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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 20.1866

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Nr. 3
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Blanc, Charles: Grammaire des arts du dessin, 3, Peinture, 11-12: architecture, sculpture, peinture
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https://doi.org/10.11588/diglit.19277#0264

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254

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

sphère épaisse et vaporeuse que dans un air pur. Mais une telle dégra-
dation ne s’obtient pas seulement en peinture par l’apaisement des
clairs et l’adoucissement des ombres ; il s’obtient aussi par le caractère
de l’exécution ou de la touche, comme nous le dirons bientôt. Les objets
avancent ou reculent, non pas uniquement par leur clarté et leur obscu-
rité, mais encore et surtout par la précision ou le vague avec lesquels
le peintre nous les montre, c’est-à-dire par le fort ou le faible de la
touche qui les accuse; car il peut arriver qu’un lointain soit clair et qu'il
reste lointain, comme il arrive aussi que les objets les plus obscurs sont
le plus rapprochés du cadre. Ces masses de vigueur que les peintres
mettent quelquefois sur le premier plan— et qu’il vaut mieux mettre sur
le second, — s’appellent des repoussoirs, parce qu’elles ont pour but de
faire mieux fuir les objets éloignés, de les repousser. Claude Lorrain,
pour approfondir son paysage et en rendre les fonds plus lumineux, a
soin de placer sur le devant quelques arbres touffus au feuillage sombre,
ou quelques ruines d’un ton vigoureux, qui remplissent dans son tableau
le même rôle que les coulisses sur la scène d’un théâtre. Pourvu qu’ils
ne soient pas gauchement employés et que le peintre ait su les dissi-
muler par la vraisemblance, les repoussoirs peuvent être une ressource
utile et même un artifice nécessaire, quand il s’agit de creuser l’espace
et de feindre un vaste horizon. Dans le portrait du Jeune homme vêtu de
noir qui a été si longtemps au Louvre sous le nom de Raphaël, et que
l’on attribue maintenant au Francia, dans ce portrait d’une expression si
grave, si pénétrante et si triste, j’allais dire si poignante, le buste tout
entier forme, par l’énergie de ses ombres à fleur de cadre, un repous-
soir admirable, derrière lequel s’enfuit à perte de vue un paysage qui
entraîne le regard et la pensée du spectateur, lorsque, après avoir con-
templé la rêverie douloureuse de ce jeune homme, il va chercher au
loin le calme de la nature.

Ainsi le seul clair-obscur renferme déjà une beauté qui pourrait
presque suffire à la peinture, car elle suffit au relief des corps et contient
les poésies de l’âme. Mais que de merveilles produira ce grand art.
lorsque le peintre, décomposant la lumière, y aura puisé une variété
infinie de teintes pour en revêtir l’unité de son clair-obscur, lorsque
enfin il aura trouvé dans un rayon de soleil l’écrin des couleurs !

euARI.ES blanc.
 
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