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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 20.1866

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Nr. 3
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Lagrange, Léon: Bulletin mensuel: Février 1866
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https://doi.org/10.11588/diglit.19277#0304

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292

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

que les législateurs de son pays ont dansé devant son tableau ou qu’un solliciteur a
oublié, à le regarder, les longues heures de l’attente. Le plus grand nombre attache
assurément moins de prix à un tel honneur qu’à celui de se savoir exposé tous les
jours au libre contrôle de l’opinion publique, discuté par ses pairs, adopté par
l’État comme un modèle, et, en cette qualité, offert à l’étude des débutants. 11 faut
donc un grand effort!1 de satisfaction pour assimiler la galerie de la Présidence au Musée
du Luxembourg. On jugera plus sainement cette initiative d’un homme de goût,
désireux de faire rejaillir sur l’art contemporain l’éclat de son rang, si l’on y voit un
germe auquel l’avenir réserve peut-être un développement inattendu.

Quand la galerie de la Présidence et toutes celles qui pourraient être créées à son
exemple n’auraient d’autre effet que de recevoir en bon lieu la surverse du Luxem-
bourg, elle rendrait déjà un signalé service. Le « Musée de l’École moderne de
France » subit les dures conditions imposées en France à tous les établissements du
même genre. Mal logé dans une galerie insuffisante et dans des salles dont aucun
architecte ne pouvait prévoir la destination actuelle, il étouffe, faute d’air, de lumière
et d’espace. En vain la mort y fait des vides, l’extension de l’art contemporain y amène
des recrues toujours plus nombreuses, sans élargir dos murailles toujours plus étroites.
La plupart de nos Musées sont des champs d’asile où l’art campe tant bien que mal.
Le Luxembourg est un bivouac. Résidence essentiellement temporaire où Ton entre et
d’où l’on sort un peu à l’aveuglette, la situation matérielle s’y complique d’une situation
morale plus difficile encore. Existe-t-il un règlement qui fixe les conditions d’entrée
et de sortie du Luxembourg? La question embarrasserait les plus intéressés à y
répondre. Le dernier rapport du conservateur jette sur ce point une lumière mélanco-
lique. A voir ses efforts pour faire approuver les deux « résolutions » que nous avons
citées l, à voir avec quelle facilité Tune des deux a déjà été éludée, puisque les œuvres
des artistes étrangers, qui devaient former une salle spéciale au Luxembourg, ont
passé à la Présidence du Corps Législatif, on comprend trop quelle base fragile porte
ce Musée de l’École moderne de France. Au lieu d’être bâti sur des principes, comme
un monument national, il repose presque uniquement, non pas même sur des traditions,
mais sur des habitudes administratives. Rien de fixe, rien de certain, aucun droit, au-
cune garantie. M. Léon Coignet en est éliminé de son vivant, tandis que Roqueplan s’y
perpétue plus de dix ans après sa mort. M. Corot n’y a qu’un tableau, quand tels pein-
tres, dont la réputation date d’hier, en ont deux et trois. L'Institut n'v figure pas au com-
plet: M. Gérôme en est absent aussi bien que M. Picot, et l'École moderne de France ne
s’aperçoit pas qu’il lui manque et M. Pils, et M. Yvon, et M. Ricard, et M. Puvis de
Chavannes, et M. Hamon, et M. Édouard Frère, et M. Guillemin, artistes médaillés,
quelques-uns décorés, en un mot recommandés à l’opinion par tous les titres, sauf par
leurs œuvres exposées. Certes, le Musée du Luxembourg se trouve entre des mains
habiles, qui ont beaucoup fait, qui feront plus encore. Mais enfin, le zèle le plus
ardent et le plus éclairé suffit-il en pareil cas? Ou plutôt, si tout dépend de la volonté
individuelle, n’est-il pas à craindre que les améliorations les plus nécessaires manquent
de vitalité, et qu’un conservateur vienne défaire demain ce qu’un conservateur aura
fait aujourd’hui ?

Et pourtant nous avons là un établissement unique, un principe admirablement
fécond, une institution qui s’élèverait sans peine à la dignité d'une institution natio-

1. Voir Gazette des Beaux-Arts, t. XX, p. 96.
 
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