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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 20.1866

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Nr. 2
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Viardot, Louis: D'une définition de l'art appliquée à l'art de peindre
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https://doi.org/10.11588/diglit.19277#0170

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162

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

même manière que l’homme se figure l’enfer et le paradis, les diables
et les anges, les dieux et Dieu lui-même.

L’art de la peinture, comme tout l’art plastique, même quand il essaye
de retracer le surnaturel, est donc circonscrit dans le champ d’observa-
tion que la nature ouvre à l’homme; il ne peut s’exercer que par la
représentation des objets divers — vivants, végétants ou inanimés, —
qu’elle offre à son talent d’imitation.

Mais cependant l’imitation de la nature n’est pas le but et la fin de
l’art; elle n’est qu’un moyen de le pratiquer.

Si l’art n’était que l’imitation de la nature, la plus parfaite des
œuvres de l’art serait précisément celle d’où il s’effacerait le plus pour
laisser le plus paraître la nature, d’où l’art prendrait soin de s’exclure
lui-même. Des tableaux, le plus parfait serait un diorama réussi jusqu’au
trompe-l’œil ; des statues, une figure de cire. 11 ne faudrait plus pein-
dre de portraits, mais regarder dans un miroir; il ne faudrait plus pein-
dre de paysages, mais ouvrir une fenêtre. Pascal alors serait dans son
droit lorsqu’il dit, en chrétien mais non en artiste : « Quelle vanité que
« la peinture, qui attire l’admiration par la ressemblance des choses dont
« on n’admire pas les originaux ! »

Donc l’art ne consiste point à inventer, ce qui est impossible, ni
davantage à imiter seulement, ce qui est contraire à sa raison d’être,
comme au-dessous de sa dignité.

Il consiste à imaginer et à exprimer ce qu’il imagine.

Tous les hommes voient les mêmes objets, mais ils ne les voient pas
de même ; du moins ils les apprécient et les sentent différemment. Plus
ouvert à la variété des impressions du dehors, plus facile à la force des
émotions du dedans, l’artiste voit ce qu’il regarde, ou ce qu’il se rap-
pelle, ou ce qu’il pense, à travers son goût, son aptitude, son carac-
tère, ses croyances, ses passions, enfin à travers son âme; et sa main
s’efforce ensuite de reproduire et de fixer sur la toile ou dans le marbre
ce que son âme a vu, ce qu’elle a senti, ce qu’elle a pensé.

Conduisez deux hommes dans la campagne, faites-les asseoir sur le
penchant d’une colline, en face d’une plaine que borne la mer, et
demandez-leur de vous faire, en paysage, le portrait de cette petite por-
tion de la terre qui se déroule à leur vue. De ces deux hommes, l’un vit
dans la chaude et lumineuse Italie, l’autre dans la froide et brumeuse
Hollande; l’un s’appelle Claude Gelée le Lorrain, l’autre Jacques Ruys-
daël. Le premier osera faire jaillir des profondeurs de l’horizon le disque
en feu du soleil levant; il étalera sur les ondes légèrement agitées par la
brise matinale un éventail de rayons frémissants; il baignera les objets
 
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