n'est jamais égale au diamètre qui mesure la colonne à son
pied; c'est toujours ce diamètre qui marque le maximum de largeur.
Ainsi les Grecs réunissaient dans leurs colonnes la solidité apparente
et réelle avec cet appoint d'élégance que les Italiens ont appelé gurbo, et
que nous appelons le galbe. En effet, si la colonne était d'un type allongé,
elle paraîtrait tant soit peu faible entre le milieu et le tiers de sa hau-
teur. L'œil pourrait craindre qu'elle ne vînt à fléchir en cet endroit, qui
est justement le point où une barre de fer plie avant de se rompre sous
le fardeau qu'elle porte. Il est donc naturel que le support prenne un
peu plus de force là où l'imagination le romprait. Mais en exagérant ce
qui est plutôt un besoin de l'esprit qu'une nécessité de la construction,
des architectes éminents, tels que Léon Baptiste Alberti, sont allés jusqu'à
placer le plus grand diamètre de la colonne au tiers ou aux trois sep-
tièmes de sa hauteur, de façon que leur colonne, franchement diminuée
par le haut et légèrement amincie par le bas, ressemble à un fuseau dont
les deux pointes seraient abattues; aussi lui a-t-on donné le nom de
colonne fuselée, et ce nom exprime fort bien l'excès d'un tel renflement.
Yitruve, qui florissait sous le règne d'Auguste, quatre siècles après le bel
âge de l'architecture antique, parle de Yenlasis comme ayant été placé
par les Romains et par les Grecs eux-mêmes au milieu de la colonne, et
il ajoute : « Une figure que j'ai dessinée à la fin de mon livre montrera
comment on peut adoucir ce renflement et le rendre convenable. » Mais
cette figure s'étant perdue, comme toutes celles qui accompagnaient le
texte de Yitruve, des maîtres modernes, Vignole, François Blonde!,
Claude Perrault, y ont suppléé par des moyens ingénieux dont la con-
naissance technique n'importe qu'aux praticiens. Le présent ouvrage
n'est pas un traité d'architecture à l'usage des architectes; c'est plutôt
une grammaire à l'usage du spectateur qui les juge.
Que dire maintenant des colonnes torses? N'est-ce pas le comble de
la déraison que de prêter une forme serpentine à ce qui doit être
l'image de la solidité? Donner l'apparence d'une spirale à ce qui