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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 20.1866

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Nr. 2
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Blanc, Charles: Grammaire des arts du dessin, 3, Peinture, 10: architecture, sculpture, peinture
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https://doi.org/10.11588/diglit.19277#0163

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GRAMMAIRE DES ARTS DU DESSIN.

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exemple l’engorgement léger des malléoles et l’enveloppement des ge-
noux, et telles autres particularités qui dépasseraient la liberté du sculp-
teur, notamment l’oreille attachée un peu haut et un peu loin. Quel
charme n’y a-t-il pas à croire que cette naïade n’est pas une pure allé-
gorie, mais bien une jeune fille vivante, que le peintre aura un jour aper-
çue à l’entrée d’une grotte, d’où s’échappe quelque ruisseau qui s’appelle
peut-être le Céphise ou l’Ilyssus!

Ah! nous ne sommes plus au temps où le peintre, faisant de toute
figure une idée, comme dans l'antique Égypte, supprimait les individus
en ne leur prêtant d’autre physionomie que celle 8e leur caste. Les guer-
riers, les héros, les pharaons, les dieux, les prêtres, les esclaves, tous
étaient là pour signifier leur espèce, non pour affirmer leur personne.
Chaque figure est un emblème, chaque esclave représente des milliers
d’esclaves, chaque prêtre représente la classe entière des prêtres, de sorte
qu’il n’est pas un personnage, dans cette peinture étrange, qui ne soit
multiplié aux yeux de l’esprit par tous ses semblables, et qui n’apparaisse
comme un nombre! Sur les murailles du temple défilent des processions
d’idées figurées par des fantômes toujours les mêmes, toujours réglés
par un rhythme sacerdotal. Les variétés individuelles disparaissant sous
l'uniformité du symbole, toute personnalité s’efface, et les hommes ne
sont plus que les lettres d’une écriture énigmatique. Oui, nous sommes
loin, bien loin de cet art solennel où l’artiste, commandé par la religion,
immolait la nature à l’idéal secret du sanctuaire. Nous ne pouvons plus
même rajeunir cette peinture des Grecs, si semblable, selon toute appa-
rence, à leur sculpture. Affranchis désormais des formes hiératiques,
nous demandons à nos peintres des figures qui soient prises parmi les
enfants de la vie. Nous voulons qu’ils distinguent ce que l’antiquité vou-
lait confondre, et qu’ils mettent en relief les personnalités qu’elle dédai-
gnait.

Consulter le modèle ! qui oserait s’en dispenser, quand nous savons
que Raphaël lui-même s’v est astreint toute sa vie? Et quelle précieuse
leçon dans les dessins que ce grand peintre a faits d’après nature! Il y
reste encore tant de naïveté qu’ils semblent être le produit d’une science
infuse... Nous sommes dans l’atelier du maître. On y a fait venir une fille
du peuple, une jeune femme du Transtévère, pour servir de modèle à
Raphaël, qui médite en ce moment la Sainte Famille, devenue si fa-
meuse, que nous possédons au Louvre, la Vierge de François IPr. Habillée
d’une simple tunique et négligemment coiffée de ses cheveux, la jeune
femme, le genou ployé, la jambe nue, se penche en avant comme pour
 
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