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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 20.1866

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Nr. 3
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Blanc, Charles: Grammaire des arts du dessin, 3, Peinture, 11-12: architecture, sculpture, peinture
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https://doi.org/10.11588/diglit.19277#0262

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252

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

dans laquelle est endormi le héros et que semblent représenter aux yeux
les paisibles clartés de la lune, éclairant une cour intérieure du palais
d’Argos... Chose remarquable, c’est dans une école qui passe pour avoir
dédaigné les ressources du clair-obscur et de la couleur, qu’on a vu se
produire aussi cet Endymion qui dort caressé par les rayons d’une déesse
invisible et que Prud’hon ne se lassait point d’admirer... Sans parler de
Granet, qui a peint tous les drames de la lumière souterraine, et du
grand artiste qui, dans son Virgile lisant l’Eneide, a rencontré un effet
si tragique dans cette image de Marce'.lus qui se dresse comme un fan-
tôme de marbre évoqué par le poète, et qui projette une ombre colossale
et indécise sur les murailles du palais de César.

Mais il faut en convenir, c’est à Rembrandt qu’il était réservé de
puiser des trésors dans le clair-obscur. « Celui-là est le clair-obscuriste
par excellence, » disait David à son élève Alexandre Couder. En effet, que
de choses il a su exprimer par le drame du jour et de l’ombre, ce grand
peintre de la brumeuse Hollande, soit qu’il représente le Christ lorsqu’il
ressuscite Lazare en faisant éclater la lumière de la vie dans la nuit du
tombeau, soit qu’il apparaisse à la Madeleine comme un corps lumineux
qui va se fondre et s’évanouir dans l’essence divine, soit que l’ange
quitte la famille de Tobie et s’envole au sein d’une lueur miraculeuse,
soit enfin que dans l’humble demeure d’un charpentier, où une mère
allaite son enfant, il tombe un rayon du ciel qui, tout à coup, nous an-
nonce que cette mère est une vierge et que son enfant nous promet un
dieu. 11 est une composition de Rembrandt où la lumière joue un rôle
sublime. C’est une pensée rapidement écrite sur un dessin lavé de bistre,
pour le tableau des Pèlerins d’Emmaüs. Les deux disciples, à table avec
Jésus-Christ dans une maison pauvre, l’ont vu tout à coup disparaître
de devant eux, et ils sont saisis d’une frayeur religieuse, car à la place
où ils venaient d’entendre sa voix et de rompre le pain avec lui, ils
voient trembler une lumière surnaturelle qui a remplacé le dieu disparu.

Au peintre qui a imité les combats du jour et de la nuit, il reste
encore à imiter la présence de l’air et les profondeurs de l’espace. La
perspective qui déforme les lignes, altère aussi les tons, et de même que
le bruit s’affaiblit en s'éloignant et, se perdant peu à peu, finit par
devenir le silence, de même les ombres et les lumières, à mesure qu’elles
s’éloi'gnent de nos yeux, subissent une dégradation insensible, et finissent
à une grande distance par n’être plus ni lumière ni ombre, et par s’éva-
nouir dans le ton de l’air. Léonard de Vinci a prouvé par une figure de
géométrie que cette dégradation était mesurable. On peut d’ailleurs en
observer le phénomène à l’entrée d’une galerie longue, qui serait également
 
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